Par

Maxime Turberville

Publié le

22 sept. 2025 à 17h34

L’impression de faire face à un mur. C’est le ressenti de la famille de l’homme abattu par un tir de gendarme à Noyal-sur-Vilaine (Ille-et-Vilaine), le vendredi 21 février 2025. Ce jour-là, ce père de famille armé d’un couteau et « menaçant » – selon les éléments du Procureur – était tué par un militaire dans un quartier calme de cette ville située à l’est de Rennes. Six mois après les faits, la famille reste sans réponse sur ce qui s’est passé précisément, puisqu’elle n’a eu accès à aucun élément de l’enquête.

Dans ces conditions, leur avocat Me Lucas Hervé souhaite que la procédure soit confiée à un juge d’instruction comme il l’a indiqué dans un communiqué de presse.

Il avait reçu une balle dans l’abdomen

Vendredi 21 février, rue Maurice-Ravel, les services de gendarmerie interviennent la suite d’un différend familial.

Selon les éléments communiqués par le Procureur, les militaires sont informés par les membres de la famille que l’homme, qui séjourne depuis la veille au domicile de son frère, s’en est pris « violemment à sa belle-sœur et s’était montré menaçant envers toutes les personnes présentes ».

Le père de famille est armé d’un couteau lorsqu’il quitte le domicile avec trois de ses enfants âgés de 2 à 5 ans, « complètement nus ».

Sur place, l’équipage de trois gendarmes est confronté à un homme « très agité, armé d’un couteau, dans une descente de garage, avec les trois enfants derrière lui ».

Alors que les militaires tentaient de mettre à l’abri les enfants et d’interpeller le père de famille, un gendarme fait usage de son arme à feu.

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Ceci « après plusieurs sommations, et trois tirs de taser sans résultat », précisait le Procureur.

Le père de famille est décédé sur place après avoir reçu une balle dans l’abdomen.

Le gendarme avait voulu « défendre son collègue tombé à terre »

Une enquête a été ouverte par les services de l’inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN).

Le gendarme auteur du tir a été entendu sous le régime de la garde à vue dans le cadre de l’enquête de flagrance ouverte du chef de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique.

Le militaire a notamment expliqué « avoir voulu défendre son collègue tombé à terre et qui tentait de se relever en voyant l’homme toujours armé de son couteau se diriger vers lui », précisait le procureur.

Ce dernier indiquait également que la victime, qui paraissait souffrir « d’hallucinations », présentait « des signes de troubles psychiatriques qui n’avaient pas fait l’objet de prise en charge médicale ».

Dans le quartier où se sont déroulés les faits, la victime de 31 ans n’était pas connue.

Une famille qui vit dans la précarité

Depuis, la défunte du trentenaire a saisi le cabinet de Me Lucas Hervé.

« Plus de six mois après ces faits dramatiques, la famille est dans l’ignorance des conditions dans lesquelles leur conjoint et père a été abattu », explique l’avocat pénaliste à Rennes.

Ce dernier ne comprend pas pourquoi une « simple enquête préliminaire a été ouverte alors que les faits revêtent une qualification criminelle ».

Aucun juge d’instruction n’a été saisi et la famille ne sait pas si des sanctions disciplinaires conservatoires ont été prises.

« De plus, cette enquête a été ouverte pour des faits seulement qualifiés à ce stade de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner », poursuit Me Lucas Hervé.

Pour l’avocat, la famille est « inquiète d’apprendre qu’en droit, la volonté de tuer est pourtant habituellement présumée lorsqu’une arme létale est utilisée en direction d’une zone vitale du corps de la victime. En pareil cas, c’est une qualification de ‘meurtre’ qui doit être privilégiée ».

Au sujet de la procédure, Me Lucas Hervé indique avoir essuyé un refus de l’ouverture au contradictoire.

Ce qui aurait dû permettre à la famille d’être informée, par le biais de son avocat, du contenu des investigations réalisées.

Me Lucas Hervé

Samedi 12 septembre, l’avocat a déposé une plainte avec constitution de partie civile du chef de meurtre aggravé.

« Il est indispensable que la direction de l’enquête soit confiée à un magistrat dont le statut lui confère l’indépendance requise », note Me Lucas Hervé.

Pour ce dernier : « Il y a un bien secret de l’enquête, mais aucune information n’a filtré auprès de la famille. C’est une vraie difficulté puisqu’elle veut des réponses à des questions qui sont légitimes ».

Depuis le décès de la victime, sa conjointe et ses enfants vivent dans une situation délicate.

« La mère de famille a vécu dans une précarité importante », confie l’avocat.

La famille a d’abord été logée dans une école grâce à un collectif de parents d’élèves pendant quelques semaines avant de bénéficier d’un logement temporaire.

Sollicité au sujet de l’enquête et de cette plainte, le procureur de la République n’avait pas répondu au moment de la publication de cet article.

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