Depuis le début des années 2000, les Grands Prix moto ont peu à peu vu disparaître les pilotes américains et australiens, qui dominaient pourtant le championnat à la fin du siècle dernier. Ce recul de leur présence sur la grille s’est fait au profit des Italiens et des Espagnols, qui ont gagné du terrain jusqu’à devenir majoritaires.
C’est le cas aujourd’hui : sur les 22 pilotes permanents de la catégorie MotoGP cette saison, neuf sont espagnols et six italiens, tandis que les six autres nationalités représentées le sont par un pilote (Japon, Thaïlande, Australie, Afrique du Sud et Portugal) ou deux tout au plus pour ce qui est de la France.
Si l’on regarde la succession des champions du monde, la domination par nationalité suit exactement la même tendance. Entre 1980 et 2000, 18 des 21 championnats disputés ont été remportés par des pilotes américains (12) et australiens (6). Les sacres de pilotes italiens et espagnols faisaient figure d’exception : deux pour l’Italie en 1981 et 1982 (Marco Lucchinelli et Franco Uncini), et une première couronne pour l’Espagne en 1999 avec Álex Crivillé.
L’Italie a renoué avec ses succès d’antan avec l’arrivée de Valentino Rossi en 2000, lequel a remporté le dernier titre des 500cc puis les quatre premiers de la nouvelle catégorie MotoGP, entre 2001 et 2005, une série interrompue par les sacres de l’Américain Nicky Hayden en 2006 et de l’Australien Casey Stoner en 2007.
Les Grands Prix 500cc à l’époque de gloire des Américains et des Australiens, ici Kevin Schwantz, Wayne Rainey et Mick Doohan en 1991.
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Si l’on prend l’ensemble du palmarès depuis la mutation du championnat en 2002, 23 titres MotoGP ont été attribués, dont 19 à des pilotes venus d’Italie et d’Espagne : six pour Valentino Rossi, six pour Marc Márquez, trois pour Jorge Lorenzo, deux pour Pecco Bagnaia et un chacun pour Joan Mir et Jorge Martín. Nicky Hayden (2006), Casey Stoner (2007 et 2011) et Fabio Quartararo (2021) sont les seuls à faire exception.
Un excellent travail de formation
Lorsque les Américains et les Australiens ont investi les Grands Prix, dont les premières décennies avaient été très axées sur l’Europe, ils ont fait valoir de gros moyens ainsi qu’une culture des grosses cylindrées. Ils ont alors largement marqué les années 1980 et 90, tandis que les pilotes latins se concentraient sur les catégories plus petites, où leur hégémonie se maintenait.
L’approche a toutefois changé avec l’explosion de fans en Espagne après le titre de Crivillé, et en Italie avec l’émergence de Rossi. Cela a conduit ces pays à miser sur la formation et le suivi de jeunes pilotes dans le but d’atteindre le MotoGP. C’est ainsi qu’a émergé une génération mémorable en Espagne, avec les Dani Pedrosa, Jorge Lorenzo et Marc Márquez. Derrière les porte-étendards qu’ont été ces champions, Valentino Rossi inclus, le vivier espagnol et italien a également vu fleurir d’innombrables pilotes de grand talent qui, durant des années, ont largement contribué à alimenter les grilles de départ et à truster les podiums.
La saison 2017 a été le summum de cette latinisation du championnat : dix des titulaires étaient alors espagnols. On retrouve parfois ce chiffre cette année lorsque le peloton accueille quelques pilotes ibériques pour des wild-cards ou des remplacements. Les Italiens, quant à eux, sont encore au nombre de six parmi les titulaires de 2025.
Sur la photo de famille de 2017, dix pilotes sur 23 étaient espagnols.
