LIONEL BONAVENTURE / AFP
Cédric Jubillar au premier jour de son procès le 22 septembre 2025.
JUSTICE – Une prise de parole qui n’a surpris personne. Au premier jour de son procès devant les assises du Tarn ce lundi 22 septembre, Cédric Jubillar a dit une nouvelle fois son innocence dans l’affaire de la disparition de sa femme Delphine, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020. « Je conteste toujours les faits qui me sont reprochés », a déclaré face à la présidente de la cour celui qui est accusé d’avoir tué l’infirmière de 33 ans.
Barbe et crâne rasés, vêtu de jeans et d’une veste de jogging bleu, le principal suspect a pris la parole pour la première fois. « Je m’appelle Jubillar Cédric », a-t-il commencé, avant de décliner sa date de naissance et sa profession. Une alliance à l’annulaire gauche, le peintre-plaquiste de 38 ans qui s’est toujours dit innocent a dû s’expliquer publiquement sur ce qu’il s’est passé en décembre 2020 à Cagnac-les-Mines (Tarn), où il résidait avec sa femme dont le corps n’a jamais été retrouvé.
L’accusé, en détention depuis juin 2021, est soupçonné d’avoir fait disparaître celle qui était son épouse depuis 2013 et la mère de leurs deux enfants parce qu’il ne supportait pas l’idée qu’elle le quitte pour un autre homme. Au total, 65 témoins et 11 experts doivent éclairer le dossier de cette affaire très médiatique qui a fini par accumuler 27 tomes et plus de 15 000 pages de procédure.
Pour les juges d’instruction, des indices – les lunettes cassées de Delphine, le témoignage du fils du couple ou encore des cris entendus par des voisines – montrent qu’une dispute a éclaté, au cours de laquelle la jeune femme a trouvé la mort. En l’absence de cadavre, c’est le comportement de l’accusé qui a alimenté les soupçons des enquêteurs : qualifié d’impulsif, il n’a que peu participé aux recherches de son épouse.
La défense assure que le dossier est « bancal » faute de preuves
Pire, Cédric Jubillar a tenu avant la disparition et devant témoins des propos menaçants au sujet de sa femme si elle en venait à le quitter. Codétenus et nouvelles petites amies ont aussi assuré que l’accusé leur avait avoué le crime ou donné des informations sur la localisation du corps de Delphine. Mais en audition, Cédric Jubillar a toujours réfuté ou relativisé ces propos, des plaisanteries, selon lui, et les fouilles diligentées ont été infructueuses.
Du côté de la défense, l’avocat de l’accusé, Me Alexandre Martin, a jugé que « l’accusation essaie de construire une histoire, de créer un mobile » alors que le dossier est « bancal » en « l’absence de preuves ». Cédric Jubillar « assiste à ce qu’il se passe […] et il espère qu’à la fin on va enfin comprendre qu’il est innocent du crime qu’on lui reproche », a résumé l’avocat au Parisien.
En face, la famille Delphine Jubillar « attend une double vérité », sur le déroulé des faits et sur ce qu’il est advenu d’elle, a déclaré en marge de l’audience Me Mourad Battikh, qui défend des cousins, des tantes et oncles de la disparue. Ce dernier a jugé « quelque peu problématique » que l’accusé « exhibe » son alliance.
« C’est un stress pour toute cette famille », a pointé à l’AFP Me Philippe Pressecq, avocat d’une cousine de Delphine Jubillar. « Ils ont l’impression que Delphine est morte hier et de revoir le meurtrier aujourd’hui, c’est difficile », a-t-il ajouté. Pour l’avocat des parties civiles, « un aveu est toujours possible ». Ce qu’espèrent aussi les enfants du couple, qui n’assistent pas au procès.
L’accusé revient sur les gifles et les fessées infligées par son père
Une partie de l’audience de ce lundi a été consacrée à l’enquête de personnalité menée par une spécialiste sur Cédric Jubillar. Elle a relevé que l’accusé évoque peu sa femme si on « ne le questionne pas » sur elle et qu’il « ne ment pas sur sa personnalité », qui n’est pas « lisse ». « Il le dit : “Moi je suis un connard et j’assume” », a-t-elle poursuivi, d’après BFMTV. « Je suis assez d’accord » avec l’enquête de personnalité, a réagi l’accusé, déclarant : « J’aime prendre de la place, être imposant, me montrer. »
Le trentenaire est aussi revenu sur sa relation compliquée avec ses parents, évoquée par l’enquêtrice. Celle-ci a décrit son enfance « marquée par des abandons » et désigné sa mère, « adolescente quand elle le met au monde », comme une « pièce centrale » de la « construction de sa personnalité ». Mentionnant ses placements la spécialiste a jugé qu’« il n’y a pas de place pour lui » lorsqu’il grandit.
À la barre, Cédric Jubillar a décrit sa mère comme une « bonne copine » mais qui « ne donne pas d’ordre » et « n’est pas stricte comme devrait l’être une mère », a rapporté la journaliste de franceinfo. Il a aussi évoqué, même si « ça [lui] fait mal d’en reparler », l’éducation violence de son beau-père, qui lui a infligé « des fessées, des gifles ». Son avocate Emmanuelle Franck, citée par BFMTV, a assuré que « le raccourci entre une enfance cabossée et un passage à l’acte adulte ne tient pas ».
Peu avant le Noël 2020 et alors que le pays vivait au rythme des couvre-feux liés au Covid-19, la disparition de l’infirmière tarnaise avait eu un fort écho médiatique. L’affaire Jubillar avait alors secoué une actualité judiciaire déjà marquée par la condamnation retentissante de Jonathann Daval, condamné pour le meurtre de sa femme Alexia. Près de cinq ans plus tard, le procès de Cédric Jubillar – dont le verdict est attendu le 17 octobre – continue d’intéresser le public et les journalistes.