Après la téléréalité, place au boys band ! La première saison de Culte avait cartonné en racontant de façon romancée la production de l’émission « Loft Story ». La deuxième saison de l’anthologie de Prime Video, attendue sur la plateforme américaine le 24 octobre, s’intéresse au parcours des 2Be3 : Filip Nikolic (Antoine Simony), Frank Delay (Marin Judas) et Adel Kachermi (Namory Bakayoko), trois éphèbes qui ont enflammé les cœurs adolescents au mitan des années 1990. Une série très attendue dont les deux premiers épisodes ont été projetés en avant-première au Festival de la Fiction de La Rochelle. 20 Minutes était dans la salle.
Nous sommes en 1998, dans un Bercy plein à craquer, les fans, déchaînés, scandent « 2Be3 ». Torses nus, abdos parfaitement sculptés et pectoraux huilés, Filip, Frank et Adel Kachermi, en loge, se préparent à vivre le point culminant de leur carrière.
« Ces gars-là étaient des travailleurs »
« On a mangé beaucoup d’heures d’entraînement », rigole Antoine Simony, lors d’une rencontre une poignée de journalistes, confiant que les parties chantées ont été enregistrées en synchronisation labiale (technique proche du play-back). « On a eu trois mois et demi d’accompagnement par un coach sportif, deux heures d’entraînement tous les jours et un régime avec des calories bien traquées », détaille Namory Bakayoko.
« Finalement, on a eu une idée du parcours qu’ils ont traversé. Entre les entraînements sportifs, de danse, de chant… Nous avons pu nous rendre compte à quel point ces gars-là étaient des travailleurs, à quel point ils ont supporté un rythme surhumain », poursuit Marin Judas. Filip avale une pilule. « Tu penses qu’il va tenir ? », s’inquiète Adel auprès de Frank. « Il tiendra », lui répond son ami. « Et toi ? », demande Adel. « On n’a pas fait tout ça pour rien » , se motive Frank. « On va les mettre à genoux ! », lance Filip avant de monter sur scène.
Retour à Longjumeau en 1996. Filip, Adel et Franck sont les meilleurs amis de toujours. Franck est manutentionnaire, champion de Vovinam Viet Vo Dao, Adel, un étudiant modèle, Filip rêve de devenir Mister France. « Solo on ne vaut pas un radis, mais tous les trois réunis on est des putains de pom-pom girls », réagit Filip alors que le trio se fait siffler dans la rue par un groupe de filles.
Partis de rien, ceux qui breakent sous le pseudo « To Be Free » sont prêts à tous les efforts pour s’extraire de leur ville de banlieue. « L’idée était de raconter quelles sont les personnes sensibles et humaines qui se cachent derrière ces icônes absolues que tout le monde a connues », explique la réalisatrice et scénariste Yaël Langmann.
« Des hommes torse nu, à l’aise avec leurs corps »
De l’autre côté du périphérique, Salomé, (Daphné Bürki), directrice artistique, doit trouver un nouveau talent si elle ne veut pas se faire virer par Yann (Grégory Montel), le patron d’une grande maison de disques. Pour ce faire, elle se rend au concours du plus beau mannequin de France dans lequel Filip prend la pose en slip argenté moulant. « En 1996, quand les garçons deviennent très connus, c’était la première fois qu’on voyait à la télévision française publique des hommes torse nus, à l’aise avec leurs corps », souligne Yaël Langmann.
Quelle est la part d’histoire et de fiction dans Culte : 2Be3 ? « Valérie Bourdin, Adel Kachermi et Frank Delay sont consultants à l’écriture de cette série », indique Yaël Langmann, qui s’est entretenue avec d’autres proches des 2Be3. « On ne voulait pas faire un documentaire. Pour faire une bonne fiction, il faut bousculer un peu les choses. On a beaucoup bousculé la chronologie pour faire des accélérations, pour qu’on ne s’ennuie pas en regardant la série. On a fusionné des personnages, on a inventé d’autres personnages », détaille Yaël Langmann.
Le personnage campé par Daphné Bürki est fictif : « J’avais envie de mettre une femme dans un milieu qui, à l’époque, était très masculin », explique la scénariste et réalisatrice. Et de préciser : « Le plus important pour nous était que ces trois garçons ressemblent au plus près à ce qu’étaient réellement Adèle, Filip et Frank », assure Yaël Langmann.
« Un homoérotisme totalement assumé »
L’avant-première de Culte : 2Be3 a eu lieu quelques jours après la publication du témoignage d’Arnaud Courté dans Paris Match qui prétend être le dernier compagnon de Filip Nikolic. Ce dernier, qui affirme avoir rencontré l’artiste en 1999, ne fait pas partie de la galerie des personnages de cette production Prime Video qui emmène le trio de Longjumeau à Bercy en 1998.
« La sexualité des gens ne me passionne pas particulièrement, assène Yaël Langmann. Ce qui m’intéresse c’est comment on se positionne dans la société et comment on reçoit ce qui peut être perçu dans les années 1990 comme quelque chose de diffamant. Ce qui est une aberration. Ces trois mecs ont été incroyablement précurseurs et très à l’aise pour ne pas s’embarrasser des codes sociaux. Cela fait partie de la manière de se présenter au monde, de jouer de manière très consciente, pour Philippe, Adèle et Franck, d’un homoérotisme totalement assumé. Après, ce qu’ils faisaient dans leur intimité, j’ai envie de dire que ça appartient à chacun de fantasmer » Et d’ajouter : « Personne n’aura la réponse. Filip n’est plus là pour en parler, ça lui appartient en réalité. »
Dans la série, Filip est décrit comme « quelqu’un de très explosif, très généreux, qui a une personnalité multiple, avec différentes facettes, beaucoup de charme, très séduisant, et qui avait un besoin inexpugnable d’être star », résume Antoine Simony, qui lui prête ses traits.
In fine, Culte : 2Be3 dresse le portrait touchant de trois jeunes adultes, qui du jour au lendemain, sont propulsés en haut du « Hit Machine » : « Qu’est-ce que ça représente vis-à-vis de la famille ? Comment est-ce qu’on se construit en tant qu’individu ? Une grande partie du récit est tournée autour de ça », souligne Marin Judas.
« Il ne s’agissait pas de faire un projet cynique et de tirer à balles réelles sur les boys bands. La presse, à l’époque, s’en est suffisamment chargée. L’idée était de raconter, un grand mouvement de culture populaire, un grand mouvement fédérateur et à travers le prisme de l’humain, de l’intime », conclut Yaël Langmann. Ces deux premiers épisodes de Culte : 2Be3 captent l’atmosphère d’une époque et questionnent la place d’un corps « fétichisé » dans la société. Une version moderne de Rastignac dont on a hâte de voir la suite !