Dès l’annonce d’Emmanuel Macron de son intention de reconnaître un État palestinien, ce qu’il fera officiellement lundi 22 septembre au siège new-yorkais de l’Onu, Israël avait fulminé. En août, son premier ministre, Benyamin Netanyahou, avait accusé Emmanuel Macron « d’alimenter le feu antisémite » et de faire le jeu du Hamas, auteur de l’attaque sanglante du 7 octobre 2023 qui a déclenché en représailles une guerre dévastatrice à Gaza. Le chef de l’État s’était indigné de cette offense à la France « tout entière » et avait défendu son initiative diplomatique, y voyant au contraire une « main tendue » à Israël pour une « paix durable ».

Avant même l’officialisation de la reconnaissance, les autorités israéliennes ont brandi des menaces, au premier rang desquelles figure l’annexion de tout ou partie de la Cisjordanie. L’Élysée a averti vendredi soir qu’une telle annexion constituerait « une ligne rouge claire ». Visant plus particulièrement la France, Israël pourrait aussi fermer son consulat à Jérusalem ou réduire la coopération militaire et de défense. Des mesures conséquentes, sans toutefois aller jusqu’à la rupture diplomatique, estiment des diplomates des deux côtés. Il faut néanmoins s’attendre à « beaucoup de bruit », confie l’un d’eux, prédisant des joutes verbales publiques.

Des mesures sur les visas diplomatiques

L’effet le plus immédiat : Emmanuel Macron est persona non grata en Israël jusqu’à nouvel ordre, alors qu’il a reconnu avoir « proposé de s’y rendre » en amont de cette reconnaissance pour expliquer sa démarche. Pour autant, il assure maintenir le contact avec Benyamin Netanyahou, auquel il a encore parlé dimanche, selon son entourage.

À Paris, on reste discret sur les contre-mesures prévues, mais on promet une réponse forte sur la base de la réciprocité. Denis Bauchard, ancien ambassadeur et expert à l’Institut français des relations internationales (Ifri), évoque par exemple des mesures sur les visas diplomatiques. Selon lui, l’ambassade d’Israël en France est « surpeuplée », avec « énormément de personnes qui disposent d’un passeport diplomatique alors que manifestement leur activité relève plutôt des services de renseignement ». La diplomatie française a en tout cas assuré qu’elle ne « transigerait jamais » avec « la sécurité des ambassades étrangères » et réfuté toute velléité d’alléger la protection accordée à l’ambassadeur d’Israël à Paris.

Les observateurs s’inquiètent surtout des répercussions sur le terrain pour les Palestiniens. « Les Israéliens sont prêts à tout et la riposte française risque d’être assez limitée », estime Agnès Levallois, spécialiste du Moyen-Orient. Selon elle, la fermeture du consulat français à Jérusalem serait « catastrophique » car c’est un point de contact fondamental avec les Palestiniens. Avec la potentielle annexion de la Cisjordanie, « in fine, ce sont les Palestiniens qui ont le plus à perdre dans cette crise », opine-t-elle.

L’image de la France en Israël

Israël a le projet d’étendre ses colonies en Cisjordanie, un territoire qu’il occupe illégalement depuis 1967. En août, le gouvernement israélien y a approuvé la construction de nouveaux logements, un projet jugé menaçant pour la viabilité d’un futur État palestinien. « C’est injuste et irresponsable », « la Cisjordanie n’a rien à voir avec le Hamas », a protesté Emmanuel Macron dans un entretien jeudi à la chaîne israélienne 12. Il a dit y voir la preuve que le « projet politique » des autorités israéliennes « n’est pas de démanteler le Hamas, mais de tuer la possibilité d’avoir deux États ».

« Depuis le début, nous avons fait savoir qu’une reconnaissance d’un État palestinien par la France, sans aucune condition, allait compliquer la situation sur le terrain plutôt que de faire avancer la paix », a rétorqué Joshua Zarka, l’ambassadeur d’Israël à Paris. « Si le président Macron avait mis quelques conditions – une reconnaissance après la libération des otages et la démilitarisation du Hamas –, la dynamique aurait été différente », estime-t-il.

Pour Gérard Araud, ancien ambassadeur de France en Israël et aux États-Unis, les relations franco-israéliennes « sont cassées durablement » car, au-delà de la relation difficile Macron-Netanyahou, la France n’est pas populaire au sein de la population israélienne. De longue date, elle « est considérée comme antisémite, l’ennemi de l’État d’Israël et l’ami des Palestiniens », souligne-t-il. « Mon but sera de calmer les esprits le plus rapidement possible », promet l’ambassadeur Joshua Zarka, faute d’une relation apaisée.