David Medioni, journaliste indépendant et co-directeur de l’Observatoire des médias à la Fondation Jean-Jaurès, sera aujourd’hui au Festival de l’info locale.

La fatigue informationnelle, vous la définissez comment et vous la faites remonter à quand ?

On peut la définir comme la dictature de flux informationnel, une surabondance d’infos, déversées de façon continuelle et de façon désordonnée. Aujourd’hui, malgré une masse d’informations, qui n’a jamais été atteinte, l’accès à la connaissance n’a jamais été aussi grand et on peine à comprendre le monde. Cette surabondance nous empêche de métaboliser l’info et de la comprendre. Le terme est apparu assez récemment. Avant, on parlait d’infobésité, de surinformation ou de mésinformation. Le concept a été forgé en 2022

Cette « fatigue » constitue-t-elle un danger pour la démocratie ?

Oui, absolument ! L’info fiable, vérifiée, professionnelle, permet de mieux comprendre les enjeux contemporains, géopolitiques, économiques ou scientifiques. C’est ce qui permet de sortir de la radicalisation. On assiste à un exode informationnel. Une partie des Français ont décidé de s’exiler, soit pour ne plus s’informer, soit, de façon plus radicale, pour aller sur des terres informationnelles alternatives et/ou complotistes.

Comment lutter contre cette fatigue informationnelle, et les risques qu’elle fait peser ?

À plusieurs niveaux. À l’échelle individuelle d’abord, en prenant conscience de cette fatigue et de ce que j’appelle le « bilan carbone informationnel ». Il faut mesurer à quel point ça nous impacte. Ceux qui ont accès aux médias doivent, eux aussi, se montrer plus économes dans leur usage de la parole. Je crois aussi qu’il faudrait mener une campagne de santé publique sur la fatigue informationnelle, ainsi qu’une véritable éducation aux médias, du CE2 à la terminale. À l’école, on forme de futurs citoyens. Ils doivent comprendre les codes et les vices, voire les stratégies de manipulation à l’œuvre. Enfin, les médias eux-mêmes doivent sortir d’une logique de flux et de breaking news qui entretient une logique de « passion triste ». Il faut réinventer des formats, afin de renouer le dialogue avec ceux qui ont déserté l’info ou qui sont fatigués par cette abondance d’infos.

Ce jeudi, de18 h à 19 h 30, Mediacampus, 41, rue de la Prairie au Duc, à Nantes, salle Grue jaune, Grand débat Ras-le-bol des médias : comment y remédier ?