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La Dorna souhaite internationaliser le plateau
Seulement, le MotoGP se trouve aujourd’hui à l’aube d’une nouvelle ère avec l’arrivée du groupe américain Liberty Media en tant qu’actionnaire majoritaire dans le championnat. La Dorna, toujours aux manettes, s’est donc fixé pour objectif de diversifier les nationalités sur la grille, au point que cette politique ait empêché de jeunes talents du Moto2 d’accéder à la catégorie reine. Cela s’est produit l’année dernière avec Sergio García, et plus récemment avec Manuel Gonzalez, à chaque fois dans le but de maintenir Jack Miller sur la grille.
Alors que ce sujet revient régulièrement sur le devant de la scène depuis quelques années, le PDG de Dorna Sports a durci son discours l’an dernier lorsqu’il a été questionné sur le maintien de Miller au détriment de García. « Les meilleurs devraient être là, mais il est plus facile d’être meilleur si vous êtes Italien ou Espagnol », avait alors déclaré Carmelo Ezpeleta à Speedweek. « Ce devrait être comme pour les Jeux Olympiques : trois Américains y vont, et si vous êtes le quatrième Américain, vous n’y allez pas, même si vous êtes meilleur que ceux d’autres pays. »
Sergio García était pourtant en lutte pour le titre Moto2 au moment où Jack Miller lui a été préféré. De même, cette année, Manu González était leader de la catégorie intermédiaire lorsque Pramac a décidé de le promouvoir pour 2026, avant que le choix se porte finalement sur le renouvellement de Miller. Certains top pilotes MotoGP ont alors exprimé le sentiment qu’il devenait plus difficile d’être promu lorsque l’on est espagnol.
Malgré le souhait de Pramac de le promouvoir en MotoGP Manuel González restera en Moto2 en 2026.
Marc Márquez avait ainsi déclaré qu' »avec un passeport espagnol, c’est un peu plus difficile de venir en MotoGP ». De son côté, Pedro Acosta a estimé que cela « ne sera qu’un petit obstacle » dans la carrière de González, même si d’autres, et notamment Arón Canet, patientent depuis déjà plusieurs années sans parvenir à être promus en dépit de très bons résultats.
Ce que nous voulons, c’est avoir les meilleurs pilotes du monde, et s’ils représentent de nombreuses nationalités différentes, tant mieux.
À l’occasion de la présentation du GP de Catalogne, ce mois-ci, Motorsport.com a donc demandé à Carmelo Ezpeleta si cette position était inflexible et s’il allait freiner la promotion des jeunes talents en raison de leur nationalité.
« Ce que nous voulons, c’est avoir les meilleurs pilotes du monde, et s’ils représentent de nombreuses nationalités différentes, tant mieux. La priorité est qu’ils soient les meilleurs », a répondu le PDG de Dorna Sports, niant toute forme de choix imposé et soulignant qu’il s’agissait plutôt d’une tendance naturelle.
« Avoir des pilotes représentant un plus grand nombre de pays sur la grille de départ n’est pas quelque chose que nous, Dorna, imposons, mais plutôt quelque chose que les équipes comprennent comme étant important et bénéfique. »
Carmelo Ezpeleta dément toute intervention de Liberty Media pour orienter les nationalités représentées en MotoGP.
Photo de : Gold and Goose Photography / LAT Images / via Getty Images
Ezpeleta a également nié toute influence de Liberty Media à cet égard : « Absolument pas. Ils nous aident à développer les idées que nous avons. Nous les leur expliquons et jusqu’à présent, tout ce que nous avons proposé leur a semblé bon. Il est vrai que nous avons une relation très étroite avec eux, car ce sont des gens qui connaissent très bien le métier et qui peuvent nous aider. »
S’il reste un nom à officialiser pour 2026, son identité ne fait plus aucun doute. On sait donc que le plateau MotoGP maintiendra le nombre de nationalités représentées sur sa grille l’an prochain. Le départ du Portugal et de la Thaïlande, avec Miguel Oliveira et Somkiat Chantra, sera en effet compensé par l’arrivée de la Turquie, représentée par Toprak Razgatlioglu, et du Brésil avec le jeune Diogo Moreira. Pour la première fois depuis 2018, il n’y aura aucun rookie espagnol ni italien.
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