Publié le
21 sept. 2025 à 13h16
« Elle mérite amplement son classement de première maternité d’Île-de-France. Je me suis sentie écoutée, accompagnée tout en restant dans ma bulle. Les équipes sont aux petits soins, toutes les sages-femmes sont merveilleuses. » Vingt-quatre heures après avoir donné naissance à son petit Côme, Floriane est sur un nuage. Dans sa chambre aux teintes orangées, elle reprend des forces après être parvenue à accoucher sans péridurale. « C’est ce qui fait l’âme des Bluets, l’accompagnement des parents, et ce qui m’a donné envie de travailler ici », glisse Delphine Long, sage-femme depuis 11 ans dans l’établissement fondé par la CGT de la métallurgie en 1937. actu Paris s’est glissée dans les couloirs de la maternité du 12e arrondissement, pionnière dans l’accouchement sans douleur.
La péridurale déambulatoire, l’atout des Bluets
Mercredi 10 septembre 2025, alors que la France est secouée par la première grosse mobilisation sociale de la rentrée, la maternité des Bluets poursuit sa mission sans ciller. Au rez-de-jardin, l’atelier « Mise au monde : l’accouchement » est plein. Installés sur des tapis de gym bleus, une petite dizaine de futurs parents sont venus glaner les derniers conseils avant la grande aventure.
Delphine Long est sage-femme aux Bluets. Elle travaille aussi bien en salle de naissance qu’en atelier comme ce mercredi. Elle propose également des séances d’acuponcture et reçoit les futures mamans en consultation. (©MAM / actu Paris)
Delphine Long, blouse blanche sur le dos, et poupon dans les bras, leur rappelle le chemin que devra parcourir le nouveau-né pour voir le jour. La sage-femme aborde les différentes positions à prendre pendant le travail puis l’accouchement. « Aux Bluets, nous avons une péridurale déambulatoire ce qui signifie que vous pourrez bouger, marcher, aller sur un ballon pour aider le bébé à s’engager dans votre bassin », précise la soignante.
Avec cette technique d’anesthésie, les femmes ne ressentent pas la douleur des contractions mais gardent la sensation de la poussée. « Un élément clé pour un accouchement par voie basse », insiste-t-elle.
« Très peu de maternités proposent cette option or il n’y a pas plus de risque qu’ailleurs », argumente la docteur Jessica Dahan-Saal, cheffe de service de gynécologie obstétrique et directrice médicale de l’hôpital Pierre Rouquès – Les Bluets depuis cinq ans. Et cette péridurale à faible dose semble séduire les futures mamans. « On a souvent le cas de femmes qui se désinscrivent de leur maternité lorsqu’elles apprennent qu’elle ne propose pas de péridurale déambulatoire, puis qui se tournent vers nous », précise-t-elle.
Les ateliers dispensés par les équipes de la maternité des Bluets font partie du succès de cette dernière. (©MAM / actu Paris)
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Des patientes à « très bas risque »
Classée première maternité d’Île-de-France pour l’année 2025 par Le Figaro, ses pratiques ont été passées au crible. Taux de césarienne et d’épisiotomie, ateliers spécialisés, disponibilité du personnel, note de satisfaction… Les Bluets ont obtenu la note de 18,4/20.
Ce palmarès, on n’en fait pas notre cheval de bataille, il a même plutôt fait l’objet d’un débat au sein de la direction. Bon nombre d’établissements parisiens ont refusé de s’y soumettre mais au vu des critères, qui coïncidaient avec nos valeurs, on a pris le parti d’y participer.
Dr Jessica Dahan-Saal
Cheffe de service de gynécologie obstétrique et directrice médicale de l’hôpital Pierre Rouquès
Dr Jessica Dahan-Saal, cheffe de la maternité des Bluets. (©MAM / actu Paris)
« Concernant le faible taux d’épisiotomie, c’est une tendance qui se généralise aux autres établissements. Il faut aussi recontextualiser. Nous accueillons des patientes à très bas risque et nous excluons les grossesses pathologiques parce que nous n’avons pas de réanimation sur place ni de plateau chirurgical. Ça participe au fait qu’on intervienne peu », plante la cheffe de service.
