Par
Helen Herault
Publié le
4 avr. 2025 à 18h04
Mont-Saint-Michel, dans la nuit du 23 au 24 août 2023. Une dégradation orageuse annoncée a poussé Basile Ducournau jusqu’à la frontière normande, à l’assaut d’une image au-dessus du célèbre îlot, qu’il chasse depuis de nombreuses années.
Ce soir-là, quand il a fait son paquetage pour quitter sa maison de Coëtmieux (Côtes-d’Armor), Augustin, son petit garçon a été tellement persuasif, que Basile a fini par l’embarquer au milieu de ses objectifs.
5h15, clic !
« Une véritable aventure de partir de nuit, comme ça, avec son papa à la chasse aux orages », sourit Basile. Une de ces aventures dont il aurait rêvé lui-même quand il était enfant, déjà fasciné par ces phénomènes météo.
Et bouquet final de cette fameuse nuit normande déjà mémorable : 5h16, le faisceau électrique déchire le ciel noir juste au-dessus de l’archange.
J’ai une obsession pour les dates et les heures : je les connais avec exactitude pour presque chacune de mes photos.
Basile Ducournau photographe et chasseur d’orages
Clic. Il l’a. Le cliché dantesque dont il rêvait depuis si longtemps. « Mon Augustin aura également pu s’imprégner de l’instant, bien au chaud depuis son lit de camp aménagé dans la voiture… »
Vidéos : en ce moment sur ActuPassion dangereuse
Basile Ducournau a vécu des épisodes orageux mythiques, sur lesquels il ne se serait pas aventuré avec son fils s’il en avait eu un à l’époque.
« En 2014, du côté d’Artenay, dans le Loiret, j’ai explosé ma Saxo, se souvient-il. Aucune vitre n’a survécu à la déflagration… »
Il l’avait vu, cet orage, qui avançait très vite vers lui, mais le temps qu’il range son matériel…
Un autre épisode effroyable au Texas, lors d’un de ses voyages aux États-Unis, un El Dorado pour les chausseurs d’images rares sur les orages.
« Je travaillais sur une séquence à une quinzaine de kilomètres. Soudain, l’atmosphère est devenue étrange. Tout est devenu blanc, on a entendu comme un essaim d’abeilles, nos cheveux se sont dressés… »
La foudre est tombée à 10 ou 15 mètres, sur une clôture.
Fantasmes de l’enfance
Des aventures qui auraient pu mal tourner. Le photographe en a bien conscience.
Forcément, on se demande si c’est bien raisonnable… Mais cette passion est par essence excessive.
Cette drôle de lubie s’est réveillée dans le cœur de Basile, tout gamin lorsque, dans la maison de famille du Poitou, il a vécu des cieux déchaînés retentissant.
« Une vieille bâtisse avec tous les fantasmes que ça peut susciter. J’y ai passé tous mes étés avec souvent des orages terribles qui m’ont laissé des souvenirs impérissables. »
Des expériences inoubliables qui ont réveillé un goût peu commun à cet âge pour la dimension météorologique de ces bouillonnements célestes.
« Gamin, je recopiais dans les livres des schémas d’évolution des nuages, je m’informais sur le système dépressionnaire et cyclonique… Mais je m’intéressais aussi aux Pokémon et je faisais de l’athlé ! »
L’école inadaptée
Un petit garçon normal en somme avec un petit truc en plus pour le ciel et tout ce qui s’y passe. Plus grand, Basile se voit offrir un appareil argentique.
« À l’époque, je photographiais tout et rien et puis en fin de collège, j’ai eu mon premier appareil numérique. » Le lien ne se fait pas encore entre l’image et les phénomènes météos qui l’intriguent tant.
Concernant ses études, Basile est dans le flou. L’école nationale de la météorologie de Toulouse semblait tout indiquée. « Mais je n’avais pas les résultats escomptés dans toutes les matières inhérentes au cursus. »
Le jeune homme soupire. « Je n’étais pas ce qu’on pouvait appeler alors un bon élève… » L’adolescent vise plutôt des études courtes.
Météorologue autodidacte
Pourtant, il continue de se passionner pour le ciel et ses caprices : il étudie les phénomènes météo, fabrique des prévisions… Complètement autodidacte.
Il y a beaucoup de données en accès libre sur les sites internet où je me suis documenté.
Il déniche des suivis météo, des analyses, des diaporamas photos et des rétrospectives sur les phénomènes desquels il se nourrit.
Ainsi timidement et modestement équipé, il commence sa démarche photographique tournée vers l’orage.
« Peu à peu, j’ai pris contact avec des spécialistes et des givrés de la météo comme moi, via des forums. »
En 2009, il se rend à l’une des rencontres nationales dans le massif central qui les rassemble. Une semaine, avec des journées chaudes où ont claqué de gros orages. « On était tous des frappadingues de ces phénomènes météo, une vraie communion. » Qui a propulsé Basile dans sa quête effrénée.
« Un coup de foudre a eu la merveilleuse idée de venir tomber parfaitement dans l’axe de la route qui s’éloigne en direction de l’horizon. Une capture aussi imprévue qu’imprévisible, et surtout un coup de chance tout bonnement fantastique. Route 104, une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Tucumcari, Nouveau-Mexique, États-Unis, 8 juin 2015. ©Basile DucournauExpérience hors norme aux US
D’abord en France, en Beauce et en Champagne « des régions connues pour être fertiles en orages, entre le printemps et la fin de l’été. » Il travaille alors pour plusieurs médias qui lui achètent ses images : Géo, Chasseur d’images, BFMTV, TF1…
En 2012, il s’envole pour les États-Unis pendant un mois à la chasse aux orages et… aux tornades !
« Là-bas, c’est différent de tout ce qu’on peut imaginer ailleurs : l’environnement est totalement hors norme », ce qui donne des clichés tout à fait artistiques. Il y retournera chaque année jusqu’en 2018.
Il a publié des vidéos sur sa chaîne YouTube :
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Et des photos de classe !
Depuis qu’il a des enfants, Basile a calmé le jeu. Il y a quelques années, il a tiré parti de ses talents de pur photographe. Il travaille aujourd’hui pour une entreprise spécialisée sur les photos dans le milieu scolaire.
« Je fais des photos de classe, des portraits d’élèves. Les interactions avec les enfants et les équipes qui les entourent me plaisent beaucoup, c’est super intéressant ! »
Il travaille surtout en région parisienne, son camp de base avant de venir s’installer à Coëtmieux. Il fait des photos de mariage aussi. Une activité qui occupe quelques mois de l’année, lui laissant le reste pour sa quête des orages.
« J’équilibre ainsi mon activité entre un travail de photographe classique et ma passion de la photo des phénomènes météos. »
La Bretagne nouveau terrain de jeu
L’objectif aujourd’hui, c’est d’assouvir sa passion en Bretagne :
Il y a ici aussi des orages et de nombreux lieux mythiques que je voudrais immortaliser.
Et pas seulement sous le feu des éclairs : aurores boréales, comètes et autres lueurs fantasmagoriques célestes font des miracles dans le viseur de Basile…
On peut suivre le travail de Basile Ducournau sur Instagram : cieuxsoustension et sur son site internet cieuxsoustension.com
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