Dimanche soir, Jean-Pierre a eu la peur de sa vie. « J’étais en scooter, je rentrais de Mayol après l’annulation du match », raconte ce fan du RCT, encore sous le choc. « J’ai vu que la rue était sous l’eau mais j’ai quand même essayé de passer. L’erreur… J’ai pris une vague et je me suis fait emporter. J’ai finalement atterri dans la cour d’une maison où j’avais de l’eau jusqu’au cou. Mon deux-roues est mort mais, moi, je suis entier, c’est le principal! »

Comme Jean-Pierre, ils sont nombreux à avoir connu des mésaventures plus ou moins graves dans le quartier de l’Aguillon, qui fut l’un des plus touchés par les inondations à Toulon, avec ceux de La Rode ou du Pont-du-Las. Ce lundi matin, les habitants de ces secteurs pansent leurs plaies. Les entreprises de nettoyage sont à l’œuvre, comme les camions de pompage. Le docteur Vincent Navarre, lui, passe la raclette dans son cabinet pour évacuer la boue. « En trente ans, je n’ai jamais vu ça. C’est la première fois que ça monte autant. Apparemment, mon ordi est foutu… »

« Regardez, on a même trouvé un poisson dans le salon! »


Ce lundi matin, le quartier était encore le théâtre de scènes surréalistes, comme cette riveraine de l’Eygoutier qui a retrouvé un poisson chez elle ou le défilé permanent des camions de pompiers pour venir en aide aux habitants.

En cause: l’impressionnante quantité de précipitations tombée en un laps de temps très court, évidemment, mais aussi la configuration des lieux, en cuvette. « Le problème, c’est qu’on s’est pris toute l’eau qui dévalait de l’avenue de la Résistance », pestent Alex et Florent, qui ont perdu « deux scooters et deux voitures » dans la bataille. Autre facteur aggravant: la proximité du petit fleuve l’Eygoutier qui – chose rarissime – est sorti de son lit de béton, notamment au niveau du stade Jean-Alex Fernandez.

« On a écopé jusqu’à trois heures du matin », explique Nadège, qui habite avec sa fille et ses petits enfants une maison HLM le long du chemin de l’Alma, en bordure du fleuve côtier. « C’est monté de trente centimètres chez nous. Regardez, on a même trouvé un poisson dans le salon! », dit-elle, en tendant un joli gardon par la queue. « Plus sérieusement, nous n’étions pas rassurés: les pompiers sont venus à minuit et nous ont demandé de rester à l’étage. On n’a pas fermé l’œil et, ce matin, il faut nettoyer. »

« La bagnole est morte… »

Derrière chez elle, d’autres dégâts sont plus conséquents. Cinq voitures stationnées là se sont entrechoquées au plus fort de la crue, défonçant un mur de parpaings au passage. Rue Révérend père Charles de Foucault, Loïc et Sylvie ne peuvent que constater que leur véhicule non plus ne redémarrera pas. Leur garage, situé sous leur domicile, a été littéralement noyé sous un mètre cinquante d’eau marronnasse. « C’était une véritable piscine. La bagnole est morte, c’est sûr. »

Au cœur de l’Aguillon, d’autres font les curieux, scrutant à travers la grille le parking du supermarché Lidl encore inondé. D’autres, comme cette vieille dame qui finit, de rage et de fatigue, par jeter son aspirateur inopérant par terre, en pleine rue, se laissent aller au désespoir. « C’est dingue ce qui s’est passé. J’espère au moins qu’on aura l’état de catastrophe naturelle », soupire Loïc. À quelques mètres de lui, la « rivière des amoureux », bercée de soleil, a retrouvé son cours normal. Comme si rien ne s’était passé.