«Le titre de mon album, Je suis là, signifie » Je suis là pour toi. » Je suis là pour celui ou celle qui en a besoin. Je suis là où je dois être. Mais aussi, je suis là, enfin, où je voulais être », déclare Lara Fabian à 20 Minutes au sujet de son dernier opus, sorti l’an passé. Le 4 octobre, elle sera au Galaxie d’Amnéville pour lancer sa tournée des Zénith et des Arenas – dont deux dates à l’Accor Arena de Paris les 7 décembre et 10 mars. A cette occasion, l’artiste canado-belge de 55 ans nous a accordé une interview, par téléphone, depuis la Sicile, l’île italienne d’où sa mère est originaire, où elle vit désormais.
A quoi peut-on s’attendre avec votre nouvelle tournée ?
A un spectacle où la musique sera vraiment au premier plan. On sera assez nombreux sur scène et tout sera en live. Ce sera un écrin organique, vibratoire, très vivant, avec plein d’instruments. Les frères Yaacov et Meïr Salah, qui ont réalisé Je suis là et coécrit et co-composé plusieurs titres, en seront les directeurs musicaux.
J’ai lu que vous pratiquiez l’aïkido du son, c’est-à-dire ?
Oui, ça s’appelle le kokotoma. C’est une sorte de méditation assez particulière, basée sur le son et non sur le silence ou sur l’espace mental. Il s’agit de reproduire des sons ultra-vibratoires et cela permet de se recentrer. Je pratique depuis plus d’une quinzaine d’années maintenant. Ça m’a aidé énormément à l’époque où j’avais mes problèmes de dos et ça m’a permis de vraiment trouver une position résiliente face à certaines choses. J’en fais un peu moins aujourd’hui parce que j’en ai moins besoin.
Vous diriez qu’aujourd’hui, vous êtes une femme et une artiste plus apaisée ?
Certainement. Une femme avant tout, mais oui.
Peut-on dire que « Je suis là » est votre album le plus personnel ?
On peut dire que c’est l’album où j’utilise la transparence comme interface majoritairement, même si tous mes albums sont généralement très intimes. Mais, pour une fois, je me suis servie de la musique moins comme un élément guérisseur que comme un élément de transmission.
La chanson « Hypersensible » est une sorte de manifeste ? Un appel à l’assumer et à la revendiquer ?
Je pense qu’on est tous hypersensibles. A un certain moment de nos vies, face à l’adversité, à des problèmes qui nous exposent un peu trop, notre hypersensibilité nous pousse à fermer un peu ce volet-là, à mettre un filtre. Hypersensible est une façon de dire à celui qui l’est que ce n’est pas une tare, que c’est plutôt un avantage. On s’en sert pour rester ouvert à ce qu’il y a de plus beau dans cette vie.
Dans la chanson « Une fleur à la bouche », vous parlez des troubles du comportement alimentaire…
Je l’avais déjà fait, notamment à travers Amourexique [en 2013]. Mais c’est vrai que sur cette chanson-là, je mets un filtre plus particulier, qui est celui de la transmission, afin d’offrir cette chanson aux gens qui sont en train de se battre contre ce trouble, pour qu’ils puissent s’en servir, comme d’une carte, afin d’essayer de retrouver le sens au travers de tout ça.
Quand vous chantez « Je me suis trouvée tellement laide dans les yeux de mon père », ce sont des mots très forts…
Ce sont des mots très vrais.
Il fallait les prononcer, comme un exutoire ?
Comme je vous le disais, je ne me sers plus de la musique comme un élément guérisseur pour moi-même mais comme d’une lettre ouverte, une lettre offerte. J’ai eu la chance de pouvoir débattre de tous ces thèmes-là bien avant de les chanter. La beauté de ce genre de chanson, c’est de pouvoir se dire que ces mots-là pourront être pris par d’autres femmes, d’autres hommes, être donnés. Parfois, on ne trouve pas les mots pour exprimer ce qu’on aurait à dire à celle ou à celui qui nous a déclenché certaines douleurs. Une chanson peut être au service de ces mots qui nous manquent.
La chanson « Je suis de toi », c’est une manière de dire que vous avez fait la paix avec votre père ?
Là encore, c’est une chanson que j’ai écrite comme une lettre ouverte. Elle n’est pas destinée à la personne à laquelle je m’adresse mais c’est comme une lettre à celle ou à celui qui éprouve le besoin de s’adresser à quelqu’un. Moi, j’ai guéri. Mon père, j’ai eu la chance de lui parler et de pouvoir dénouer tout cela. J’écris depuis un espace où dire à l’autre : « Je suis de toi. Bien qu’imparfait, c’est toi qui m’as faite. Et je te le dois, je ne t’en veux pas. J’ai fait de ce chagrin ma voix. » C’est une lettre offerte à toutes les femmes, à tous les hommes qui n’ont pas en ce moment à leur disposition, par pudeur, par peur, les mots nécessaires pour guérir.
Vous vivez désormais en Sicile. Qu’est-ce que cela a changé pour vous ?
C’est un retour à mes racines, à mon enfance, ces parfums, ces goûts, cette musique qui est ma naissance, en fait.
Qu’est-ce qu’il y a de plus italien en vous ?
Ma façon d’aimer. Elle est sanguine, elle est cellulaire.
De plus belge ?
Ma façon de m’organiser et d’avoir le sens de la prévention dans toutes choses. Le côté plus ordonné.
De plus québécois ?
C’est le fait de comprendre qu’il y a toujours une seconde chance. Qu’il y a toujours une seconde naissance. On peut toujours se choisir bien au-delà de notre naissance. C’est la possibilité de tout réussir. Pour moi, le Québec a cristallisé l’idée que le meilleur reste toujours à venir, si on le veut.
Nos articles sur l’actualité musicaleEt de plus français ?
C’est tout l’amour qu’on me porte. C’est ce qui m’a créée, qui a fait de moi l’artiste que je suis. Cet amour immense qui m’est dévolu par le public français me renforce et beau temps, mauvais temps, continue de faire de moi qui je suis.