À quoi ressemblera le tourisme mondial en 2075 ? Pour fêter ses 50 ans d’existence, l’agence de voyage Nomade Aventure a interrogé une vingtaine d’écrivains et de spécialistes sur l’avenir du tourisme. La page « Destination 2075 » rassemble les souhaits, les interrogations, les inquiétudes et les paris des personnalités invitées à s’exprimer. Parmi ces têtes pensantes figurent le créateur de contenus spécialisé dans le voyage Bruno Maltor, des géographes, des astronautes, des écrivains (Jacques Attali, Julien Blanc-Gras…) et l’explorateur Mike Horn.
Le Gabon, le paradis oublié de demain ?
Le monde continuera-t-il à s’amasser à Barcelone, Dubrovnik ou Santorin chaque été ? New York, la Thaïlande et le Japon resteront-ils les stars du tourisme mondial en 2075 ? Certaines destinations aujourd’hui compliquées d’accès seront-elles ouvertes à la fin du siècle ? L’influenceur voyage Bruno Maltor l’assure : « De nouvelles contrées vont émerger, pas toujours là où on les attend ». Selon lui, le « Sud de l’Angola, les plateaux du Bénin, les forêts du Gabon ou les marais oubliés de la Pologne » vont se révéler dans les décennies à venir.
De nouvelles contrées vont émerger, pas toujours là où on les attend
Bruno Maltor
Fabrice Del Taglia, directeur général de Nomade Aventure, fait lui aussi le pari du Gabon, pays aujourd’hui totalement exclu des circuits touristiques. Il ne tarit pas d’éloges sur cet État d’Afrique centrale baigné à l’ouest par l’océan Atlantique qui possède « une nature unique et extraordinaire », des peuples « très divers aux traditions fascinantes » et « les plus vieux fossiles pluricellulaires sur terre ».
Selon lui, le Gabon pourrait devenir à terme le « Costa Rica africain ». Le DG de Nomade Aventure a d’autres pays en tête : Uruguay, Paraguay, Zimbabwe, Jamaïque, Salvador et Bosnie-Herzégovine. Encore faut-il une véritable volonté politique de se développer en matière d’infrastructures, d’hébergements, de transports et d’activités. Tous ne feront pas ce choix.
La géopolitique et le réchauffement, facteurs déterminants
Si, en 2025, il est difficile d’envisager une virée à Saint-Pétersbourg, un week-end à Kiev et des vacances en Iran, le monde va encore beaucoup changer dans les décennies à venir. « Un jour, j’en suis sûr, il sera possible de retourner au Mali, au Burkina Faso ou au Niger. La Russie ne sera pas toujours sous la férule de Poutine », espère Fabrice Del Taglia.
Outre la géopolitique, un autre élément devrait peser de tout son poids dans la nouvelle carte du tourisme global en 2075 : le réchauffement climatique. Pourra-t-on encore prendre un selfie dans la Vallée de la mort, se promener en amoureux à Venise ou partir à la découverte de Jakarta d’ici la fin du XXIe siècle ? « Le réchauffement climatique réorientera certains flux touristiques, même s’il est compliqué d’anticiper au profit de quelles destinations », avance avec prudence Fabrice Del Taglia. Ainsi, les destinations « froides » comme la Norvège, la Suède, la Finlande et le Groenland pourraient tirer leur épingle du jeu. Même constat pour l’Irlande, l’Écosse, l’Europe centrale et les Alpes.
La mode du tourisme Erasmus ?
L’auteur Thibaut Labey imagine, lui, la fin des séjours « all inclusive », des circuits accompagnés et la fin des voyages sans réciprocité. À l’image d’un étudiant Erasmus qui part étudier ailleurs grâce aux partenariats entre deux universités, Thibaut Labey fait le pari d’une autre façon de voyager en 2075. « Si je pars au Cambodge, un Cambodgien vient en France. Si je pars avec un projet pour contribuer là-bas, je laisse une place pour quelqu’un qui viendra contribuer ici », croit-il.
L’empreinte de chaque kilomètre pèsera si lourd qu’un seul déplacement deviendra un événement
Jacques Attali
Selon lui, le monde sera divisé en plusieurs blocs distincts et un citoyen pourra quitter son bloc, « une seule fois dans sa vie » pour un séjour d’au moins neuf mois dans une autre partie du monde. L’écrivain Jacques Attali confirme cette sacralisation du voyage : « Chaque voyage deviendra rare comme un serment, lourd comme une responsabilité, léger comme une déclaration d’amour ». D’après l’intellectuel, « le voyage‐spectacle, jetable et carbonifère, appartiendra au passé. L’empreinte de chaque kilomètre pèsera si lourd qu’un seul déplacement deviendra un événement ». « En 2075 on voyage moins mais on voyage mieux », résume l’auteur Thibaut Labey.