Plus d’une cinquantaine de mairies dirigées par la gauche ont hissé le drapeau palestinien sur le fronton de leur mairie lundi 22 septembre, jour choisi par Emmanuel Macron pour reconnaître officiellement l’État de Palestine, un pavoisement auquel est opposé le ministre démissionnaire de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Ce dernier avait donné instruction aux préfets de l’interdire, en vertu du principe de neutralité du service public, de non-ingérence dans la politique internationale de la France et du risque de « troubles graves » à l’ordre public.

À Saint-Denis, le maire PS Mathieu Hanotin a ainsi hissé dès 9 h 40 la bannière rouge, noire, blanche et verte aux côtés des drapeaux français et européen. À ses côtés, le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure, à l’origine de l’idée de pavoiser les mairies, a dit « regretter que le ministre de l’Intérieur n’ait rien trouvé de mieux que de chercher à condamner des maires qui font leur devoir de solidarité […] Ce drapeau-là n’est pas le drapeau du Hamas, il est le drapeau de femmes et d’hommes qui ont le droit, eux aussi, à la liberté et à l’autodétermination », a-t-il jugé.

Injonction du tribunal administratif

Lyon, Rennes, Nantes ou encore Tours l’ont également imité ou s’apprêtent à le faire. « Reconnaître l’État de Palestine, c’est affirmer le principe fondamental du droit des peuples à l’autodétermination » et « rappeler que nulle conquête territoriale par la force ne peut être légitimée et qu’aucune paix durable ne saurait naître sans justice et réciprocité », a relevé la mairie tourangelle.

À Malakoff, la maire communiste Jacqueline Belhomme avait apposé un drapeau palestinien dès vendredi. Celui-ci est resté sur le fronton de l’hôtel de ville, malgré une injonction du tribunal administratif de Cergy Pontoise. Lundi, le juge des référés a ordonné son retrait sous peine d’une astreinte de 150 € par jour de retard.

Certaines villes ont érigé le drapeau palestinien et israélien, comme Saint-Ouen. Paris a également projeté dimanche soir les deux drapeaux sur la tour Eiffel avec le drapeau de la Paix. De plus petites villes, comme Chenôves et Quétigny, en banlieue de Dijon, ont emboîté le pas aux grandes. À Corbeil-Essonnes, ville jumelée avec Jérusalem Est, le maire DVG Bruno Piriou fera distribuer 1.000 drapeaux palestiniens.

Débat juridique

Ce n’est pas la première fois que le pavoisement des mairies fait polémique. Au décès du pape François, la demande du gouvernement de mettre en berne le drapeau français avait été jugée contraire au principe de laïcité par certains maires.

Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay estime qu’« il n’y a pas aujourd’hui de mot d’ordre du gouvernement pour pavoiser ». « À chaque fois que les tribunaux ont validé les drapeaux, c’était parce qu’il y avait un mouvement national de solidarité. C’était le cas pour le drapeau israélien au moment du massacre du 7 octobre et pour le drapeau ukrainien », observe-t-il.

Mais selon Serge Slama, professeur de droit public à l’Université de Grenoble-Alpes, « il n’est pas prohibé d’ériger des drapeaux en soi ». « Un maire ne peut pas, à travers un drapeau, exprimer une opinion politique, religieuse ou philosophique. Mais ériger un drapeau parce que le chef de l’État reconnaît la Palestine comme État ne me semble pas manquer au devoir de neutralité parce que c’est la position officielle de la France ce jour-là », argumente-t-il.