Jamais vendu ni exposé, ce tableau emblématique de la série des Femmes au chapeau ressurgit après plus de 80 ans. Estimé autour de 8 millions d’euros, il est proposé à la vente le 24 octobre.
Alors que les places de Londres et New York ont généralement la main mise sur les ventes des Picasso, découvrir un tableau du maître espagnol à Paris, fait figure d’événement. Le 24 octobre, le commissaire-priseur Christophe Lucien tiendra le marteau à Drouot, pour Buste de femme au chapeau à fleurs, un portrait de sa muse Dora Maar, au crépuscule de sa relation avec le peintre. Il a été réalisé le 11 juillet 1943, pendant la guerre et acquis en août 1944 par le grand-père des actuels propriétaires qui s’en séparent dans le cadre d’une succession.
Authentifié par l’administration Picasso, le tableau affiche une estimation autour de 8 millions d’euros. Loin du record pour Les Femmes d’Alger (Version « O »), de 1955, à 179,4 millions de dollars, chez Christie’s, à New York, en 2015. Ou même de celui pour le Nu au plateau de 1932, à 106,4 millions de dollars, également chez Christie’s, en 2024. Mais c’est toutefois un joli prix qui pourrait être dépassé, tant Picasso reste recherché sur le marché et tant ce tableau a une histoire fraîche et belle.
Pablo Picasso dans la villa Californie, à Cannes, pendant le Festival de Cannes, en 1956.
Jérôme BRIERRE / BRIDGEMAN IMAGES
Inconnu du public, il n’a jamais été exposé, hormis dans l’atelier du maître espagnol à Paris pendant l’Occupation. On n’en avait trace que par une photographie de Brassaï prise en 1944 dans l’atelier des Grands-Augustins et par sa reproduction en noir et blanc dans le catalogue raisonné de Christian Zervos. La toile cubiste et colorée montre Dora Maar, au moment où Picasso la délaisse pour une plus jeune femme, Françoise Gilot. Compagne du peintre depuis 1936, Dora apparaît comme une figure tragique, miroir de leur relation orageuse, miroir aussi de toute une époque.
« Victime sacrificielle »
« En 1943, dans les privations et la peur. Picasso, citoyen espagnol
apolitique en apparence, choisit de rester dans la capitale (…). Malgré les conditions difficiles, il continue à peindre. Son art est alors une forme de résistance intérieure », peut-on lire dans le catalogue. Pour lui, mieux vaut peindre quelque chose que ne rien faire du tout. Bien que célèbre, il subit les pressions du régime nazi : perquisitions, interrogatoires, intimidations. Son œuvre est jugée “dégénérée”. Malgré ce climat oppressant, Picasso ne sombre pas dans l’austérité monochrome qu’on associe trop rapidement à ses années de guerre. »
Par sa force, ce Buste de femme au chapeau à fleurs, fait acte de résistance. Il porte en lui toute une époque, explique le biographe de Picasso, John Richardson, quand il écrit que Picasso en vint à représenter Dora Maar « comme une victime sacrificielle, le symbole en larmes de sa propre douleur face aux horreurs de la tyrannie et de la guerre ». Dans le genre, ce tableau de la célèbre série des « Femmes au chapeau » est parfait. Et sa charge d’histoire a tout pour séduire les amateurs.
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