Avant une tournée anniversaire wallonne, Hooverphonic se produit à guichets fermés ces 26 et 27 septembre à l’Ancienne Belgique. Le groupe, qui a retrouvé sa chanteuse emblématique Geike Arnaert, y jouera l’intégralité de The Magnificent Tree, son album de référence sorti en 2000 décliné aujourd’hui dans une version orchestrale : The Magnificent Live With Strings (Sony Belgium). On souffle les bougies avec Alex Callier.

 Attert propose une belle affiche avec Hooverphonic et bien d’autres artistes.Hooverphonic, depuis 30 ans, Prozac de la pop belge ©ÉdA

Un journaliste flamand a écrit qu’Hooverphonic était le « Prozac de la pop belge ». Comment vous le prenez ?

Je ne sais pas si ce journaliste a dit ça pour se moquer mais je le prends pour un compliment. Lors de notre première tournée aux États-Unis, en 1996, une dame âgée est venue me voir à l’issue d’un concert. « Votre chanson « 2Wicky » m’a aidée à combattre la dépression. J’étais au fond du trou et elle m’a fait remonter à la surface. » Voici deux ans, on jouait à Bucarest. Une jeune Ukrainienne, qui avait fui les combats dans son pays, a expliqué à notre chanteuse Geike qu’elle écoutait Hooverphonic pour que le cauchemar s’arrête dans sa tête. Alors oui, je valide cette comparaison. C’est même mon Prozac à moi.

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Votre remède à la déprime ?

Je suis tombé en dépression au début du Covid. Tous nos concerts étaient annulés… sauf en France où il y avait encore trois dates qui restaient programmées dans des petites salles début décembre 2021. Sur un plan logistique, c’était assez compliqué d’honorer ces concerts. Je ne voulais pas y aller. Je n’avais plus la flamme. Je ne trouvais même pas l’inspiration pour créer des choses en studio. Mon épouse et mon psy m’ont presque forcé à me rendre en France. Le soir du dernier show, j’avais oublié ma dépression. Quand les lumières se sont allumées, je suis venu remercier le public. J’étais en larmes. Je me rappelle avoir dit : « Vous êtes mon Prozac. »

Dès votre premier album « A New Stereophonic Sound Spectacular » en 1996, vous avez imposé une signature sonore identifiable. Est-ce la raison pour laquelle vous êtes toujours là trente ans plus tard ?

C’est assez paradoxal. Je me bats toujours pour effacer l’un ou l’autre ingrédient de cette signature et c’est toujours là : sur chaque album, quasi sur chaque chanson. Cet ADN est une combinaison de toutes mes influences. À l’âge de seize ans, j’ai une petite amie qui se prénomme Manon. Pour me faire rougie, mon père me passe en boucle la chanson « Manon » de Serge Gainsbourg. Coup de foudre ! J’ai oublié ce premier amour de jeunesse mais jamais les arrangements de cordes de Gainsbourg. Il y a aussi le son de Hank Marvin, le guitariste du groupe anglais Shadows, les soundtracks des films de James Bond, Ennio Morricone et aussi Blue Lines, le premier album de Massive Attack en 91. J’ai absorbé ces références pour créer l’identité musicale de Hooverphonic.

Hooverphonic a connu six chanteuses différentes en trente ans. C’est quoi votre problème ?

Il faudrait leur poser la question. Ce sont elles qui ont pris la décision de quitter le groupe, souvent pour tenter une carrière solo. Est-ce que c’est facile de travailler avec moi ? Peut-être que non… Je suis le compositeur et le chef d’orchestre de Hooverphonic. Je suis passionné, direct mais honnête. Je dis les choses comme je les ressens et puis je passe à autre chose. Pour quelqu’un qui ne fonctionne pas comme ça, c’est compliqué.

Pour marquer le 25e anniversaire de « The Magnificent Tree », vous en proposez une version live enrichie d’un ensemble de cordes ? C’est votre disque de référence ?

Grâce à l’utilisation du single « 2Wicky » dans le film Beauté volée de Bernardo Bertolucci, notre premier album A New Stereophonic Sound Spectacular, en 1996, a eu du retentissement à l’étranger. Mais c’est The Magnificent Tree, en 2000, qui a validé cette notoriété internationale. C’est notre plus gros succès commercial (340 000 exemplaires vendus, NdlR). Il nous a permis de partir en tournée mondiale avec Massive Attack. The Magnificent Tree incarne aussi l’arrivée dans le groupe de Geike Arnaert, même si elle chantait déjà sur la tournée qui a précédé. Et puis le disque abrite « Mad About You », la chanson préférée des fans. On la joue à chaque concert.

