En l’espace de 24 heures, les entreprises de la tech américaine, au premier rang desquelles Microsoft, Google et Amazon, ont été secouées par une grande confusion, tout droit venue de la Maison-Blanche. The New York Times évoque même « un chaos ».

Vendredi, en fin de journée, le président américain Donald Trump a annoncé la mise en place de frais annuels s’élevant à 100 000 dollars pour des visas de travail très utilisés dans leur secteur. Il s’agit des visas H-1B, qui permettent à des travailleurs étrangers aux qualifications précises (scientifiques, ingénieurs et programmateurs informatiques entre autres) de venir travailler aux Etats-Unis pour une durée déterminée, d’une période initiale de trois ans, prolongeable à six ans. L’entrée en vigueur de la mesure était annoncée pour ce dimanche 21 septembre, soit tout juste 48 heures après l’annonce.

Retours en urgence

Faute de précisions sur la mesure, peu de temps après la signature du décret par Donald Trump, les employés de Microsoft, d’Amazon et de JPMorgan ont reçu des avis conseillant aux titulaires de visas H-1B qui se trouvaient à l’extérieur des États-Unis de revenir avant que les nouvelles règles n’entrent en vigueur à 00h01 heure de l’Est dimanche, rapporte The New York Times. La banque JP Morgan a par ailleurs confirmé auprès de l’Agence France Presse avoir envoyé un message à ses employés invitant « les titulaires d’un visa H-1B actuellement aux États-Unis » à « rester dans le pays et éviter tout voyage international jusqu’à ce que le gouvernement publie des directives claires en matière de déplacement ». Les ressources humaines des entreprises du secteur se sont reparties des listes de travailleurs à appeler, et ont essayé de déterminer la localisation des employés afin de pouvoir les aider à réserver des vols en urgence, si nécessaire, raconte The Wall Street Journal.

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Face à la confusion générale, la Maison-Blanche a clarifié samedi les conditions d’imposition de ces frais de 100 000 dollars. « Cela concerne uniquement les nouveaux visas et non pas les renouvellements ni les actuels détenteurs de ces visas », a précisé sur X la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt. « Il s’agit de frais à payer une seule fois qui ne s’appliquent qu’à la demande de visa. Ceux qui sont déjà titulaires de visas H-1B et se trouvent actuellement hors du pays ne devront pas payer 100 000 dollars pour rentrer », a-t-elle ajouté.

« Priorité aux travailleurs américains »

Le ministre du Commerce Howard Lutnick a insisté vendredi sur le caractère volontairement dissuasif de la mesure visant à « arrêter de faire venir des gens pour prendre nos emplois ». Si les grandes entreprises de la technologie continuent à recruter des travailleurs étrangers, elles devront « payer 100 000 dollars au gouvernement et, ensuite, payer leur employé, ce n’est pas rentable », a-t-il expliqué. Donald Trump affiche depuis son premier mandat sa volonté de limiter les visas H-1B afin de donner la priorité aux travailleurs américains.

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Le nombre de demandes de visas H-1B aux Etats-Unis a nettement progressé ces dernières années, avec un pic d’acceptations en 2022 sous la présidence du démocrate Joe Biden. A l’opposé, le pic de refus a été enregistré en 2018, pendant le premier passage de Donald Trump à la Maison-Blanche. Ce changement de politique pourrait porter un coup dur au secteur de la technologie qui dépend fortement des travailleurs qualifiés d’Inde et de Chine, alors que plus de 70 % des bénéficiaires des visas H-1B entrent aux États-Unis depuis l’Inde, précise Reuters. Le gouvernement indien a d’ailleurs réagi samedi disant qu’il était encore en train de déterminer « toutes les implications » des nouvelles règles de visa. « Cette mesure est susceptible d’avoir des conséquences humanitaires en raison des perturbations causées pour les familles », a ajouté le ministère des Affaire étrangères.

Inquiétudes sur la compétitivité du secteur

Pour les partisans d’un durcissement des conditions financières, le visa H-1B met à l’écart les Américains qui pourraient faire le travail et favorise le dumping social, les travailleurs étrangers étant moins bien payés que les Américains. De l’autre côté, les entreprises de la tech, dont le patron de Tesla Elon Musk, lui-même titulaire d’un visa H-1B, disent faire appel à des travailleurs hautement qualifiés essentiels pour combler les lacunes en matière de talents et maintenir la compétitivité des entreprises.

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Dans le week-end, de nombreux dirigeants de l’industrie se sont dits préoccupés par la façon dont ces frais élevés pourraient affecter la capacité des entreprises à pourvoir des postes critiques. « Nous sommes préoccupés par l’impact sur les employés, leurs familles et les employeurs américains », a déclaré dans un communiqué Matt Letourneau, porte-parole de la chambre de commerce. Auprès du New York Times, Adam Kovacevich, le fondateur et directeur général de la Chamber of Progress, une coalition de gauche pour la politique de l’industrie technologique, a déclaré qu’il s’attendait à ce que les entreprises réévaluent toute leur approche du programme de visa, et qu’il s’inquiétait de la façon dont le changement pourrait affecter la compétitivité de la nation dans des domaines comme l’intelligence artificielle. « Je pense que cela va signifier que nous menons la guerre de l’IA contre la Chine avec une main attachée dans le dos, a-t-il dit. Il y a un nombre limité de talents pour l’IA… Et certains d’entre eux sont nés à l’étranger. »

Cette mesure sur la taxation des visas H-B1 s’inscrit dans la politique anti-immigration, légale et illégale, portée par Donald Trump depuis son retour à la Maison-Blanche. Selon le journal économique Bloomberg, la répression de l’immigration a déjà commencé à avoir un impact sur les projections démographiques et économiques du pays. Citant une note du Congrès, le journal souligne que les prévisions pour les prochains mois avancent une hausse de l’inflation et du chômage ainsi qu’un ralentissement de l’économie, en partie à cause d’une immigration nette plus faible due à ses politiques.