La mosquée des Bleuets, située dans les quartiers nord, et son imam Smaïn Bendjilali ont annoncé se préparer à contester devant le tribunal administratif l’arrêté de fermeture du lieu de culte que pourrait prendre le préfet des Bouches-du-Rhône Georges-François Leclerc.

Le débat pourrait désormais se dérouler devant la justice. Ce mercredi soir, lors d’une conférence de presse, l’avocat de la mosquée des Bleuets de Marseille, Me Sefen Guez Guez, a annoncé se préparer à contester devant le tribunal administratif de Marseille l’arrêté de fermeture de ce lieu de culte des quartiers nord.

Cette mosquée du 13e arrondissement est de nouveau menacée de fermeture par les autorités, qui estiment que l’imam qui y officie «reste ancré dans des théories radicales». Il y a un an, la préfecture de police des Bouches-du-Rhône avait déjà menacé de fermer cette mosquée. L’imam avait alors promis de passer un diplôme sur la laïcité, permettant à celle-ci de rester ouverte.


Passer la publicité

Condamné pour apologie du terrorisme

Depuis, l’imam Ismaïl, Smaïn Bendjilali de son vrai nom, a validé son diplôme universitaire et a repris ses fonctions au sein de la mosquée en mai. Il venait alors d’être condamné pour apologie du terrorisme par le tribunal correctionnel de Marseille à six mois de prison avec sursis pour avoir retweeté un post sur X en lien avec l’attaque du 7 octobre 2023 en Israël. Un appel est en cours.

Il n’avait en revanche pas été condamné à une interdiction définitive d’exercer en tant que salarié au sein de la mosquée des Bleuets, comme l’avait demandé le parquet. Populaire dans les quartiers nord, il serait «de sensibilité plutôt salafiste mais usant des codes du frérisme» et «jouit d’une grande popularité auprès des jeunes musulmans en raison notamment de sa maîtrise des réseaux sociaux», selon un récent rapport sur les Frères musulmans.

Publications «appelant à la haine et à la violence»

Dans un courrier du 15 septembre, dont l’AFP a obtenu copie, la préfète déléguée à la police dans les Bouches-du-Rhône dit «envisager la fermeture temporaire» de la mosquée. Selon les autorités, des publications «appelant à la haine, à la violence ou à la discrimination», qui avaient déjà été pointées du doigt il y a un an, sont toujours en ligne. Pour elle, l’imam «poursuit sa défense d’une pratique radicale de l’islam, qui instaure un terreau propice à la commission d’actes violents».

Le courrier mentionne aussi une plus récente publication Facebook, datant de mai, faisant référence à un ouvrage «prisé de la mouvance salafo-frériste», selon la préfecture. Enfin «la reprise effective de ses fonctions d’imam au lendemain de sa condamnation pour apologie du terrorisme constitue un élément majeur conduisant à devoir engager une nouvelle procédure contradictoire».

«Au nom de quel titre le préfet considère qu’il a la légitimité de dire quelle est la bonne pratique du dogme ? s’interroge Me Rafik Chekkat, avocat de l’imam. Cette décision a, de plus, été prise en l’absence totale de concertation. Il n’y a pas de politique de la carotte et du bâton. C’est tout de suite le bâton. On reproche également les prises de position politique de l’imam, qui a employé l’expression d’islamophobie d’État comme si c’était un crime, et son positionnement sur la Palestine.»


Passer la publicité

Absence de dialogue

Selon Me Rafik Chekkat, le préfet des Bouches-du-Rhône a notifié la semaine dernière un arrêté de préfecture de la mosquée des Bleuets en se fondant sur un article sur la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905, qui prévoit la fermeture d’un lieu de culte qui propagerait des discours incitant à la haine. La fermeture serait alors d’une durée de deux mois. À la suite de cette notification s’ouvre ensuite une période de discussion avec la préfecture d’une durée de dix jours. Or, contrairement à l’an dernier, où une rencontre avec les services de l’État avait été organisée, la mosquée entend cette fois adopter une stratégie plus offensive. «Il n’est pas prévu d’entamer un dialogue avec le préfet, explique Me Guez Guez. Nous allons faire part d’observations par écrit, mais nous avons l’intention d’aller au bout de notre démarche.»

Le préfet pourrait prendre un arrêté de fermeture à partir du 28 septembre prochain. Ensuite, la mosquée, l’imam et les fidèles entendent déposer un référé-liberté devant le tribunal administratif de Marseille dans les 48 heures. «Nous avons commencé à travailler sur cette procédure», confirme Me Guez Guez, qui dénonce une «faiblesse argumentaire» et une mesure «politique». «Il n’y a pas une seule ligne dans cette notification d’arrêté de fermeture sur les prêches tenus par l’imam, souligne l’avocat. On veut fermer essentiellement sur la base de publications sur les réseaux sociaux. Le projet de fermeture sera très certainement prononcé par le préfet car il y a une mission politique derrière. Il ne faut pas déconsidérer les ambitions de carrière des uns et des autres.»

Plus tôt, dans une mosquée où de nombreux fidèles étaient venus en soutien à l’imam, Me Guez Guez avait rappelé le fait que l’actuel préfet des Bouches-du-Rhône, Georges-François Leclerc, avait retiré le contrat d’association avec l’État du lycée musulman Averroès de Lille lorsqu’il était préfet du Nord, en 2023. Finalement, le tribunal administratif lui avait donné tort, rétablissant en avril le contrat d’association. «Le préfet et le gouvernement veulent la peau de notre imam», accuse Me Sarah Cuzin, avocate des fidèles de la mosquée. «Le gouvernement veut domestiquer l’imam Ismaïl», poursuit l’avocate. «Le gouvernement veut un Islam aux ordres, abonde Me Chekkat. Si l’imam avait appelé à voter Emmanuel Macron, on n’en serait pas là.»

Bras de fer avec l’État

Mais, si l’imam s’était mis en retrait l’an dernier, l’option semble exclue cette fois-ci. «L’idée d’un départ de l’imam des Bleuets est rejetée par tous les fidèles, y compris du conseil départemental du culte musulman qui est solidaire de la mosquée des Bleuets», confirme Me Chekkat sous les applaudissements des fidèles présents dans la salle de prière. «Il faut engager un bras de fer avec l’État», poursuit l’avocat. Avant cette conférence de presse, un rassemblement avait été organisé en soutien à la mosquée. «Les Bleuets ne sont pas une colonie, lance le député LFI des quartiers nord de Marseille, Sébastien Delogu, venu soutenir l’initiative. C’est terminé le temps des punitions collectives. S’il y a un problème avec l’imam, c’est à la justice de le régler.»

«Je voudrais que le maire s’exprime à ce sujet, tacle celui qui se prépare à briguer la mairie de Marseille, actuellement dirigée par Benoît Payan. Il y a une pression du préfet sur ce dossier et il est grand temps que le maire prenne la parole sur le sujet.» «Des actes individuels ne doivent pas pénaliser toute une communauté, lance Nouriati Djambae, conseillère municipale déléguée EELV de la majorité de Benoît Payan. Il faut aussi rappeler que ce lieu s’est substitué au devoir de l’État pendant la crise du Covid en venant en aide aux plus fragiles. Il faut donc interpeller les individus en cause, pas la mosquée.» Contactée, la préfecture a indiqué prévoir prochainement de communiquer sur le sujet.