Andrea Dovizioso est devenu pilote essayeur pour Yamaha, un rôle qu’il partage avec Augusto Fernández. Si l’Espagnol est aujourd’hui le plus sollicité, l’ancien rival de Marc Márquez est aussi une voix qui compte à Iwata à l’heure où se développe un projet ambitieux de moteur V4.

Complètement novatrice pour le constructeur japonais, historiquement fidèle au quatre cylindres en ligne, cette architecture moteur répond aux attentes maintes fois exprimées par les pilotes de la marque, qui l’ont peu à peu poussée à se caler sur l’approche de ses rivales. Fabio Quartararo a fini par être le déclencheur pour que Yamaha franchisse le pas, alors qu’approche l’échéance de son contrat et qu’il a sans ambiguïté mis dans la balance son souhait de se battre à nouveau pour les meilleurs résultats.

Quartararo, mais aussi les autres pilotes titulaires, ont récemment eu une première opportunité de tester le moteur et la machine développée pour l’accompagner, lors de deux premiers tests qui ont fait dire au Français que le chemin était encore long avant de résoudre l’ensemble des problèmes de la M1. Faisant écho à l’appel des patrons de Yamaha à la patience, Dovizioso souligne néanmoins les avancées réalisées et la bonne orientation prise par l’ensemble du projet.

Lire aussi :

« Les gens ont probablement oublié où nous étions l’année dernière », fait-il remarquer lorsqu’il évoque les difficultés qui se présentent dans cette mission. « Si on regarde les écarts que l’on subissait, on voit qu’on a fait un travail énorme, que je ne pensais même pas possible. Je passe toujours pour quelqu’un de négatif, mais avec tous les changements que l’on réalise, il est inévitable qu’il faille du temps. »

« D’ailleurs, malgré le fait que Quartararo ait signé des pole positions, dans la majeure partie des cas, on n’arrive pas à se battre jusqu’au bout parce que l’écart est trop grand. Nous ne sommes pas encore en situation de pouvoir travailler sur les détails, nous en sommes encore à restructurer l’équipe et les méthodes de travail, et ensuite il faudra tout amalgamer. Alors je crois qu’il va encore falloir du temps, mais qu’il y a les bonnes personnes et la bonne motivation chez Yamaha, et c’est pour cela que j’ai accepté un rôle aussi important. »

Les gens ont peut-être oublié où était Yamaha l’année dernière.

Par son expérience de pilote, qui plus est très intéressé par les questions techniques et longtemps impliqué dans le développement de la Ducati lorsqu’elle a retrouvé le chemin de la victoire, Andrea Dovizioso parvient à être un intermédiaire qui compte entre le ressenti brut des titulaires et la manière dont les ingénieurs doivent métaboliser les informations.

« Ça n’est plus moi le pilote [de course], mais j’arrive à comprendre l’implication émotive et pourquoi ils n’arrivent pas à être très objectifs après avoir fait cinq ou six tours dans une séance, car ils sont conditionnés par ce qu’ils ont essayé en étant sur la moto. L’ingénieur qui n’a en revanche jamais essayé quelque chose comme ça, il a du mal à comprendre certaines choses. »

« Le pilote se plaint surtout de ce qui ne fonctionne pas parce qu’il a vécu très intensément les minutes qui ont précédé. C’est compliqué de parler avec les pilotes et de faire en sorte qu’ils raisonnent de manière rationnelle, mais je dois dire que c’est fascinant de vivre cela en étant de l’autre côté. »

Andrea Dovizioso, pilote essayeur Yamaha Factory Racing

Andrea Dovizioso met aujourd’hui son expérience au service de Yamaha.

Photo de : Yamaha MotoGP

« En tout cas, les résultats que l’on a obtenus cette année sont inattendus de mon point de vue, parce qu’il y a eu une amélioration énorme, même si ça n’est pas encore ce que voudraient Yamaha et les pilotes. J’ai connu une situation comme celle-là chez Ducati, où il a fallu beaucoup de temps pour gagner, et c’est inévitable. C’est juste que c’est un peu difficile à faire comprendre. »

Une wild-card n’aurait « pas beaucoup de sens »

La participation d’Andrea Dovizioso au développement de la M1 s’inscrit dans la réorganisation de l’équipe test, initiée avec le recrutement de Cal Crutchlow. Si l’Anglais est sur la touche depuis plusieurs mois à cause d’une mauvaise blessure, Augusto Fernández a pris le relais avec un programme intense, que complète l’Italien.

Questionné sur l’éventualité d’être inscrit en tant que wild-card, Dovizioso ne dément pas être attiré, mais l’exclut néanmoins par manque de cohérence. À ses yeux, Fernández remplit parfaitement ce rôle, qu’il a eu l’occasion de tenir récemment en disputant un premier Grand Prix avec le nouveau moteur V4 développé par Iwata.

« Mes amis n’arrêtent pas de me casser les pieds parce qu’ils voudraient me revoir en piste pour une autre course. C’est logique et, d’un côté, l’envie serait bien là », avoue Andrea Dovizioso. « Quand on a passé notre accord, Yamaha aurait voulu que je fasse des courses aussi, mais j’ai dit non. Disons que ce serait bien, surtout parce que cette nouvelle moto me plaît, mais ça n’aurait pas de sens parce que je n’aurais pas la vitesse pour me battre devant. »

Andrea Dovizioso soutient la participation d'Augusto Fernandez à des Grands Prix, plutôt que la sienne.

Andrea Dovizioso soutient la participation d’Augusto Fernández à des Grands Prix, plutôt que la sienne.

Photo de : Gold and Goose Photography / LAT Images / via Getty Images

« Je roule trop peu pour pouvoir être compétitif. Il y a beaucoup de détails dont il faut prendre soin et il y a aujourd’hui tellement de courses que les autres font des chronos intéressants dès qu’ils prennent la piste. Et puis, les motos d’aujourd’hui ont été faites d’une manière un peu différente par rapport à quand je me suis arrêté, en 2021. Alors ce serait plus par envie personnelle, mais peu productif. »

« L’organisation actuelle de Yamaha est très bonne, parce qu’il y a Augusto Fernández qui fait les tests, et je dois reconnaître qu’il est très bon et qu’il est rapide. Cela a du sens de dépenser de l’argent et de l’énergie pour faire des wild-cards avec lui, parce que cela apporte plus de choses. Les contes de fées c’est toujours beau, mais disons que je ne pourrais pas être devant alors ça n’a pas beaucoup de sens. »

Propos recueillis par Matteo Nugnes

Lire aussi :