CRITIQUE – Le réalisateur Antony Cordier fait prendre à ses personnages des directions inattendues. Laurent Lafitte, comme toujours exceptionnel, hisse vers le haut ses compagnons de jeu.
Ne pas se fier aux apparences. Ni aux premières scènes d’un film. Classe moyenne (en salles le 24 septembre) commence comme un film paresseusement hégélien où l’esclave finit par dominer le maître en vertu du fait qu’il travaille, donc change le monde, tandis que le maître, oisif, se contente de jouir de sa situation, de son domaine, de ses biens améliorés par son esclave… , provoquant donc par là une inversion des statuts de chacun puisque le maître dépendant du travail accompli par l’esclave, il finit par être dominé par lui (ça suit, derrière ?).
Voici donc les Trousselard (quel nom ! on se croirait chez Marcel Aymé !). Philippe est un avocat arrogant, snob (il ponctue chaque phrase d’une locution en latin de cuisine), obsédé par l’argent qu’il gagne et fait perdre à ses clients. Il est marié à une actrice qui ne tourne plus depuis des lustres et a une fille dont le compagnon, d’origine algérienne, a terminé major du concours du barreau et cherche un stage (sans piston). Tout ce petit monde mange, boit, et se détend au soleil dans une belle villa dont l’entretien est assuré à l’année par un couple modeste et travailleur, les Azizi. Que Trousselard traite par un mélange de mépris et de condescendance caricaturalement caricatural. Un soir, pris de boisson, Tony Azizi vient dire son fait à son patron, sans oublier, de finir sa tirade en latin – initiative ad hoc. L’avocat refuse ses excuses le lendemain et lui signifie son licenciement : vade retro, Satana ! Mais peut-on licencier quelqu’un payé au noir ? De facto, non ! Débute hic et nunc la guerre Trousselard-Azizi qui, séquence après séquence, va dégénérer jusqu’à un point de non-retour.
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Cruauté, cynisme, méchanceté
Un peu à la manière de Jean-Christophe Meurisse, le réalisateur Antony Cordier va in fine très loin dans le genre de la comédie noire. Sans craindre de dérouter, il fait prendre à ses personnages des directions inattendues en s’éloignant du schéma simpliste originel. Lafitte, via sa vis comica, est comme toujours exceptionnel, hissant vers le haut ses compagnons de jeu. Morale de cette fable qui ne l’est pas : la cruauté, le cynisme, la méchanceté, et cætera sont formidablement divertissants. Amen.