Classique parmi les classiques, « Mad About You » ne ressemble à rien d’autre. Comment est-elle née ?

Le texte parle d’un amour impossible. J’ai ressenti un « crush » platonique pour l’Anglaise Cathy Denis (auteure des tubes « Toxic » pour Britney Spears et « Can’t Get You Out Of My Head » pour Kylie Minogue) quand je l’ai rencontrée lors d’un atelier d’écriture en Angleterre en 1998. Musicalement, « Mad About You » est la somme de tout ce qui ne fonctionne pas ensemble : une chanson bluesy dans sa structure, un beat new-wave minimaliste, des cordes hollywoodiennes… Et la voix de Geike, presque en mode folk, qui vient tout emporter. Parmi nos titres les plus écoutés sur Spotify, il y a trois versions différentes de « Mad About You » : l’originale, sa relecture acoustique et une autre avec un orchestre symphonique.

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« The Magnificent Tree » est l’album préféré des fans. Est-ce aussi le vôtre ?

J’ai toujours eu une préférence pour notre deuxième disque Blue Wonder Power Milk, sorti en 1998. Les critiques étaient mitigées, car on s’éloignait du son trip-hop du premier album. Il n’a pas trop bien fonctionné auprès du public. Mais, pour moi, c’est l’album où les ingrédients qui font l’ADN de Hooverphonic sont les mieux équilibrés. Les cordes, la voix, la guitare, la basse : tout est à sa place. « Eden », l’un des singles qui en a été extrait, est la plus grande chanson de Hooverphonic. Pour moi, elle surpasse « Mad About You ».

Que dirait l’Alex Calier de 52 ans au jeune Alex qui s’apprêtait à former groupe pop au milieu des années 90 ?

Le jeune Alex Callier serait déçu de voir ce qu’il est devenu. Quand j’ai lancé ce groupe, je rêvais de jouer dans des stades et d’être aussi populaire que Chris Martin de Coldplay. L’Alex dirait à ce gamin prétentieux qu’il est parfaitement heureux aujourd’hui. On a gagné beaucoup d’argent tout en conservant notre liberté artistique. Hooverphonic est considéré comme mainstream en Belgique et garde l’aura d’un groupe arty à l’étranger. À Istanbul, à Vienne, à Ankara, on remplit à chaque tournée des salles de 2 000 personnes et c’est la jauge qui convient parfaitement à notre musique. Comme dit l’expression anglaise: I have the best of both worlds ».

Un spécialiste des soundtracks

En 1996, avant même que Hooverphonic ne sorte son premier album A New Stereophonic Sound Spectacular, le réalisateur italien Bernardo Bertolluci demande les droits d’exploitation de la chanson « 2Wicky ». Il l’utilise dans son film Beauté volée, avec Liv Tyler dans le premier rôle, qui fera l’événement au festival de Cannes la même année. Hooverphonic est alors assimilé à la vague trip-hop aux côtés de Massive Attack, Tricky et Portishead. La musique de Hooverphonic apparaît également dans le slasher movie Souviens-toi de l’été dernier, The Umbrella Academy, Buffy Contre Les Vampires, This Is What You Hurt ou encore Mary + Jane.

En France, le groupe décroche la timbale grâce à la publicité. En 2001, le ministère français des Transports choisit la chanson « Mad About You » pour le spot « L’autoroute, un trait d’union » et contribue à faire le plus gros succès de Hooverphonic chez nos voisins. L’utilisation préférée d’Alex Callier ? « Bien sûr, on doit notre renommée internationale à Beauté volée. Mais mon moment préféré, reste quand même la séquence du meurtre sanglant à l’aide d’un gros hameçon de pêche dans Souviens-toi de l’été dernier. » On n’entend « 2Wicky » que quelques secondes mais ceux qui ont vu le film ne l’oublieront jamais. »

Les 26 et 27/9, Ancienne Belgique, Bruxelles (complet). Le 30/1, Central, La Louvière. Le 31/1 à l’OM, Seraing. Le 20/3, centre culturel, Braine-le-Comte.

Hooverphonic, The Magnificent Tree With Strings, Sony Belgium.