Après un premier engagement en wild-card et une découverte par les titulaires lors de tests, Yamaha a tenu à rappeler que son V4 en était encore à un stade très précoce. La marque a préféré se concentrer sur la fiabilité et de gros progrès restent nécessaires, tant dans les performances que dans le comportement du moteur, mais aussi de la machine qui l’entoure, la M1 ayant été totalement redessinée autour de cette architecture nouvelle pour la marque, habituée aux quatre cylindres en ligne.

La wild-card d’Augusto Fernández au GP de Saint-Marin a permis de révéler des problèmes de jeunesse. « La fenêtre entre avoir de bonnes sensations et vivre un très mauvais moment semble très étroite », a expliqué le pilote d’essais de Yamaha après cette première course. « On a eu beaucoup de problèmes : le tableau de bord qui ne fonctionnait pas [en course], la consommation de carburant… J’avais le voyant rouge du carburant allumé, mais j’avais la cartographie avec le moins de puissance donc il a fallu que je gère à partir du dixième tour. Du coup, j’ai économisé le carburant pendant 17 tours. »

« C’était difficile d’avoir un rythme de course constant. Si on prend le meilleur tour de la course, il aurait pu être meilleur. C’est à une seconde de Fabio [Quartararo], qui a le meilleur rythme à ce jour. […] On a cassé des capteurs, des pièces, il y avait une petite vibration. C’était une première, donc il faut être patient, ce n’est pas notre moment. Le potentiel est là. »

Les pilotes titulaires ont quant à eux participé à deux tests avec cette moto, l’un à huis clos sur le circuit de Barcelone, puis le second à Misano au lendemain du Grand Prix. Malgré de gros changements encore nécessaires, Jack Miller a jugé la base saine.

« C’est un nouveau projet, il faut comprendre une nouvelle moto, monter dessus, essayer de comprendre ses forces, ses faiblesses, comprendre l’équilibre, la distribution des masses, toutes ces choses-là », a expliqué le pilote Pramac. « C’est bien. La moto fait toutes les bonnes choses. »

Jack Miller, Pramac Racing

Jack Miller

Photo de: Yamaha MotoGP

« Évidemment, il faut juste un peu de temps, simplement pour comprendre la distribution des masses, où placer l’avant, comment la faire pivoter, ce genre de chose – plus des réglages qu’autre chose. C’est le début du projet. Elle fait les choses dans les domaines où on voulait qu’elle le fasse. Mais c’est sûr qu’il y a des choses à améliorer. »

Parmi ces points nécessitant du travail, Álex Rins a surtout désigné la vitesse de pointe et la façon dont la puissance est délivrée. « On fera de gros progrès parce l’accélération de la moto n’était pas mauvaise, j’ai été assez impressionné », a commenté l’Espagnol. « Mais dès qu’on relève la moto et que l’on monte les rapports, il n’y a pas assez de puissance. »

Miller n’est pas inquiet sur ce sujet. « De la puissance, on peut en trouver. Ce n’est pas un souci », a-t-il assuré. Fernández a par ailleurs précisé que ce moteur n’était pour le moment pas poussé dans ses retranchements, Yamaha souhaitant éviter des problèmes de fiabilité : « C’est la seule chose que l’on sait, que l’on n’est pas au niveau maximum du moteur. On fait attention au moteur donc ce n’est pas un problème. On sait qu’on peut avoir plus de puissance, mais il faut améliorer tout le reste. Ce sera le prochain step. »

Un ADN préservé mais des progrès dans le comportement

Plus que ces problèmes de jeunesse, c’est le comportement du moteur qui intéresse Jack Miller. Yamaha n’a pas encore des outils optimisés pour bien le faire fonctionner, pourtant l’Australien a déjà perçu plus de positif que de négatif.

« Le caractère est sympa, l’inertie est bonne – le fait d’avoir cette inertie et de pouvoir travailler avec –, l’électronique nécessite un gros travail. Après plus de 20 ans à travailler avec un quatre cylindres en ligne, aucune cartographie, aucune gestion de l’électronique, ni même la moindre partie de l’électronique n’est compatible. »

Jack Miller, Pramac Racing

Jack Miller

Photo de: Yamaha MotoGP

« C’est un tout nouveau processus de conception, pour progresser à chaque relais. C’était le principe de cette journée [à Misano] : à chaque fois qu’on est sortis du garage c’était mieux, plus utilisable, plus pilotable, la connexion était meilleure. Ce sont de petits progrès. On ne réinvente pas la roue en un jour, il faut au moins une semaine pour ça. On est sur la bonne voie. »

« La motricité est là », a encore voulu souligner Jack Miller. « Je pense que ce qui est sympa avec ce V4, c’est que même si on a changé, tout ce qui correspond à l’ADN de Yamaha, avec un bon châssis, est toujours là. Comme je l’ai dit, il faut mettre des éléments, des réglages de base, au bon niveau, pour exploiter les forces et les faiblesses du châssis, et je crois qu’il y a plus de forces que de faiblesses. »

« C’est une première version, ce n’est pas la moto que l’on aura à Valence et par la suite. Pour une première ébauche, nous sommes dans le coup. Les Aprilia et Ducati que l’on affronte gagnent pendant les week-ends, KTM aussi. Disons que c’est un prototype entier, je pense qu’il n’y en a que deux pour le moment. Être à deux secondes du rythme dans la matinée – moi en tout cas, à environ 1″9 et Fabio plus proche – ce n’est pas mauvais, c’est bon départ. »

Pour une première ébauche, nous sommes dans le coup.

