Fête de la bière –
En Allemagne, la bière n’a plus la cote
Alors que la Russie vient de détrôner l’Allemagne comme premier producteur en Europe, la Fête de la bière s’ouvre à Munich dans un contexte de chute vertigineuse des ventes.
Publié aujourd’hui à 13h35
La consommation de bière chute même en Allemagne.
AFP
En bref:
- La consommation de bière en Allemagne a chuté d’un tiers en vingt ans.
- Les jeunes consommateurs allemands privilégient désormais la qualité à la quantité.
- Plus de 1500 brasseries allemandes font face à une hausse des coûts.
- Le segment des bières sans alcool représente seulement 10% du marché.
Personne ne se fait des soucis pour l’avenir de Fête de la bière à Munich. Avec près de 7 millions de visiteurs par an, l’Oktoberfest reste la plus grande fête populaire du monde et devrait le rester encore longtemps. Elle sera inaugurée samedi midi par le maire, qui percera le premier fût de bière sous la tente «Schottenhamel», en lançant dans le dialecte bavarois: «O’zapft is!» («le tonneau est percé!»).
«Mais ce n’est plus un passage obligé pour les candidats aux élections qui utilisaient ces fêtes pour faire leur campagne électorale. Ils ne viennent plus en raison du rapport à l’alcool qui a changé dans la société», explique Markus Raupach, fondateur de l’Académie allemande de la bière (DBA).
Coûts de production de la bière augmentés
En effet, la bière n’a plus autant la cote qu’il y a trente ans. «Au moins 80% des Allemands estiment qu’elle ne symbolise plus l’Allemagne moderne. Par ailleurs, 20% de la population est issue d’une immigration et n’a pas nécessairement le même rapport à cette boisson», ajoute-t-il.
«La percée des bières artisanales a montré que les habitudes de consommation ont changé, notamment chez les jeunes. On cherche la qualité plus que la quantité», remarque Ursula Heinzelmann, historienne de l’alimentation.
Cette crise d’identité se traduit dans les chiffres. En vingt ans, les ventes se sont effondrées d’un tiers. Au premier semestre, elles ont chuté en volume de 6,3% pour atteindre 3,9 milliards de litres, soit trois millions de bouteilles vendues en moins par jour, un nouveau record.
Avec des coûts de production qui augmentent d’environ 6% par an depuis la crise sanitaire (houblon, énergie, salaires, transport, etc.), l’existence des petites brasseries est désormais menacée. «Elles vont tomber comme des mouches», prédit le président du grand brasseur de Munich, Oettinger, qui a annoncé 150 suppressions de postes.
Le championnat d’Europe de football était un espoir de relancer la consommation avec une grande campagne promotionnelle. Mais le recul s’est poursuivi (-2%) avec un pic de baisse pendant le tournoi même. «Le temps où l’on buvait cinq bières pendant un match est révolu», constate Markus Raupach.
Des bières sans alcool pour relancer la consommation
L’avenir est morose pour cette boisson concurrencée par le Spritz et autres breuvages aromatisés. Avec environ 1500 brasseries (dont la moitié en Bavière), aucun marché n’est aussi fragmenté. «Nous allons connaître dans les prochaines années un processus de concentration important», prédit Gunther Hirschfelder, professeur à l’Université de Ratisbonne spécialisé et auteur d’un livre sur l’histoire de la bière.
Si la bière allemande a une réputation mondiale, son poids économique est faible. À lui seul, l’Américain AB InBev produit presque dix fois plus que tous les brasseurs allemands réunis. Le premier groupe allemand, Radeberger, occupe seulement la 23e place du classement mondial et la Russie vient de détrôner l’Allemagne comme premier producteur en Europe.
Avec beaucoup de retard, les brasseurs ont réagi en se lançant dans les offres sans alcool. Une transition qui a posé une question fondamentale: la bière sans alcool est-elle encore de la bière? «Le brasseur Augustiner avait refusé de passer ce cap pour une question d’éthique. Il y a deux ans, il s’est finalement résigné. Et sa marque sans alcool est un immense succès», raconte Markus Raupach. «Les brasseurs doivent s’adapter à leur époque et libérer la bière de sa dépendance à l’alcool. S’ils ne font rien, cet héritage culturel finira par perdre de son importance», dit-il.
Mais le segment du sans alcool ne représente que 10% du marché et ne permettra pas de compenser la baisse de la consommation, selon le rapport de BarthHaas, le plus grand négociant mondial de houblon (Nuremberg). L’enthousiasme pour une telle boisson a déjà atteint ses limites: le premier Biergarten (brasserie en plein air) de Munich qui ne proposait que des bières sans alcool n’aura tenu qu’une saison avant de mettre la clé sous la porte.
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