À la barre des prévenus ce mercredi 24 septembre 2025, le maire de Saint-Étienne Gaël Perdriau, jugé pour chantage à la sextape, explique avec pédagogie la politique ou le budget municipal, mais perd un peu de sa contenance face à un enregistrement de ses propres mots.

L’édile de 53 ans, exclu des Républicains, est soupçonné d’avoir muselé son ancien Premier adjoint et rival, le centriste Gilles Artigues, avec une vidéo intime, et d’avoir financé le piège avec des fonds publics. Il réfute vivement ces accusations, admettant tout juste avoir eu connaissance de l’existence d’un film montrant Gilles Artigues avec un homme dans une chambre d’hôtel, réalisé en janvier 2015 par d’anciens membres de son entourage.

Sauf qu’en novembre 2017, il a clairement menacé son Premier adjoint de diffuser ces images, sans savoir que ce dernier l’enregistrait. La bande-son de l’échange a été produite mercredi par le tribunal correctionnel de Lyon. « Une fois que c’est sur les réseaux, ce n’est plus du chantage », l’entend-on dire dans cette conversation animée.

Gaël Perdriau semble par ailleurs très au courant de l’existence d’un montage ne comportant que des extraits de la scène compromettante : « Ça, c’est peut-être une mise en scène, mais le film complet, ce n’est pas une mise en scène ». Quand Gilles Artigues lui demande s’il est le commanditaire, le maire répond sans détour : « Absolument pas ». Mais il ajoute tout de même : « On m’a remis une clé USB où il y avait à voir, tout ce qu’il y avait à voir… »

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Des menaces mais pas de chantage

Confonté à ce document accablant, Gaël Perdriau déroule ses arguments. D’abord, quand il dit avoir la clé USB, il « bluffe » dans le cadre d’un rapport de force avec Gilles Artigues, explique-t-il. Ensuite, ses mots ont « dépassé sa pensée » parce qu’il est « en colère » contre son premier adjoint, accusé d’être déloyal. Au passage, il égratigne Gilles Artigues « et ses positions très dures sur le mariage pour tous alors qu’il a cette attirance » pour les hommes.

À la présidente du tribunal, Brigitte Vernay, qui le recadre, Gaël Perdriau reconnaît que ses propos datant de 2017 ne sont « pas glorieux ». Il admet aussi qu’il y a bien eu « menace, oui. Mais du chantage, non ! Il n’y a pas de contrepartie demandée. »

Gilles Artigues, qui a déposé plainte pour chantage aggravé une fois la vidéo révélée par Mediapart en 2022, soutient qu’il a été obligé de mettre en sourdine ses ambitions sous peine de voir ce film révéler. Gaël Perdriau, lui, assure que son premier adjoint n’a jamais été brimé. À la fin de leur échange, il lui lance pourtant : « Tu me fais chier avec ton existence politique propre ».

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« Numéro d’équilibriste »

Les débats ont ensuite abordé un autre élément délicat : le versement en 2014 et 2015 de deux subventions de 20 000 €, prises sur la réserve du maire, à des associations qui les ont ensuite reversées à l’auteur principal du piège, Gilles Rossary-Lenglet. Leur montant a semblé « exceptionnel » à la présidente du tribunal, qui a rappelé qu’en moyenne les subventions attribuées sur cette réserve étaient de 1 688 € en 2014.

La magistrate s’est également interrogée sur le caractère « dérogatoire » et rapide de la procédure d’attribution, ce qui a entraîné de longues explications de Gaël Perdriau sur le fonctionnement du budget municipal. « Il répond bien, mais il répond à côté », a ironisé à la suspension d’audience l’avocat des parties civiles, André Buffard, en vantant son « numéro d’équilibriste ».

Gaël Perdriau encourt dix ans de prison et une peine d’inéligibilité. Le procès durera jusqu’au lundi 29 septembre et le jugement sera sans doute mis en délibéré.