Norman Bates de Psychose, Freddy Krueger des Griffes de la nuit, le Slender Man… Tels sont les hôtes, figures inquiétantes du cinéma de genre, qui peuplent les chansons de Sweet Thérapie, le premier album, fourmillant de référence à la pop culture, de June The Girl, sorti début septembre.
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L’artiste de 30 ans assume son goût pour les films d’horreur. « C’est un exutoire. Je suis hypersensible, avec un petit côté impulsif. Parfois, j’ai du mal à contrôler mes émotions quand elles surgissent. Quand je regarde un film de genre, j’ai une sorte de contrôle sur ce que je ressens, il y a quelque chose de très rassurant pour moi. La réalité me fait beaucoup plus peur », raconte-t-elle à 20 Minutes.
« Je dis toujours que ma vie familiale est un cimetière »
June The Girl a toujours aimé chanter mais, à 14 ans, alors qu’elle vit en Guyane, elle découvre Taylor Swift. Elle se met illico à la guitare et s’essaye à l’écriture de ses propres chansons. « C’étaient les textes d’une fille qui n’a rien connu de la vie, qui vit dans sa petite bulle, qui est couvée par sa mère », lâche-t-elle dans un sourire qui disparaît dès la phrase suivante : « Le jour où j’ai commencé à écrire des choses un peu plus profondes, malheureusement, c’est le jour où j’ai perdu ma mère. » Cette dernière est décédée à l’été 2018, après s’être battue contre un cancer du pancréas pendant deux ans. Elle avait 54 ans.
« Je dis toujours que ma vie familiale est un cimetière. Une de mes grands-mères est morte d’un cancer du côlon à 60 ans, un grand-père d’une crise cardiaque à 50 ans, mon grand-oncle à 50 ans d’un cancer du pancréas, ma grande sœur, il y a un an, d’un cancer du pancréas à 50 ans », énumère June The Girl, avec le fatalisme de celle qui a dû surmonter tous ces deuils et doit faire avec ce chapelet de douleurs.
La carrière de cette autrice, compositrice et interprète s’est nourrie de ces chagrins difficilement consolables, mais ceux-ci ne peuvent résumer son parcours. Rembobinons jusqu’à l’année 2013. Celle qui se prénomme Marine à l’état civil passe les castings de la saison 9 de « Nouvelle Star » à Marseille, où elle vient de s’installer. Elle franchit plusieurs étapes, mais ne parvient pas à atteindre celle des émissions en direct.
Elle remise donc ses rêves musicaux quelques mois, jusqu’à sa rencontre, avec Antoine Essertier qui devient son producteur alors qu’elle signe un contrat avec le label Believe. « C’est lui qui m’a dit qu’être interprète, c’est bien, mais qu’écrire et composer, c’est mieux. Il m’a vraiment poussée et m’a donné mes premières notions. Mais humainement, c’était un peu difficile parce qu’il ne m’aidait pas vraiment à avoir confiance en ce que je faisais », se remémore-t-elle.
C’est aussi lui qui la convainc d’adopter June The Girl comme nom de scène. Au départ, elle souhaite prendre le pseudonyme de Juno, prénom épicène, en référence au film de Jason Reitman. Antoine Essertier le fait évoluer en June, en accolant The Girl « parce que c’était l’époque de Christine and the Queens ».
« Le monde que je connaissais s’est écroulé »
Début 2018, elle participe à « Destination Eurovision » sur France 2, avec sa chanson Same. « Je sais que ma prestation n’était pas dingue, mais ce morceau avait quelque chose. Cela a été très formateur, affirme-t-elle. C’était ma première émission télé en prime time sur une chaîne nationale. Donc, c’était incroyable pour moi. C’est aussi la dernière fois que ma mère a eu l’occasion de me voir sur scène et le moment où elle s’est enfin dit : « c’est donc possible d’en faire un métier », alors qu’elle en doutait. »
Puis l’été arrive, endeuillé par le décès de sa maman. Le lendemain de la victoire des Bleus au Mondial. En plein moment d’exultation collective, elle, la jeune femme vit une tragédie intime. « Le monde que je connaissais s’est écroulé. Avec mon beau-père, on a perdu notre appartement. On n’avait plus de ressources financières. J’ai dû tout gérer, apprendre ce que c’était que les assurances, m’occuper de l’administratif… Dans le même temps, Believe m’a lâchée. Et je suis tombée en dépression aussi », confie la trentenaire.
Sa flamme pour la musique vacille et ne parvient alors plus à éclairer ses espoirs. François Welgryn, qui l’a rencontrée dans les coulisses de « Destination Eurovision », la recontacte quelque temps plus tard prendre des nouvelles. « Je l’ai sentie perdue sur la direction à prendre. Je lui ai dit : « Viens, fais-moi écouter là où t’en es, et on verra ce qui se passera » », se souvient celui qui est depuis son manager.
« Je me catégorise comme une chasseuse de monstres »
Leurs échanges créent un déclic en Marine/June The Girl – « il y avait quelque chose de thérapeutique », dit-elle – et la chanson I’m The Girl voit le jour. Pour l’artiste, elle symbolise « la sortie de la dépression ». « June est quand même une guerrière, elle a toujours une énergie dans le désespoir », glisse François Welgryn.
Au fil du temps et de sa reconstruction personnelle, plusieurs morceaux voient le jour, deux EP, puis un album, paru tout récemment. « Ce disque est une mosaïque de mes dix dernières années », estime-t-elle. Elle y parle de ses drames, de ses angoisses, de sa vision de l’amour, de la maternité… « J’aimerais que les gens qui l’écoutent se disent que je ne suis pas parfaite mais très humaine. Que je raconte les histoires qu’on a tous dans notre tête. Et que ça leur fasse du bien. En fait, je me catégorise comme une chasseuse de monstres. »
Jeudi, lors de sa release party aux Etoiles, à Paris, June The Girl a parfaitement tenu son rôle d’exorciste pop et rock. Voix en place, énergie à revendre, vulnérabilité tamisée, mouvements échevelés. « Elle affirme sa force », note François Welgryn. Elle a prouvé qu’elle occupait un créneau à part dans le paysage musical français. Allusion aux slashers qu’elle aime tant, on oserait presque la renommer June The Final Girl. Comme ces héroïnes de films qui, malmenées, pourchassées et menacées, parviennent au générique de fin bien vivantes et la tête haute.