Le 1er septembre dernier, plusieurs dizaines de personnes se retrouvaient au pied du siège de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA), place du Quartier-Blanc à Strasbourg, le temps d’un « petit-déjeuner citoyen » organisé dans l’urgence. Motif : le grand chambardement causé par une délibération prise le 14 mars dernier dans l’organisation des transports des enfants handicapés, de leurs domiciles respectifs à leurs lieux de scolarisation : dans la plupart des cas, l’idée est désormais que les foyers concernés effectuent eux-mêmes ces trajets, pour ensuite être remboursés à hauteur de 55 centimes du kilomètre – loin, bien loin des prises en charge par taxis ou transporteurs spécialisés auxquelles ces familles étaient habituées.

Stupeur et douche froide chez la plupart des intéressés. « Tous les ans, c’est la galère, mais au moins jusqu’ici mes enfants avaient un taxi, confiait par exemple une maman croisée lors du petit-déjeuner du 1er septembre. Je vais faire comment désormais, sachant que je commence à travailler à 5 h du matin en supermarché ? »

« Les faits sont têtus »

Trois semaines plus tard, les recours se multiplient et le sujet reste brûlant pour de nombreuses familles à travers toute l’Alsace. Les élus d’opposition de la CEA, quant à eux, dénoncent un manque d’humanité, ainsi qu’une baisse de qualité du service rendu, voire une suppression pure et simple de celui-ci (cf. les « chuchotements » du 14 septembre) – une charge injustifiée aux yeux de Karine Pagliarulo, qui commence par noter que la délibération du 14 mars dernier a été prise à l’unanimité. « Parler de suppression revient à travestir la réalité, poursuit la vice-présidente de la CEA. Le transport adapté continue d’être assuré chaque fois qu’il est nécessaire au sein d’une organisation plus équitable et mieux ciblée. Chaque fois que le handicap rend impossible un autre transport, la CEA finance un transport spécialisé, qu’il soit collectif ou individuel. Par ailleurs, chaque famille qui en fait la demande bénéficie d’un examen individualisé de sa situation ».

En 2025, ajoute-t-elle encore, la CEA aura consacré 310,3 millions d’euros à l’accompagnement des personnes en situation de handicap, « ce qui constitue le deuxième budget de fonctionnement de la collectivité, immédiatement après la protection de l’enfance ». Karine Pagliarulo a beau dire, ses arguments ne convainquent toujours pas ses opposants. « Voter contre était un non-sens compte tenu des besoins des enfants en situation de handicap mais à la lumière des effets de la délibération et de la suppression concrète – sauf exceptions individuelles – du transport collectif, nous aurions dû nous abstenir bien évidemment », commente ainsi Fleur Laronze, tandis que sa collègue Ludivine Quintallet critique « un courrier qui vise à endormir ». « Les faits sont têtus, ajoute-t-elle. En cette rentrée, plusieurs centaines d’enfants qui étaient précédemment transportés par la CEA, ne le sont depuis le 1er septembre. » Le litige, comme on le voit, est loin d’être clos.

Pour les prochaines municipales strasbourgeoises, le centriste Nicolas Matt (Renaissance) a décidé de rallier Jean-Philippe Vetter (LR) plutôt que Pierre Jakubowicz (Horizons) avec qui il siège pourtant au conseil municipal.

Un nouveau coup dur pour ce dernier, donné à 6 % dans un sondage et pour Renaissance dont les dirigeants sont furieux. Si Matt nourrit sans doute quelque ressentiment à l’encontre de Renaissance qui lui a refusé l’investiture aux législatives, certains voient aussi dans ce ralliement surprise l’influence de Frédéric Bierry qui a d’ailleurs dégainé plus vite que son ombre un communiqué de félicitations. Vetter et Matt siègent en effet dans sa majorité à la Collectivité européenne d’Alsace.

Mais ce n’est peut-être pas la seule raison. Frédéric Bierry connaît un peu Jakubowicz, qui fut conseiller de l’ancienne présidente du Haut-Rhin. Il l’avait muté aux archives peu après son élection à la tête de la CEA en 2021.