« On ne savait plus où donner de la tête ». « Ça a été la catastrophe ». « C’était pire que la guerre ». Réveil douloureux pour les habitants du boulevard Paul Bert, particulièrement touché par les inondations, dimanche soir à Toulon. « Bon bah, ma Polo 5 GTI est morte, se désole Daniel, 27 ans. Je l’ai vue couler de mon balcon. Les warnings se sont mis en marche et une vitre s’est ouverte toute seule. J’ai juste eu le temps de récupérer la carte grise derrière le pare-soleil ». Ici, une cinquantaine de voitures ont eu de l’eau jusqu’aux vitres, dont certaines se sont encastrées dans d’autres après avoir flotté. Ce lundi matin, plusieurs rez-de-chaussée d’immeubles portent encore les stigmates.

Au bout de la rue, tout le monde s’active pour enlever le restant d’eau et de boue. Dans la soirée, Jacques et son beau-fils, venus en renfort du stade Mayol, ont ouvert les bouches d’égout avec un pied-de-biche pour tenter de limiter les dégâts dans « cet entonnoir ». Pas suffisant. « L’eau entrait par la porte du hall et allait dans les appartements, raconte cet octogénaire. Alors, on a essayé de la rediriger vers la cave, mais elle débordait aussi. C’était déjà trop tard. Regardez, notre plancher est tout gonflé. »

« J’en tremblais. J’ai même vomi. »

Comme lui, sa femme de 81 ans n’a pas dormi de la nuit. « J’avais peur que ça recommence les heures suivantes, confie Christiane. J’en tremblais. J’ai même vomi. » Sa fille lui a proposé de l’héberger chez elle, en sécurité. Elle a refusé. « Mes parents ont préféré sauver leurs meubles et leurs souvenirs, quitte à être noyés, glisse Olivia. C’était l’affolement. Tout le monde était dans le noir. On s’est retrouvé isolés. »

C’est la deuxième fois qu’une telle inondation leur arrive au même endroit, la première il y a une vingtaine d’années. Et la deuxième fois qu’ils perdent une voiture. « On avait contacté la maire de Toulon en juillet pour lui dire de nettoyer la rivière des amoureux où on voyait des hautes herbes, poursuit Jacques. Parce que je savais qu’un tel scénario pouvait se produire. On nous a répondu qu’ils allaient s’en occuper. Mais ils n’ont rien fait. Pareil côté Métropole. Tout ça, c’est de leur faute. Pourtant, ils savent bien que c’est la saison des orages. » « Ils ne nettoient pas, on dirait qu’on ne paye pas d’impôts », s’emporte à son tour Christiane.

Sur le même palier, Maryse, 76 ans, passe la raclette. « On a fait le ménage toute la nuit, s’en amuse-t-elle. Il vaut mieux en rigoler. » Puis, d’un air plus grave: « C’est vrai que j’ai un peu flippé. J’ai appelé mon fils, mais il ne pouvait pas venir de La Valette, j’étais toute seule. »

De l’autre côté de la rue, Michelle, 68 ans, écope avec une pelle sa petite citadine rouge, qu’elle venait de s’offrir trois jours plus tôt. « Qu’est-ce qu’on pouvait faire? Si j’avais essayé de la déplacer hier, c’était encore pire. J’aurais été prise au piège. » La faute, selon elle, au seul « réchauffement climatique ».

D’autres s’échangent des vidéos de leur voiture sous l’eau, prises la veille. « On a reçu l’alerte de la préfecture plus d’une heure après avoir été inondés, c’était un carnage », s’énerve Claudine. « Elle a perdu des milliers de voix Josée Massi, surenchérit Franck en épongeant sa BMW avec une serviette depuis trois heures. « Tout le monde est en colère, ici. Mais ils s’en foutent. Ils ne sont même pas venus nous voir ce matin. » « Vous voyez là, c’est ma chienne qui nage en plein milieu de la rue », partage un habitant.

« L’eau passait par les fenêtres »

À quelques flaques de là, Rosa, 83 ans, a pu compter sur l’aide de ses voisins du premier étage, alors que l’eau a atteint plus de vingt centimètres partout chez elle. « Je suis handicapée, précise-t-elle, alors que sa voisine et son aide ménagère évacuent le plus gros. Heureusement, qu’ils m’ont aidée à monter. Ils m’ont soulagée de tout ça. » Elle aussi a vécu les précédentes inondations. « C’était un 23 septembre, se souvient-elle, encore marquée. On ne pouvait même pas ouvrir le vide sanitaire de crainte d’être aspiré. »

Sur le même palier, deux jeunes de l’ASE sont totalement déboussolés. Chez eux, tout est encore trempé. Ils n’ont pu sauver ni leur linge, ni leur trottinette électrique. « L’eau passait par les fenêtres et a ouvert la porte d’entrée. En voulant la refermer je me suis blessé à la main, souffle Abou, 17 ans. Les pompiers ont réussi à m’emmener à l’hôpital pour me faire recoudre. On a dormi là-bas. Qu’est-ce qu’on va faire maintenant? »

Devant la Pizzeria Angelo, l’eau est montée à près d’un mètre. Pareil dans le salon de coiffure d’à côté, tenu par le même couple. « C’est un voisin qui m’a prévenu hier soir, rapporte Amandine, 41 ans. Quand on est arrivés sur place, il y avait déjà de la boue partout. On ne pouvait pas rentrer à l’intérieur. » André, son mari, ajoute: « On ne pouvait rien faire. Les pompiers nous ont dit de partir parce qu’on risquait d’être aspiré par une bouche d’égout. Et électrocuté par un éclair sur 300mètres ». Amandine retourne à son salon: « Je vous laisse. Il faut que j’aille acheter des raclettes. »


Avec son beau-fils, Jacques, 86 ans, a passé une partie de la nuit a tenté de limiter les dégâts.
(Photo M.Z.) M.Z. – Nice Matin.