Jamais un détenu n’était parvenu à déjouer la sécurité et s’évader de l’unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) de Nancy (Meurthe-et-Moselle). Situé sur les hauteurs de la ville, à Brabois, cet hôpital-prison accueille des détenus de toute la région Grand Est, pour une prise en charge médicale ou chirurgicale.
Le 11 juin, en pleine nuit, ce trentenaire détenu à Metz (Moselle), mais qui venait d’être transféré à Nancy pour y recevoir des soins, a réussi à écarter les barreaux de sa chambre cellule pour se faire la belle. « Il a profité d’une faille au niveau de ces barreaux. Il y avait déjà eu un signalement intra pénitentiaire au sujet de ce défaut, mais rien n’a été fait. C’est peut-être remonté à ses oreilles », réagit le syndicat FO justice Nancy-Maxéville.
Pour parvenir à ses fins, ce détenu s’est enduit de gel, sans doute un savon, pour faciliter sa glisse entre les barreaux métalliques. « Il faut le reconnaître, il a été très bon. Il a fait preuve de beaucoup d’ingéniosité. Apparemment, il a quand même pu garder ses vêtements, et comme c’est un garçon pas très épais, il a réussi à passer » explique une source proche du dossier.
Un système d’alarme obsolète
Pour prendre le large, il lui a ensuite suffi de sauter, sans trop de risques, par la fenêtre située au premier étage de l’établissement. « Le bâtiment UHSI est équipé d’un système d’alarme obsolète, connu pour ses nombreux dysfonctionnements. La caméra a enregistré à 5h40 le passage d’un individu sur un laps de temps de sept secondes, sans qu’aucune alarme ne se déclenche à ce moment-là », déplore le syndicat des personnels pénitentiaires.
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Pour cette évasion rocambolesque lors de laquelle le fugitif de 32 ans a réussi à déjouer tous les dispositifs, techniques et humains, de sécurité, il sera jugé ce vendredi. Il risque jusqu’à cinq ans de prison, peine qui viendrait s’ajouter à celle qu’il purge depuis le début de l’année.
Libérable en janvier 2028, il avait été condamné en février par la cour d’appel de Metz à trois ans d’emprisonnement pour vol aggravé. Ce détenu est « essentiellement connu pour des faits d’atteinte aux biens, mais également des infractions routières, des infractions d’outrage, usage de stupéfiants, violences », avait indiqué au moment de son évasion Clara Ziegler, procureure adjointe de Nancy.
« Comment un détenu de 60 kg a-t-il pu tordre seul des barreaux ? »
Présentée comme ultra-sécurisée, l’UHSI de Nancy a été construite en 2004, devenant la première structure de ce type à voir le jour en France. En 2013, Émile Louis y est mort. Détenu à Ensisheim (Haut-Rhin), le tueur en série avait été transféré dans cet hôpital-prison en raison de la dégradation de son état. Dans cet établissement de dix-sept chambres, le personnel médical travaille conjointement avec l’administration pénitentiaire. Aucun soignant ne pénètre dans une cellule sans la présence d’un surveillant.
« Les failles du dispositif de sécurité de l’UHSI sont connues depuis des années. Malgré les nombreux signalements effectués par les personnels, rien n’a été fait pour renforcer ou moderniser les équipements de surveillance. Des questions doivent être posées : comment un détenu de 60 kg a-t-il pu démonter seul une fenêtre, un lit médicalisé et tordre des barreaux ? » s’interroge le syndicat.
« Il est connu pour ses antécédents de tentatives d’évasion. Il a sans doute simulé une maladie pour intégrer l’hôpital » selon Force Ouvrière, qui regrette « qu’aucune consigne particulière sur ses antécédents de tentatives d’évasions, ni signalements n’ait été transmise par son établissement d’origine à l’UHSI. »
Évadé le 11 juin, le fugitif considéré comme violent s’est évaporé dans la nature pendant un mois et demi, avant d’être interpellé par le Raid à Woippy, près de Metz, le 6 août. Pendant sa cavale, il a fait l’objet d’une plainte pour menaces de mort de la part de sa compagne, menaces proférées avant et après son évasion, a précisé le parquet. Depuis son évasion, « les barreaux des chambres cellules de l’UHSI de Nancy ont été tous vérifiés et renforcés », fait savoir une source proche du dossier.