Le 15 septembre dernier, le conseil départemental de la Seine-Maritime a voté une réduction de 50 % de sa subvention d’Atmo Normandie pour 2025, avant son abandon total en 2026. Dès cette année, l’économie représente 67 000 euros. La structure de surveillance de la qualité de l’air, qui a fêté ses 50 ans cette année, n’est pas pour autant menacée : son budget était de 4,595 millions d’euros en 2023.

Mais la Seine-Maritime était jusque-là le seul des cinq départements de la région à financer l’association, dont le but avec ses 45 salariés et ses 48 stations d’analyse est de « surveiller la qualité de l’air, d’informer les scientifiques et le public, de prévenir la préfecture lors des pics de pollution et de servir d’experts lors des actions menées par divers acteurs » détaille Véronique Delmas, la directrice. Alors, si la somme peut paraître négligeable, la décision a provoqué de nombreuses réactions d’associations environnementales et d’élus locaux.

Des aides ponctuelles

Vice-présidente de la transition écologique, de la ruralité, de l’agriculture et de l’alimentation au département de Seine-Maritime, Cécile Sineau-Patry insiste d’entrée sur le fait que « ce n’est pas qu’Atmo Normandie fasse un mauvais travail. Mais c’est un sujet récurrent depuis 2015, depuis la loi NOTRe ».

Elle justifie le désengagement par deux arguments. Le premier, c’est le choix de se recentrer « sur nos compétences obligatoires, notamment celles des actions sociales, car les contraintes budgétaires nous obligent à être davantage vigilants. Je rappellerais que notre collectivité était la plus endettée de France à notre arrivée ».

Son second argument est celui de la mise en place d’un Ensuite, Plan Climat Énergie Territorial (PCET), en projet depuis 2020. « Nous faisons notre part du colibri. Par la politique qu’on mène, nous faisons en sorte que l’environnement s’améliore », assure-t-elle. « Et puis, 67 000 euros ne vont pas manquer sur le budget de l’association, surtout que le président du conseil départemental, Bertrand Bellanger, a proposé de valider ponctuellement des aides pour des projets, comme lors de l’incendie de Lubrizol, où du matériel de pointe a été acheté. »

« Ça ne va pas motiver d’autres à s’engager »

Vieux loup de la politique normande (ancien conseil départemental,, député et maire de Sainneville-sur-Seine, près du Havre), Denis Merville, président d’Atmo Normandie depuis 1982, ne dément pas tous ces arguments, mais pointe un risque politique, avec le désengagement du département. En effet, quatre groupes sont représentés au conseil d’administration de la structure : l’État, des associations, des collectivités locales et des entreprises.

« Dans la gouvernance, depuis toujours, on fait attention de rester neutre. À ce qu’on ne devienne pas un outil des industriels s’ils deviennent majoritaires dans notre budget », pointe le président, qui admet avoir été prévenu il y a un an par le président du conseil départemental, « mais pas pour une application brutale. Et puis, c’est dommage, car c’est un mouvement qui ne va pas motiver d’autres à s’engager ».

En pratique, ce retrait risque d’avoir des conséquences sur la santé des Normands, souligne-t-il : « Il y a de plus en plus d’asthmatiques dans la vallée de la Seine. Cette subvention sert au fonctionnement. Alors, qu’est-ce qu’on arrête ? Il faut des gens pour faire fonctionner nos équipements. 67 000 euros, c’est un ou deux collaborateurs. C’est une question qui devra être tranchée. »

Le coût de la science

Aussitôt la délibération publiée, des associations environnementales (France Nature environnement, Effet de serre toi-même, UFC Que choisir Rouen, Écologie pour Le Havre, Évreux Nature Environnement, URML Normandie, CREPAN) ont publié un communiqué commun dénonçant « un choix politique pour un sujet d’intérêt général ».

C’est « un sujet qui intéresse les personnes fragiles, atteintes de maladies chroniques, les personnes âgées et angoissées », insiste pour sa part Guillaume Grima, président d’Effet de serre toi-même. « La qualité de l’air entraîne des conséquences importantes sur la santé. Toute une partie de la population est intéressée. On l’a vu lors de l’incendie de Lubrizol, où immédiatement les réseaux sociaux ont été submergés. »

« Le financement d’Atmo Normandie est fondamental pour que l’association reste réactive », ajoute-t-il. « La vraie science a un coût et, même si cela n’est pas dans ses compétences, rien n’empêche le département de Seine-Maritime de payer. Cela représente 0,0028 % de son budget global. C’est déraisonnable et une lâcheté. Le département peut se montrer volontariste. »

Même son de cloche pour le conseiller départemental Les Écologistes Jean-Michel Bérégovoy, qui rappelle « que nous sommes sur un département qui a plusieurs usines chimiques. Le signal donné n’est pas le bon, surtout sur ce territoire martyrisé par cinq pollutions importantes ces dernières années. La population regarde cela d’un œil inquiet. Notre groupe va demander qu’on réintroduise cette subvention dans le budget d’Atmo Normandie, ou alors que le président Bellanger propose d’autres solutions à hauteur de la somme. Sinon, il y aura quelque chose de l’apprenti-sorcier ».