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Rédaction Actu

Publié le

20 sept. 2025 à 19h08

Un riche microbiote intestinal préserve-t-il du cancer colorectal, et l’alimentation ultra-transformée, en altérant le microbiote, favorise-t-elle l’apparition de cette maladie, en hausse chez les jeunes ? Ces questions sont au cœur de nouvelles recherches menées à l’Institut Pasteur.

Le cancer colorectal fait partie des six cancers (dont ceux du cerveau, du rein, du sein…) dont l’incidence a augmenté parmi les 15-39 ans en France de 2000 à 2020, selon Santé publique France, suscitant l’inquiétude.

Si le fait qu’un mode de vie sain réduit les risques est bien connu – éviter tabac et alcool, manger varié et équilibré, faire de l’activité régulière… -, le lien, encore méconnu, entre cancer colorectal et microbiote intestinal fait l’objet de nombreuses recherches.

Un microbiote dérégulé, attention danger

Écosystème complexe de micro-organismes qui vivent dans notre intestin, le microbiote intestinal est essentiel à notre bonne santé : digestion, immunité, protection de la muqueuse intestinale…

On sait que notre régime alimentaire influence sa composition et son fonctionnement : un microbiote déséquilibré peut favoriser l’inflammation et la production de substances toxiques, déréguler notre système immunitaire et ainsi augmenter les risques de développer des cancers, dont le cancer colorectal.

À l’Institut Pasteur, à Paris, le chercheur Benoit Chassaing, directeur de recherche Inserm, dirige le laboratoire « Interactions microbiote-hôte » — créé il y a un an-, où il explore l’influence de l’alimentation moderne sur le microbiote intestinal et son lien avec le cancer colorectal notamment.

Nous étudions beaucoup les agents émulsifiants, les additifs les plus couramment utilisés pour allonger la conservation et améliorer la texture des produits : les crèmes glacées, les pains de mie, les barres chocolatées, les vinaigrettes… Nous avons pu montrer qu’ils altèrent le microbiote.

Benoit Chassaing
Directeur de recherche Inserm

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Un lien prouvé chez les souris

Fin juillet, la revue Nature communications a publié une étude Inserm/Institut Pasteur de son équipe, montrant que chez la souris, la consommation d’additifs alimentaires par la mère altère le microbiote des descendants, augmentant le risque de développer des maladies inflammatoires chroniques.

Des souris femelles ont été exposées à des émulsifiants très courants (E466, E433) 10 semaines avant la gestation, puis pendant la grossesse et l’allaitement. Et les chercheurs ont noté une altération du microbiote des souriceaux : une augmentation de bactéries flagellées, susceptibles de déclencher une réponse inflammatoire.

Nos travaux montrent que chez la souris, ce microbiote en mauvaise santé est transmis à la génération d’après : ces enfants récupèrent des mauvaises bactéries qui les rendent très susceptibles à l’âge adulte de développer des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, des dérégulations métaboliques et l’obésité.

Benoit Chassaing
Directeur de recherche Inserm

Or certains de ces émulsifiants « se retrouvent également dans le lait en poudre et des aliments pour les jeunes enfants », note-t-il.

Des essais à mener sur l’humain

Des essais cliniques sur l’humain restent à mener, dans le but d’adopter un jour des réglementations favorisant l’utilisation, par l’industrie agroalimentaire, « d’additifs inoffensifs et l’arrêt de celle d’additifs délétères », poursuit Benoit Chassaing. 

Son équipe étudie aussi la couche de mucus qui tapisse la paroi des intestins : normalement stérile, elle peut, lorsque le microbiote est perturbé, être colonisée par des bactéries favorisant l’apparition de lésions précancéreuses, puis d’un cancer colorectal.

Dans le laboratoire, une pièce abrite le microbiote « in vitro », avec lequel l’équipe mène d’autres recherches. Chauffé à 37 degrés Celsius, dépourvu d’oxygène, il reproduit les conditions de l’intestin : derrière une paroi de plastique, 48 petits compartiments reçoivent des bactéries qui se nourrissent de bol alimentaire (masse alimentaire mastiquée), comme pendant la digestion.

On peut y observer la réaction de 48 microbiotes singuliers à des additifs alimentaires : on voit si l’un est plus sensible que l’autre à l’impact de ces composants de l’alimentation ultra-transformée — aujourd’hui testés avant commercialisation pour leur toxicité et leur impact sur l’ADN, mais pas sur le microbiote.

Source AFP

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