En brandissant une coupe de cristal au Live Arena de Moscou samedi soir, le chanteur vietnamien Duc Phuc est devenu le premier vainqueur du nouveau concours de chanson Intervision, une version russe de l’Eurovision.

La chanson «Phu Dong Thien Vuong» de Duc Phuc, mélange enivrant de pop, de rap et de dubstep, a battu le Kirghizistan, finissant deuxième, et remporté le grand prix de 30 millions de roubles (environ 496 000 $ CAN).

La finale a eu son lot de surprises. Quelques instants avant l’entrée en scène de la candidate américaine Vassy, née en Australie, les présentateurs ont annoncé qu’elle ne pourrait pas se produire en raison de «pressions politiques» du gouvernement australien. Un autre artiste, l’auteur-compositeur-interprète Brandon Howard, devait se produire pour les États-Unis jusqu’à trois jours avant la finale. Il a finalement abandonné en raison de «circonstances familiales imprévues».

Vassily a déclaré à l’Associated Press qu’elle n’était pas en mesure de commenter l’incident pour le moment.

Depuis des décennies, l’Eurovision est le plus important concours international de musique. Intervision vise à prendre cette place. Tout comme l’Eurovision, le concours voit des artistes représenter des pays devant des milliers de personnes.

Mais sous les paillettes, la géopolitique bouillonne. Intervision a été lancé par un décret présidentiel spécial de la Russie en février, trois ans après l’exclusion de Moscou de l’Eurovision en raison de son invasion de l’Ukraine. Il offre entre autres à Moscou une plateforme autoconstruite pour retrouver la scène culturelle mondiale.

Les responsables du Kremlin insistent sur le fait qu’Intervision n’est pas un exemple de diplomatie d’influence russe. «Ce que nous faisons est diamétralement opposé aux tentatives d’instrumentaliser le sport, l’art et toute autre activité humaine à des fins politiques», a assuré le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, lors d’une conférence de presse précédant le concours.

Pourtant, des personnalités politiques russes de haut rang ont été régulièrement associées à la promotion d’Intervision. Le président Vladimir Poutine a évoqué le concours lors de sa visite d’État en Chine début septembre et a enregistré un message vidéo spécial diffusé avant le début de la compétition. M. Lavrov était également présent lors du spectacle, accordant une entrevue entre le premier et le deuxième acte.

Ce concours est important pour montrer une Russie accueillie, et non ostracisée, par le monde entier, malgré trois ans et demi de guerre.

«L’Eurovision est bien peu de chose en comparaison d’Intervision», a déclaré le député Leonid Sloutski à l’agence de presse officielle russe Tass. «[Intervision] détruit le mythe de l’isolement russe.»

La programmation d’Intervision comptait 23 artistes, dont certains de Chine, d’Afrique du Sud, du Brésil, des Émirats arabes unis, d’Inde, de Cuba, d’Éthiopie et du Venezuela. Vassy, représentant les États-Unis, faisait figure d’exception.

Alors que le concours 2025 touchait à sa fin, les organisateurs ont annoncé que l’édition 2026 d’Intervision se tiendrait en Arabie saoudite.

Pour l’instant, le Kremlin ne manque pas d’enthousiasme pour le futur du concours.

«À l’époque soviétique, le parti et le gouvernement prenaient des décisions visant à promouvoir une image positive de la Russie à l’étranger. Aujourd’hui, nous devons promouvoir une image objective», a remarqué M. Lavrov.

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Les journalistes de l’Associated Press Sarah Tetaud à Antananarivo (Madagascar), Nicholas Komu à Nairobi (Kenya) et Fay Abuelgasim au Caire ont contribué à cet article.