Sa parole dans les médias est rare. Pourtant, après le report du match Toulon – La Rochelle, prévu dimanche à 21 h 05, Jessica Casanova, directrice générale au Rugby club toulonnais, a accepté de détailler les coulisses de cette soirée. En poste depuis le 26 juillet 2024, et désormais élue comme vice-présidente à la Ligue nationale de rugby (LNR), elle est le relais immédiat de Bernard Lemaitre, président du RCT. Vigilance orange, prévisions, report tardif, Mayol sous l’eau, inquiétude et incompréhension, elle répond.

Côté club, comment s’organise une journée de réception en vigilance orange ?
On était sur le pont dès 10 h du matin. On savait qu’il devait y avoir un épisode pluvieux, de 18 h à minuit, pile pendant la fan zone et le match. Mais, à ce moment-là, Météo France nous dit qu’il va tomber 9 millimètres par bloc d’une heure, et le prévisionniste de la Ligue nous annonce 15 mm. Ce qui est parfaitement absorbable et, je le répète, pas du tout alarmant à cet instant.
Une réunion a été organisée, à 15 h, en préfecture pour décider du maintien de la rencontre…
Sur cette réunion, il y avait le club, la préfecture et la mairie. Justement, en anticipation, et puisque l’épisode était prévu de 18 h à minuit, on a décidé d’annuler la fan zone. Des mesures ont également été prises par la mairie concernant les parkings. Aux alentours de 15 h, on avait des indicateurs qui variaient entre 9 et 15 mm, pas plus. Encore mieux, à partir de 18 h, les prévisionnistes nous ont transmis des informations qui s’amélioraient. L’épisode pluvieux devait être serré entre 21 h et 21 h 30. C’était presque rassurant. Et, finalement, toutes ces prévisions ont changé à partir de 20 h 30. Là, on a vu que le temps tournait. Et, surtout, de base, contrairement à Marseille, chez nous, l’orage ne devait pas être stationnaire. Personne ne pouvait savoir s’il allait tomber en mer ou directement sur la ville.
En plus d’être stationnaire, il a été bien plus long que prévu…
On a fait les relevés lundi avec la Ligue. Il est tombé 47 mm sur le bloc 21 h-22 h et 48 mm de 22 h à 23 h, soit 95 mm. Ce qui est énorme. Et surtout bien loin des prévisions ! Dimanche, à 20 h 40, on a bien vu que ça commençait à tomber de plus en plus fort, avec un vent tourbillonnant et des orages. C’était le plus préoccupant. À ce moment-là, j’ai discuté avec les représentants de La Rochelle et on s’est dit que ce n’était pas possible de faire jouer ce match. La tension électrique mettait en danger les joueurs. Cinq minutes avant le coup d’envoi, j’ai dit à Pierre [Mignoni] que, pour nous, les conditions n’étaient pas requises pour faire entrer les joueurs. L’arbitre a pris, en même temps, la décision d’attendre 20 minutes.
Jusqu’à, finalement, le report…
Très vite, il y a eu de l’eau partout. Des ruissellements, des coupures d’électricité, des loges inondées, le stade fuyait de partout quoi. Le préfet est descendu vers 21 h 15, il y a une discussion avec l’arbitre et Jérémy Rozier a décidé, au vu du terrain et des conditions, de reporter la rencontre. Une fois cette décision actée, il fallait s’organiser pour mettre en sécurité les 11 000 personnes dans le stade. Alors, je ne veux pas incriminer ceux qui font les prévisions météo, mais elles sont de moins en moins fiables. À aucun moment on ne nous a annoncé qu’il allait tomber 100 mm de pluie. Si on avait eu cette information, je pense que tout le monde aurait pris la décision d’annuler le match. Sauf que cette info, on ne l’a pas eue. A-t-on, aujourd’hui, avec le dérèglement climatique, de vrais outils pour prévenir ce genre de phénomène ? Je ne suis pas sûr. Le vrai débat est là.
Comprenez-vous la colère, l’incompréhension et la peur des supporters ?
Évidemment que je la comprends. Vous imaginez le danger ? Personnellement, pour avoir vécu le moment, c’était vraiment une soirée chaotique ! On s’est retrouvé dans la zone mixte avec 10 cm d’eau, les toits qui fuyaient, les vestiaires visiteurs qui fuyaient… tout était dangereux. Je suis vraiment rassuré que tout se soit finalement bien passé. Et surtout, je remercie les supporters d’avoir été à l’écoute des consignes. Le public a très bien réagi. Il n’y a pas eu d’incident.
Aujourd’hui, où en est-on à Mayol ? Qu’avez-vous à répondre quand vous voyez circuler des photos montrant des supporters avec de l’eau jusqu’aux chevilles dans les coursives ?
La pelouse a bu toute l’eau déversée puisque le lundi matin, il ne restait plus trop de flaques. Le drainage a fonctionné. Mais ce n’était pas praticable pour rejouer immédiatement, même si ça a été sérieusement évoqué par les deux clubs. Pour ce qui est du reste, on doit faire un état des lieux complet parce qu’il y a pas mal de dégâts matériels à la suite des nombreuses fuites. On reçoit Pau dans moins de 15 jours [le 4 octobre] et il faut que tout fonctionne.
Est-ce un sujet qui vous préoccupe, qui vous inquiète ?
Bien sûr, mais je pense que le sujet est sur la table. C’est en discussion avec la mairie. Mayol doit faire l’objet d’un audit complet. C’est en cours. Il faut savoir que la tribune Lafontan a été construite en 1983 et la Bonnus en 1965. Nous sommes sur des infrastructures vieillissantes. Les joints d’étanchéité ont de plus de trente ans donc, forcément, face à un épisode de cette intensité, ça fuit un peu de partout. Et c’est bien pour ça qu’il faut, en concertation avec la mairie, qu’on dispose d’un audit complet du stade. C’est nécessaire.
