Anniversaire éditorial romand –

Depuis 25 ans, art&fiction casse les codes avec ses livres

Publié aujourd’hui à 14h09Fresque colorée montrant des scènes variées de vie y compris des activités sportives, des paysages naturels, et des interactions humaines.

Parmi les propositions originales de la maison art&fiction, une réinterprétation picturale de la «Divine comédie» de Dante intitulée «Divine chromatie».

PHILIPPE FRETZ

En bref:

  • La maison d’édition art&fiction célèbre 25 ans d’innovations dans l’édition romande.
  • L’éditeur lausannois mêle habilement art et littérature dans ses publications atypiques.
  • Les prix littéraires suisses récompensent régulièrement les œuvres d’art&fiction depuis 2017.
  • L’équipe éditoriale crée des prototypes uniques à la frontière des genres.

Avec 450 titres en un quart de siècle, deux Prix suisses de littérature, un autre pour «le plus beau livre du monde», art&fiction se trouve bien installé dans le paysage éditorial romand… tout en y occupant une place complètement à part.

Toujours différents, les ouvrages de l’éditeur implanté à Lausanne partagent une indéfinissable patte. Comme une fidélité à l’aventure née au tournant du siècle dans l’esprit d’une petite bande d’amis, réunis pour concevoir des livres d’artistes. «On travaillait avec une imprimante de bureau, on pliait nous-mêmes et on distribuait nos publications à un cercle d’amis», se souvient Stéphane Fretz, éditeur présent dès les débuts avec Christian Pellet.

Homme barbu avec lunettes et costume sombre assis sur une table en bois, intérieur avec cadres au mur.

Stéphane Fretz fait partie des cofondateurs de la maison art&fiction qui sont toujours de l’aventure, avec Christian Pellet.

Olivier Christinat

Parmi les moments importants, il se remémore l’installation à la rue des Échelettes en 2006, où éclosent des éditions précieuses élaborées en collaboration avec des relieuses. Puis, en 2010, sous l’impulsion d’un comité renforcé, deux ouvrages successifs proposent un état du livre d’artistes en Suisse, avec plus de 100 invités, doublé d’une exposition d’un mois à Genève. Peu après vient la mise à disposition des ouvrages en librairie, jusqu’alors épisodique. «Même si elle existait déjà, c’est là que notre entrée en littérature a été remarquée.»

Et ce n’est que le début. En 2017 vient un premier Prix suisse de littérature, pour «Inventaire des lieux» de la Genevoise Laurence Boissier. «On ne s’y attendait pas, car ce texte a été publié dans la collection Pacific, aux formes très variées, mais qui tend plutôt vers le livre d’artiste». La différence entre livre d’artiste et littérature n’est d’ailleurs pas si évidente pour l’éditeur: «On a plutôt l’impression d’être dans un hybride situé dans l’esperluette entre art et fiction.»

Cinq personnes posent devant Le Kiosque d’art&fiction à Lausanne pour célébrer les 20 ans de publications de livres d’art.

Art&fiction lors de ses 20 ans, avec une partie de l’équipe toujours présente aujourd’hui. De gauche à droite: Véronique Pittori, Stéphane Fretz, Philippe Fretz, Marie Walpen et Christian Pellet.

Odile Meylan

Les prix arrivent d’ailleurs de part et d’autre de l’esperluette: d’un côté, la «Goldene Letter 2020», soit le prix du «plus beau livre du monde» pour l’«Almanach Ecart», coédité avec la HEAD à Genève. De l’autre, un deuxième Prix suisse de littérature en 2022 pour «Émail diamant», de la Fribourgeoise Fabienne Radi.

À l’heure de fêter ses 25 ans, son comité d’artistes d’une petite dizaine de personnes s’est diversifié, avec des collectionneurs, historiens de l’art, ou une recrue de l’Institut littéraire à Bienne. Si la maison dépend des subsides, la part des ventes qui a augmenté ces dernières années, notamment grâce aux écrits de Laurence Boissier, a permis de salarier l’équivalent de trois plein temps, répartis entre cinq personnes.