Miller estime que Yamaha a assuré l’essentiel en arrivant à profiter des gains d’une architecture en V tout en maintenant son agilité sur l’avant : « Avec la M1 actuelle, il nous manque de l’inertie, une capacité à rester dans cette motricité et avec ces pneus. Parce que c’est de ça qu’il s’agit : les pneus, la façon dont leur développement a évolué. »

« On a toujours [son] ADN ‘fondamental’, faute de meilleur mot », a insisté Miller, jugeant néanmoins des progrès nécessaires : « Mais cela étant dit, la répartition des masses est vraiment mauvaise, il faut  pas mal travailler sur ça. On est tellement habitués à régler une moto avec quatre cylindres en ligne qu’avec ce, disons, gros package autour duquel il faut placer un réservoir. »

Alex Rins, Yamaha Factory Racing

Álex Rins

Photo de: Yamaha MotoGP

Álex Rins note de son côté un comportement moins « coulé » mais se montre globalement satisfait puisque cela lui permet aussi de se montrer plus incisif dans les phases de freinage : « Disons que la moto est assez nerveuse. […] L’ADN de la Yamaha est la vitesse en courbe. Cette moto oblige à piloter différemment parce que c’est plus stop-and-go. Mais je pense qu’il est trop tôt. »

« Je suis content de la façon dont la moto fonctionne », a néanmoins souligné Rins. « Elle a vraiment beaucoup d’éléments positifs par rapport au quatre cylindres. Il reste une grosse marge de progrès, en termes de vitesse, en termes de maniabilité, beaucoup de choses, mais dans l’ensemble, je suis assez content du fonctionnement de la moto. »

« Je me sens assez bon au freinage. J’ai fait une comparaison avec le quatre cylindres en ligne, et j’ai préféré celle avec le V4 au freinage parce que j’arrivais à mieux réduire la vitesse, en étant plus en travers, je parvenais à entrer en courbe plus fort. On peut mieux utiliser l’arrière, c’est plus constant, plus prévisible par rapport au quatre cylindres en ligne. »

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La moto va encore beaucoup évoluer

Pour Augusto Fernández, le pilote qui a le plus d’expérience sur cette moto, Yamaha doit améliorer sa compréhension générale pour comprendre ce qui fait fluctuer les performances selon les conditions et les circuits, tout en corrigeant le tir sur certains éléments : « Parfois, quelque chose se passe et on a des sensations mauvaises ou très bonnes, mais le potentiel est là. Et quand j’ai de meilleures sensations, c’est déjà meilleur qu’avec l’autre [moto]. Donc le problème, c’est la constance dans ces sensations. »

« Il faut travailler pour revenir sur les autres, j’ai fini à une minute du premier », a-t-il rappelé après sa wild-card au GP de Saint-Marin. « C’est sûr que le package actuel n’est pas celui qui nous permettra de les battre l’an prochain. Il y a beaucoup de travail. Comme je l’ai dit, on connaît plus ou moins la direction et j’ai déjà eu de très bonnes sensations. »

Augusto Fernandez, Yamaha Factory Racing

Augusto Fernández

Photo de: Yamaha MotoGP

Yamaha va continuer à faire évoluer sa machine avant la prochaine participation de Fernández en wild-card, attendue pour le GP de Malaisie : « On essaie beaucoup, beaucoup de choses. D’ici à Sepang, il faudra qu’on ait quelque chose de nouveau, qu’on aille vraiment dans la direction à laquelle on pense. La direction à prendre est assez claire, sincèrement. Les ingénieurs la connaissent mais le problème, c’est le temps. J’espère que nous pourrons faire quelque chose pour Sepang. »

Álex Rins s’attend aussi à découvrir une moto très différente la prochaine fois qu’il la pilotera : « Il est trop tôt pour avoir une moto finalisée. La prochaine fois que je monterai sur la moto – je ne sais pas quand, peut-être après le test de Valence – beaucoup de pièces auront changé. Pour le moment, elle manque un peu de puissance. On peut voir sur les images qu’elle est 3 ou 4 km/h plus lente que notre moto actuelle. Il faut que l’on progresse sur cette moto. »

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