Une poignée de semaines seulement après avoir déroulé le tapis rouge à Vladimir Poutine en Alaska, Donald Trump fait demi-tour toute. Mardi, le président des Etats-Unis a déclaré, en marge d’une rencontre avec son homologue Volodymyr Zelensky, que l’Ukraine pouvait regagner l’ensemble de son territoire et même « aller plus loin ». Le dirigeant a comparé la Russie à un « tigre de papier » et ajouté sur son réseau Truth Social : « Poutine et la Russie ont de GROS problèmes économiques et c’est le moment pour l’Ukraine d’agir ». Si en août, Donald Trump évoquait à propos du maître du Kremlin un « gars intelligent » et une relation qui comportait de « la chaleur », il semblerait donc que cette passion se soit grandement refroidie depuis.

« Depuis quelque temps, on sent une déception chez Donald Trump, qui utilise presque le vocabulaire d’un amoureux éconduit, analyse Jérôme Viala-Gaudefroy, docteur en civilisation américaine et auteur de Les mots de Trump (Ed. Dalloz, 2024). Il dit que Vladimir Poutine l’a « laissé tombé », qu’il en est « déçu ». On est dans le registre de l’incompréhension et du sentiment d’abandon. » Loin de l’acidité qu’il réserve à nombre de ses interlocuteurs, le magnat de l’immobilier apparaît en effet amer.

La « girouette » Donald Trump

Que le temps où Volodymyr Zelensky avait été humilié dans le Bureau ovale semble loin. Toutefois, « Donald Trump dit beaucoup de choses – et leur contraire », rappelle Jérôme Viala-Gaudefroy, qui conseille d’éviter la « surinterprétation » et de laisser « la poussière retomber ». « Donald Trump donne l’impression d’être une girouette, influencée par la dernière personne qui lui a parlé : en l’occurrence, ici, Volodymyr Zelensky », abonde Carole Grimaud, spécialiste de la guerre en Ukraine.

D’ailleurs, si le président ukrainien a salué un « grand tournant », ces déclarations étaient exemptes de toute promesse concrète. Le républicain n’a pas esquissé la moindre main tendue vers l’Ukraine, qu’il s’agisse de nouvelles sanctions envers la Russie ou d’un soutien financier ou militaire. « Ce sont des mots qui ne sont pas suivis d’actions », souligne Carole Grimaud.

« Une sortie de scène diplomatique »

Pire encore, le président américain a semblé se désengager du conflit qu’il avait promis, à l’origine, de résoudre en vingt-quatre heures. Sur son réseau social toujours, il a souhaité « bonne chance » aux belligérants. « Cela ressemble à une sortie de scène diplomatique », analyse Carole Grimaud. Le président américain a en effet insisté sur le « soutien financier de l’Europe, et en particulier de l’Otan », sans évoquer, on l’a dit, de nouvelles aides ou même de nouvelles mesures – comme la possibilité pour l’Ukraine de frapper en profondeur le territoire russe avec des armes américaines. « C’est une manière de s’en laver les mains », juge Jérôme Viala-Gaudefroy.

Donald Trump a toutefois jugé que les pays de l’Otan devraient abattre les appareils russes violant leur espace aérien… en précisant que cela dépendait des circonstances. Rien de bien concret, donc, pour l’Ukraine. Volodymyr Zelensky l’a admis devant l’ONU mardi : « bien sûr, nous comptons sur les Etats-Unis ». Mais « les Ukrainiens ont tout à fait compris qu’il ne fallait pas croire en l’administration trumpienne et ont resserré les liens avec les Européens pour pallier cette épée de Damoclès », assure Carole Grimaud.

Notre dossier sur la guerre en Ukraine

Ce n’est pas nouveau : personne ne sait jamais à quoi s’attendre avec Donald Trump. En revanche, tout le monde s’accorde sur une chose : l’impasse diplomatique est totale. Malgré des efforts substantiels, Donald Trump n’est pas parvenu à faire plier Vladimir Poutine d’un millimètre. Mercredi, le Kremlin a résumé la situation en estimant que le rapprochement entre Washington et Moscou donnait des « résultats proches de zéro ».