Sur l’île de la Réunion, les maladies cardiovasculaires sont un véritable fléau. Elles surviennent chez des patients plus jeunes qu’en métropole et qui consultent souvent plus tard, bien après la survenue des premiers symptômes. Un jeune chef de service de cardiologie au centre CHU nord de la Réunion, le docteur Jérôme Corré, se bat pour une meilleure prévention sur son île.

« On arrive à vélo ou à pied, on parle créole, et tout cela fait qu’on gagne en crédibilité, le message est très fort », estime-t-il. Accompagné d’infirmiers, Jean-Baptiste, Bertrand et Farah, il a réalisé au mois de juin des consultations dans trois cirques de l’île de la Réunion (à Salazie, Mafate et Cilaos), à la rencontre d’habitants qu’ils ne voient pas à l’hôpital.

Sur ses talons, Adrien Morcuende, réalisateur et responsable éditorial de CHU Média, a suivi le périple de ce soignant qui veut sensibiliser aux risques cardiovasculaires sur l’un des départements les plus touchés de France. Du souffle aux cœurs est diffusé ce mercredi 24 septembre sur Réunion la 1re, une chaîne de France TV, à 19h50. D’autres diffusions suivront.

Le département le plus touché pour les AVC

C’est en novembre 2023 que le réalisateur rencontre Jérôme Corré, et ce dernier lui dresse alors un état des lieux préoccupant sur les maladies cardiovasculaires à la Réunion. Des pathologies qui surviennent cinq à dix ans en moyenne plus tôt qu’en métropole. « Un infarctus chez les moins de 40 ans, ici, c’est tous les 10 jours. A Bordeaux, où j’ai travaillé précédemment, c’était un seul par mois. A la Réunion, c’est extrêmement banalisé, c’est très choquant ».

Il s’agit du département français le plus touché pour les AVC et l’insuffisance cardiaque, et parmi ceux les plus concernés en ce qui concerne l’infarctus du myocarde. Comment expliquer cette prévalence des maladies cardiovasculaires sur l’île ?

De puissants facteurs de risque

Le docteur Corré estime que l’hypertension est encore assez négligée au sein de la population. Dans le documentaire, il relève des tensions très élevées, notamment à Salazie et Cilaos. La population présente une fragilité génétique, imputable à son métissage, concernant l’hypertension mais aussi le diabète. Autant de puissants facteurs de risques des maladies cardiovasculaires.

« A la Réunion, on trouve des déserts médicaux un peu partout et les habitants, par un effet de leur culture, n’ont pas la volonté d’être médicalisés », pointe aussi le docteur Jérôme Corré. « On voit que la culture du soin n’est pas la même. Les habitants attendent souvent le dernier moment pour venir. Comme cette patiente du documentaire qui hésite à quitter la salle d’attente bondée. Finalement, elle a attendu et elle a bien fait : elle était au bord de l’infarctus », ajoute Adrien Morcuende. D’autres facteurs pénalisant comme l’obésité, la sédentarité (toutes les deux un peu plus marquées qu’en métropole) et la consommation d’alcool entrent aussi en ligne de compte.

« Personne ne s’occupe d’eux »

Par ailleurs, la population locale est éloignée des messages de sensibilisation contre les maladies cardiovasculaires. Le docteur Corré s’est donc démené auprès de l’Agence régionale de santé pour lancer pour la première fois, en septembre, le mois du cœur. « Il y a 60 actions de sensibilisation sur le territoire, deux marches du cœur, des conférences, des spots en français et en créole, des ateliers culinaires… c’est un niveau de prévention inédit », souligne-t-il.

Salazie est l’une des communes les plus exposées de France à l’hypertension puisqu’elle touche 50 à 80 % de la population. « C’est incroyable ! Les consultations sont très rentables au sens où presque toute la population est hypertendue, commente le docteur Jérôme Corré. Et cela passe sous les radars, personne ne s’occupe d’eux. »

Il martèle trois messages de prévention : bouger tous les jours, manger moins de sel, et ne pas fumer. « De bonnes habitudes qui procurent 80 % de chances d’être en bonne santé. Ça vaut le coup ! »

Au-delà du périple dans les cirques relaté dans le documentaire, il veut démultiplier les actions, notamment avec les cabinets libéraux.

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Il faudra patienter une dizaine d’années pour mesurer les effets positifs de ces actions de prévention au sein de la population, mais le Dr Corré y met déjà tout son cœur.