Le Grand Prix du Japon MotoGP ne se déroule plus à
Suzuka depuis très longtemps maintenant. Depuis la mort de Daijiro
Kato en 2003, la FIM préfère Motegi. Même si l’anneau de vitesse et
les deux passages dans des tunnels ont du charme, il faut
reconnaître que Suzuka était d’un tout autre calibre. Plus de vingt
ans après le tragique accident du n°74, pourquoi le MotoGP ne pourrait-il pas y retourner ? Après tout,
la F1 y passe et il serait possible de le remettre aux normes si ce
n’est pas le cas. Voici l’histoire de ce circuit incroyable,
souvent dépeint comme l’un des plus beaux du monde.

 

La légende de Suzuka

 

Ce tracé, situé au sud du Japon dans la préfecture de Mie, fut
dessiné à la demande du légendaire Soichiro Honda, fondateur de
l’entreprise du même nom, désirant un circuit de test. Ses
portes ouvrirent en 1962, et, depuis, il entra dans la
légende.
Il n’a rien de commun. Tout d’abord, la
configuration : c’est l’un des seuls grands circuits au monde
à ne pas être une boucle, mais un ‘8’ avec un pont traversant la
piste. Le caractère du tracé réside dans ses longues courbes
favorisant la vitesse de passage et ses sections compliquées.

 

Suzuka

Un
panorama exceptionnel.

 

Entre le difficile freinage de la chicane Casio (qui se fit
connaître grâce à Alain Prost et Ayrton Senna en 1989),
l’impardonnable courbe Degner, ou le jouissif
130R : les virages mythiques ne manquent pas.
La Formule 1 y passe régulièrement depuis le milieu des années
1980, et les affrontements de titans à quatre roues sont aussi
responsables de son succès. Mais la moto occupe une place majeure
dans l’histoire de Suzuka ; une histoire parfois
magnifique, parfois tragique.

À vrai dire, les deux-roues sont présents depuis l’ouverture du
circuit. Dès 1962, Jim Redman impose sa Honda à domicile pour le
plus grand bonheur des fans et de la firme, heureuse de voir l’une
de ses machines triompher ‘à la maison’. Il s’y est passé tant de
choses, qu’il est impossible de tout
évoquer 
; à tel point que les nombreuses joutes
opposant Kevin Schwantz et ses nombreux adversaires – ce circuit
comptait parmi ses favoris – à la fin des années 1980 ne sont
finalement qu’une partie du mythe.

Suzuka, c’est plus que ça. C’est d’ailleurs ici que les jeunes
espoirs japonais venaient faire leurs armes en tant que wild cards.
Une fois dans l’année, ils se frottaient aux meilleurs du monde. Il
n’était donc pas rare de voir un inconnu très bien placé ;
j’ai en tête la pole position de Tadahiko Taira en 1989, sans
oublier la performance de Norifumi Abe en 1994,
qui joua les trouble-fêtes parmi les leaders avant de chuter.

Plus généralement, les Japonais semblaient dans un autre monde
quand venait Suzuka, souvent la première manche de la saison. Des
dizaines de pilotes locaux s’y sont imposés dans toutes les
catégories. Ainsi, en 1995, les trois frères Aoki
(Haruchika, Nobuatsu et Takuma) sont montés sur le
podium dans les trois catégories différentes ! Du jamais
vu.

 

8H Suzuka

Les gens
y sont tellement passionnés.

 

Entre ciel et terre

 

Le maître des lieux était lui aussi japonais. Daijiro
Kato remporta quatre fois le Grand Prix en 250cc
, et
l’évocation de son nom amène aux drames liés à cette piste, et
ceux-ci en sont malheureusement indissociables. En 2003, après une
perte de contrôle à la sortie du 130R, Kato percuta le mur à gauche
de la piste. À 200km/h à cet endroit, il n’y a pas grand-chose à
faire. Le champion du monde 250cc 2001 rejoignit Satoru Takashima,
Kengo Kiyama, Kunio Katsumata, Naoto Ogura, Mamoru Yamakawa et
Keisuke Sato, tous décédés sur le circuit durant des Grands Prix ou
d’autres courses.

En effet, il est impossible de parler de Suzuka et de moto, sans
évoquer les différentes épreuves d’endurance. Les 8 Heures de
Suzuka font partie de l’ADN du circuit, et ont réuni les plus
grands noms de notre sport. Valentino Rossi, Carlos Checa, Alex
Barros, Eddie Lawson, et
maintenant Johann Zarco… tous ont remporté la prestigieuse épreuve,
prise très au sérieux par les constructeurs. C’est l’occasion
d’admirer les magnifiques infrastructures, le parc d’attractions
sous une chaleur de plomb – qui donne aux 8 Heures une
renommée mondiale
-.

Après le décès de Kato, nous n’avons plus vu de Grand Prix du
Japon à Suzuka, désormais déplacé à Motegi, course qui par
ailleurs, existait déjà au championnat sous la forme de ‘Grand Prix
du Pacifique’. Jugé trop dangereux pour le MotoGP, il est
quand même dommage de ne plus retrouver cette ambiance unique au
monde
, et de ne plus voir les pilotes épouser les immenses
courbes. Il n’en reste pas moins l’un des monuments des sports
mécaniques, un bijou singulier qui tranche avec bon nombre de
circuits aseptisés. Liberty Media, vous savez ce qui
vous reste à faire !

Quels souvenirs vous évoquent Suzuka ? Dites-le-moi
en commentaires !

 

Johann Zarco, 8H Suzuka