L’homme au bouc argenté lève son fusil-mitrailleur, une bande de cartouches bien visible à l’écran. Johnny Mulford se prend en selfie, sourire aux lèvres, en ce jour de 2020. Un casque antibruit pèse sur sa casquette « Trump ». Sur une autre photo, il pose torse nu. Des croix, des boucliers et des épées recouvrent ses bras et ses pectoraux.

Un étrange groupe de motards américains se retrouve pointé du doigt, ce mois-ci, pour son rôle à des milliers de kilomètres des États-Unis. Le Infidels Motorcycle Club est soupçonné d’avoir investi une société de sécurité privée officiant dans… la bande de Gaza.

En tout, une quarantaine de ses membres superviseraient l’acheminement de l’aide humanitaire dans l’enclave palestinienne, en proie au chaos et au désespoir. Sur les réseaux sociaux, ces hommes armés posent devant une banderole détournant le célèbre slogan de Donald Trump. « Make Gaza Great Again », « Rendons sa grandeur à Gaza », proclament-ils.

VidéoIsraël : ces militants qui protègent les convois humanitaires des attaques de collectifs d’extrême droite

Johnny Mulford, dit « Taz », opérerait à la tête de ce réseau mis au jour par une enquête de la BBC. Ce vétéran des Marines et de l’armée de terre aurait cofondé le Infidels MC en 2006. « Comme beaucoup de ceux qui reviennent de mission, nous cherchions la camaraderie et le sens de la mission que l’armée nous avait offerts », retrace le groupe sur Facebook.

Un barbecue de porc organisé pendant le ramadan

Très vite, la politique imprègne les virées de ces frères d’armes marqués par leurs passages en Irak ou en Afghanistan. Saillies racistes et théories complotistes pullulent sur les réseaux sociaux de la confrérie. Chaque blague transpire la haine des musulmans.

En 2015, le groupe organise un barbecue de porc en plein ramadan. Ses gilets de cuir et ses tee-shirts arborent le nombre 1095, l’année de la première croisade. Le site du groupe vante « une campagne militaire menée par les forces d’Europe occidentale pour reprendre Jérusalem et la Terre Sainte aux mains des musulmans ».

Cet imaginaire, prisé de cercles d’extrême droite aux États-Unis, va s’inviter dans la réalité du gang de bikers. En mai, Taz poste un message énigmatique sur sa page personnelle. « Si vous savez toujours tirer, vous déplacer et communiquer et que vous pouvez partir dans les 12 heures, écrivez-moi », écrit l’Américain.

Un petit groupe rejoint alors UG Solutions. Cette société fait partie des entreprises choisies pour assurer la sécurité de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), seul organisme autorisé par les États-Unis et Israël à acheminer l’aide humanitaire dans le territoire palestinien.

Des centaines de morts pour 1 000 dollars par jour

Contactée par la BBC, la société UGS, basée en Caroline du Nord (États-Unis), assure qu’elle ne choisit pas ses recrues en fonction de leurs « passe-temps personnels » ou de leurs « affiliations » politiques. « Cela revient à confier la livraison de l’aide humanitaire pour le Soudan au Ku Klux Klan, s’étrangle Edward Ahmed Mitchell, directeur adjoint du CAIR, une organisation de défense des droits civiques aux États-Unis. Cela ne pouvait que conduire à la violence. »

Ces opérations sont particulièrement décriées. Des centaines de Palestiniens sont morts aux alentours des centres de distribution depuis le mois de mai. Selon la BBC, Johnny Mulford dirigerait l’équipe d’UGS à Gaza. Son numéro deux, Larry « J-Rod » Jarrett, serait chargé de la logistique.

Le trésorier du club, Bill « Saint » Siebe, superviserait la sécurité de l’un des centres de la GHF. Richard « A-Tracker » Lofton, un des fondateurs du club, serait chef d’équipe dans un autre centre. De nombreux autres sympathisants les auraient rejoints. Chaque membre toucherait près de 1 000 dollars par jour. Du pain bénit pour « infidèles ».