Par
Thomas Bernard
Publié le
24 sept. 2025 à 18h21
« J’avoue, je n’ai rien compris quand j’ai vu tous les camions de CRS. » La scène a surpris cet étudiant* en faculté d’Histoire, rencontré ce mercredi matin, près de la bibliothèque universitaire.
Mardi 23 septembre 2025, le campus du Tertre (réunissant les facultés de lettres et sciences humaines) a été évacué et fermé en début d’après-midi. La direction de Nantes Université a invité les étudiants à quitter les lieux après « des débordements inacceptables » constatés sur le campus. Un important dispositif policier a été mis en place autour du campus.
Un épisode étant la résultante de plusieurs moments de tensions sur le campus universitaire. Retour sur les journées mouvementées de ces dernières semaines.
Réunion annulée et assemblée générale
Une assemblée générale (AG) est organisée le mardi 23 septembre à 12h pour discuter de la suite du mouvement social du 10 et 18 septembre 2025. Une date arrêtée depuis plusieurs jours selon les protagonistes de l’AG.
Outre la suite à donner au mouvement social, les participants à l’AG évoquent la présence policière, observée la veille, le lundi 22 septembre 2025. Comme depuis près de deux ans, le collectif « Grève » organise une réunion dans un bâtiment de la faculté de Droit. Ce lundi, les policiers sont intervenus pour vider le bâtiment, empêchant la tenue de la réunion.
Selon la direction de Nantes Université, un groupe de personnes, parmi lequel figurait un étudiant expulsé pendant deux ans (dont un an ferme), aurait voulu occuper des salles sur le campus « sans avoir demandé une autorisation comme c’est habituellement la pratique ». D’où la présence des forces de l’ordre à la demande de la présidence, le lundi soir.
Lors de l’AG, il est décidé d’organiser une action au pôle étudiant, dans la foulée du rassemblement.
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« La proposition qui a été faite à l’AG, c’était d’aller dans le pôle étudiant, chanter des slogans et mettre, « un peu d’ambiance » pour montrer à la présidence qu’on était mobilisés. La façon dont ça a évolué ensuite, ce n’est pas un truc qui avait été décidé collectivement », narre Théophile Pouillot-Chévara, président de l’Union Pirate Nantes, syndicat étudiant.
Des dégradations au pôle étudiant
Peu après 13h45, alors que des participants à l’AG investissent le couloir du pôle étudiant, d’autres personnes, masquées, montent à l’étage notamment pour inscrire des tags « haineux et nominatifs ».
Des placards ont été vidés et des dossiers ont été jetés. « Des personnels de l’établissement se sont retrouvés bloqués dans leur bureau », dénonce l’université. Selon plusieurs témoignages, le bâtiment aurait été occupé pendant plus d’une quinzaine de minutes.
L’alarme anti-intrusion résonne dans les bâtiments Tertre et de droit avant que la nouvelle se diffuse sur les autres bâtiments du campus. D’après un communiqué du syndicat étudiant de l’Union nationale inter-universitaire (Uni), se revendiquant de droite, des étudiants auraient été menacés de quitter leur amphithéâtre « par des individus en noir et masqués ».

Des tags ont été inscrits dans et en dehors du pôle étudiant. « Banalisez les cours ou on prendra tout », peut-on lire, ce mercredi 24 septembre 2025. (©Thomas Bernard / actu Nantes)
« J’étais dans le bâtiment Censive pour un cours à 14h. Vers 14h10 j’ai vu plein de personnes sortir dans la rue », rembobine Chloé, étudiante en faculté de psychologie. Une dizaine de camions de CRS est déployée tout autour du pôle étudiant.
Dans la confusion, l’étudiante nantaise et ses camarades apprennent la suspension des cours pour la journée. « Il y avait plein de rumeurs, on ne savait pas trop ce qu’il se passait. On a reçu une note interne de l’Université à 14h33 pour nous expliquer la situation. »
« Au regard du risque pour les personnes et les biens, nous avons appelé le 17 et nous avons décidé de fermer l’ensemble du campus pour l’après-midi », a indiqué Carine Bernault, présidente de Nantes Université, à nos confrères du Figaro.
« Il est inacceptable que les étudiants, les chercheurs, les enseignants-chercheurs et l’ensemble des personnels soient ainsi pris en otage par une minorité violente qui ignore tout des valeurs de dialogue, de respect et de libertés académiques qui sont le fondement même de nos universités », a dénoncé sur X, Philippe Baptiste, ministre démissionnaire, chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Carine Bernault, présidente de Nantes Université a condamné les événements et la présence de tags depuis plusieurs jours. D’autres tags nominatifs et haineux avaient été constatés, dans la nuit du 18 au 19 septembre, ciblant notamment un responsable étudiant du syndicat Uni.
L’université de Nantes est soumise depuis plusieurs mois à des attaques perpétrées par une minorité d’individus. L’établissement ne peut tolérer ces agissements et se doit de protéger sa communauté.
Nantes Université
La présidente a apporté son soutien au personnel. « On a été les premiers à venir leur (le personnel du pôle étudiant, N.D.L.R.) demander comment ça se passait. Ils nous ont dit qu’ils n’ont pas mal vécu la situation du tout », précise de son côté le président de l’Union Pirate de Nantes. Le syndicat étudiant déplore « l’absence d’échanges » avec la présidence de l’université lors des événements du 23 septembre, et indique « être ouvert au dialogue ».
Modification du règlement intérieur
La journée du 23 septembre s’inscrit dans un contexte tendu entre des syndicats étudiants et la direction de l’université. La modification du règlement intérieur, à l’ordre du jour du prochain conseil d’administration de Nantes, prévu le vendredi 26 septembre, déplaît.
« Dans son projet de délibération, des poursuites disciplinaires pourraient être ainsi dorénavant engagées contre toute personne participant à un regroupement « non autorisé » au sein de l’établissement », indique l’Intersyndicale (Solidaires, Union Pirate, FSE, Sud, FSU, CGT et FO) dans un communiqué. Des étudiants participant à une AG, non déclarée dans un délai d’un mois, pourraient être sanctionnés.

L’AG a voté pour le blocus du campus Tertre, à partir de 6h30, ce jeudi 25 septembre 2025. (©Thomas Bernard / actu Nantes)
« Nous n’avons pas envie que quelqu’un se fasse singulariser pour l’action collective du groupe. C’est pour ça que les AG ne sont pas déclarées, elles sont juste annoncées publiquement. Elles se déroulent dans des endroits ouverts à toutes et tous », répond Théophile Pouillot-Chévara.
Autre article suscitant la colère des syndicats : « l’usage abusif de la liberté d’expression ».
C’est une modification du même article qui interdit au personnel et usagers de porter atteinte à la réputation de l’établissement, y compris sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas seulement une atteinte à la liberté d’expression ici ; c’est un risque aussi pour la liberté syndicale.
Intersyndicale Nantes Université
Communiqué du 18 septembre 2025
L’Uni a annoncé qu’il voterait pour cette mesure. Du côté de l’Union Pirate, on évoque « un tournant répressif grave à l’encontre de la liberté de réunion ». « Il y a une volonté d’aseptiser les débats sur la Fac », ajoute Théophile Pouillot-Chévara.
Des syndicats étudiants appellent au blocus du campus à 6h30, ce jeudi 25 septembre 2025. Un rassemblement devant la direction de Nantes Université, avant le conseil d’administration qui se tiendra le vendredi 26 septembre, est également envisagé.
*La personne concernée n’a pas souhaité donner son prénom
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