Tenir malgré les crises successives
La présence des sages-femmes pour accompagner les futurs parents dans leur projet de naissance est également un argument clé. Aux Bluets, elles sont une quarantaine à occuper ce poste. Alors que la profession vient de traverser une profonde crise des vocations, la maternité du 12e arrondissement est parvenue à tirer son épingle du jeu en recrutant de jeunes praticiennes et en les fidélisant.
“On attire les sages-femmes qui sont contentes de travailler dans ces conditions, où la physiologie (qui implique le moins d’actes médicaux possible, NDLR) prime. Elles se sentent utiles et efficaces parce que dès que la pathologie entre en jeu, elles ne peuvent plus être autonomes et doivent composer avec les médecins”, expose la Dr Jessica Dahan-Saal.
“Par ailleurs, la profession a acquis de nouvelles compétences. Elles ne se cantonnent pas qu’aux salles de naissance mais peuvent assurer le suivi gynécologique des femmes, pratiquer l’orthogénie (les IVG, NDLR) ou encore les échographies. Ici, elles sont incitées à diversifier leurs missions”, relève notre interlocutrice. C’est le cas de Delphine Long. “Je fais des consultations, des ateliers de préparation à la naissance, des entretiens prénataux, de l’acupuncture… Ça me permet de ne pas m’ennuyer. Évidemment, la salle de naissance reste ma passion mais je m’épanouis en multipliant les activités”, liste la maïeuticienne.
“On a toujours une épée de Damoclès au-dessus de nous”
Mais le secteur hospitalier est malade et les Bluets ne sont pas exempts de pressions financières. Depuis plus d’une décennie, l’établissement est en déficit de 3 à 3,5 millions d’euros par an, compensé par l’ARS. “Ce montant ne varie pas, on est en déficit perpétuel. C’est le modèle de financement des établissements de santé qui ne permet pas de faire fonctionner l’hôpital de manière pérenne”, croit savoir la cheffe de service.
“Une maternité ne rapporte pas d’argent, assène Delphine Long. En général, elle est rattachée à un hôpital dont les activités compensent celle de la maternité.” Ce qui n’est pas le cas au 4 rue Lasson.
Il arrive alors que les accouchements se multiplient pour pouvoir atténuer les pertes. “Étant une maternité privée, on a le droit de refuser des femmes contrairement au secteur public”, détaille la sage-femme. Alors, quand les finances sont dans le rouge, le nombre de femmes accueillies augmente. Parfois au détriment des équipes. “On fait comme on peut. On sort de certaines gardes en se disant qu’on aurait voulu faire mieux, accompagner encore plus”, regrette notre interlocutrice.
Avec la fermeture annoncée des Lilas, petite sœur des Bluets, l’inquiétude grandit sur le modèle défendu par les deux établissements. “On a besoin d’aides financières. Nous sommes dans un équilibre fragile pour la survie de l’établissement, on travaille à faire mieux, mais oui, on a toujours une épée de Damoclès au-dessus de nous”, confie la cheffe de service. Dès l’annonce de la fermeture des Lilas, de nombreuses patientes se sont orientées vers les Bluets pour des inscriptions tardives. “Une manière de compenser la baisse du nombre d’accouchements inhérent à la baisse de la natalité”, ajoute Delphine Long.
Loin de ces préoccupations, Côme profite du peau à peau avec son papa qui déambule dans les couloirs pour calmer ses pleurs de nourrisson. Ce mercredi, ils sont un peu plus d’une trentaine à découvrir le monde et à faire résonner leurs cris dans les couloirs de ce lieu où la lutte sociale, ouvrière et féministe se poursuit. L’an dernier, 3 080 bébés sont nés dans la maternité parisienne.
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