Art&fiction, l’amour des prototypes

Peut-on tout de même définir les ouvrages insolites qui en résultent? «C’est difficile, parce que c’est très varié. Même si on a une ou deux collections stables, on conçoit plutôt des prototypes, des premières de tout.» La plupart de leurs ouvrages sont écrits par des artistes, ou ont toujours un rapport avec l’art. «Même s’il s’agit de purs écrivains, ils arrivent chez nous avec un projet atypique.» Comme Jacques Roman écrivant sur la Joconde, ou «Pénurie», un texte de Jérôme Meizoz retranscrit à la plume par le peintre Zivo.

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Autre singularité: «On essaye de faire passer l’idée que le travail éditorial peut être fait comme si on préparait une œuvre d’art, avec le projet d’archiver pour le futur ce qu’il y avait dans la tête des artistes d’ici entre les années 2000 et 2025.» Cela donne des ouvrages parfois difficiles à mettre en avant en librairie. Or exister au rayon littéraire est essentiel. «Les livres du rayon arts sont plus confidentiels. Donc on aimerait être au rayon littérature, mais en cassant les bordures.»

Six livres marquants publiés par art&fictionLittératureCouverture du livre «Histoire d’un soulèvement» de Laurence Boissier, avec un motif abstrait rouge et bleu.

Si la Genevoise disparue en 2022 a reçu un Prix suisse de littérature pour «Inventaire des lieux» en 2017, c’est «Histoire d’un soulèvement» qui l’a fait connaître du grand public en 2020. Le récit mêle petites vicissitudes de la randonnée en montagne et formation des Alpes, avec un regard de biais cher à l’autrice, où voisinent finesse et humour.

Illustration abstraite en bleu et blanc avec texte: «Céline Cerny, Line Marquis, Le feu et les oiseaux, Talisman pour le monde qui viendra».

Ce talisman littéraire fait dialoguer la poésie en prose de Céline Cerny et les peintures de Line Marquis, imaginant un futur doux dépouillé des oripeaux du présent, avec un lien apaisé avec la nature, des femmes et des hommes égaux, la possibilité d’aimer qui l’on souhaite, et des mots garants d’immortalité.

Couverture du livre «Gêne et confusion» de Fabienne Radi, avec fond bleu et texte flou en blanc et rouge.

Après «Émail diamant», Fabienne Radi propose des chroniques formant un facétieux catalogue de situations gênantes, du léger embarras à la honte. Racontés avec un ton décalé autant qu’imprégné d’un regard d’artiste, mélangeant genres et formats, les chapitres se traversent le sourire aux lèvres.

ArtPortrait d’une femme en robe rose tenant un tuyau d’arrosage avec «L’art come-back!» écrit en vert.

Sorti en parallèle à l’exposition au Musée de Pully, à voir jusqu’au 14 décembre, l’ouvrage propose le portrait détaillé d’une nouvelle scène artistique largement féminine qui revient à la figuration, avec une trentaine de créatrices de générations différentes.

Couverture du livre «Après l’averse» par Nicolas Fournier et Antoine Jaccoud, avec un paysage enneigé et texte blanc sur fond bleu.

Autre livre représentatif de la façon de fonctionner de la maison, le volume lie le travail du peintre Nicolas Fournier à une nouvelle d’Antoine Jaccoud. Ce qui aurait pu être un catalogue d’artiste devient un roman illustré mettant en valeur tant le récit que la peinture.

Couverture du livre «Divine chromatie» de Philippe Fretz, montrant une illustration colorée et détaillée d’un paysage architectural avec des arbres et des bâtiments, publié par art&fiction.

Une planche de la «Divine chromatie» de Philippe Fretz.

PHILIPPPE FRETZ

Le livre de Philippe Fretz, frère de Stéphane, présente une peinture monumentale de la «Divine comédie» de Dante. Son originalité? Offrir une vision synoptique de tout le poème, avec le trajet dans les trois univers, purgatoire, enfer et paradis, sur une même image. Sans oublier une réflexion sur les effets physiques de la lumière.

Plus sur art&fiction

Caroline Rieder est journaliste à la rubrique culture et société depuis 2013. Elle s’occupe en particulier de la littérature romande et francophone, mais se penche aussi avec intérêt sur la BD, les romans graphiques, la littérature jeunesse, et divers sujets culturels et sociétaux.@caroline_rieder

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