Lentement mais sûrement, les étudiants espèrent mettre bientôt fin à d’interminables semaines de recherche de logement. Tandis que les cours ont repris cette semaine dans la plupart des facs, certains étudiants que Libé suit en Ile-de-France depuis le début du mois n’ont toujours pas de toit fixe au-dessus de leur tête. Ils racontent leur rentrée universitaire bousculée, entre visites à des heures improbables, nuits sur le canapé d’amis et remise de clés.

«J’ai commencé les cours cette semaine, c’est une nouvelle université donc je m’adapte, mais avec mon train de vie, actuellement, c’est assez compliqué. Je dois suivre les cours, aller dormir chez des gens, rentrer chez ma mère pour prendre ma douche et des affaires, courir dans des Crous différents…» A ce titre, Fares décrit une semaine aux airs de partie de ping-pong, avec lui dans le rôle de la balle. «J’ai fait beaucoup de résidences Crous pour voir s’il était possible de trouver un logement, on me renvoyait à quelqu’un d’autre, puis cette personne me disait de parler à une autre, etc. C’est insupportable. J’ai une amie qui m’a dit qu’une place s’était libérée dans le sien, donc je vais y aller tout à l’heure…»

Sa rentrée pâtit évidemment de la situation. «J’arrive à suivre les cours mais j’ai toujours une petite anxiété avec moi». En attendant, il dit vivre «au jour le jour. Et j’essaie de trouver un job étudiant à côté en plus de tout le reste, pour avoir une entrée d’argent. J’ai dû payer des factures restantes, là je crois qu’il me reste 1,20 euro sur mon compte». S’il ne trouve pas de logement, Fares craint de devoir abandonner son master d’audiovisuel : «Je n’ai relu aucun de mes cours, là, ça va s’accumuler au bout d’un moment, et je ne vais juste plus m’y retrouver. J’essaie de relativiser. Mais si ça continue, j’ai peur de craquer. Je ne veux pas en arriver là parce que c’est dur de reprendre après […] mais je vais peut-être devoir arrêter les études si je ne trouve pas de logement. Je ne pense pas pouvoir tenir ça sur plus de deux, trois mois, si je n’ai pas de routine ça va un peu m’énerver.»

Au bout de quatre mois de recherche en vain, Marie, elle, a dû faire face à la réalité du secteur : «Mes standards ont baissé. Au départ, je cherchais dans les 15 m² parce qu’heureusement, on peut se le permettre, mais là, il y a beaucoup de demandes et même en ayant un bon dossier, j’ai l’impression que ce n’est pas assez bien ou que j’arrive trop tard, donc je suis en train de regarder des appartements de 10 m².» Elle continue : «Normalement j’avais une visite demain, pour une colocation. Le plan est un peu foireux parce que la visite était censée être à 20 h 30, mais c’est des particuliers, que des hommes, j’y allais toute seule sans connaître l’endroit, ça me faisait un peu peur. J’ai demandé à décaler aussi, à une heure où je n’ai pas cours, et j’attends leur retour.»

Elle a été forcée d’abandonner certaines pistes : «Je cherchais aussi une colocation avec mon amie ; j’ai abandonné cette idée. Elle s’est dit que ce serait plus intelligent de rester chez ses parents et de chercher une alternance près de chez eux, de ne venir sur Paris que pour l’unique journée de cours hebdomadaire, pour ne pas avoir à chercher et à dépenser tout son salaire dans un loyer. Ils sont à Dreux (Eure-et-Loir) donc elle va devoir prendre le TGV une fois par semaine ou emprunter la voiture de sa sœur.»

Les longs trajets, Marie aussi les subit, quotidiennement : «Honnêtement je suis très fatiguée depuis que j’ai repris les cours. Le temps de rentrer, il est 20 heures et en plus de ça mes affaires sont dans des valises. Pour l’instant je reste dans le 16 m² d’une amie. Je l’ai pour moi toute seule parce qu’elle est en vacances mais elle va bientôt rentrer et je devrai alors dormir sur son lit gonflable. Comme on ne rentre pas encore dans le vif du sujet en classe, ça passe encore, mais je pense que si courant octobre, je suis toujours chez mon amie, ça va être beaucoup plus compliqué pour suivre. Je reste déterminée, et je vais bientôt être aidée par ma famille qui va rentrer de vacances et faire des visites pour moi.»

Une lueur d’espoir, tout de même, pour Abdulqudus, qui avait été repris la semaine dernière dans son précédent studio du Crous, mais non sans accrocs : «J’y suis retourné hier et la dame avec qui j’étais a vu que, du côté du service logements, ils n’avaient pas encore prolongé mon contrat. Normalement tout va bien et ce sera fait, mais elle les a recontactés pour qu’ils fassent le nécessaire. J’ai quand même un doute, j’ai peur qu’ils me disent que finalement il n’y a plus de place ou que ce n’est pas accepté. J’attends juste de recevoir le mail qui dit que c’est bien prolongé, et ensuite j’aurai juste à compléter le dossier locatif.» S’il va s’épargner un déménagement, Abdulqudus va quand même devoir défaire des cartons : «J’avais déjà commencé à emballer mes affaires pour pouvoir être prêt à partir !»

Si l’issue est heureuse, lui aussi décrit une semaine de rentrée chamboulée, entre les cours à la fac et l’alternance en entreprise. «Les allers-retours avec le Crous, ça me prenait de l’énergie. J’ai des horaires de salarié, alors que quand je rentrais du travail le service était déjà fermé ; je n’ai pas le temps d’aller les voir en physique. J’ai seulement eu le temps hier parce que j’étais en télétravail, avec les grèves, mais c’était exceptionnel. Si je n’y étais pas allé, je n’aurais pas su que le renouvellement de mon contrat n’avait pas été fait. J’aurais peut-être fini par le remarquer, mais ça aurait été trop tard. C’est plus facile quand c’est une semaine de cours pour les horaires, mais comme c’est le début de l’année je veux être assidu. Donc je les appelle quand je suis en pause, parfois ils me rappellent et je suis en cours… C’est difficile de tout gérer.» Et de conclure : «Maintenant je suis assez serein. J’ai recommencé à m’inquiéter d’apprendre que tout n’était pas bouclé, mais je pense que ça va le faire.»