C’est un vent étrange qui souffle sur la culture à Bordeaux, cet automne. Pas une simple brise faisant bruisser les feuilles, mais d’impressionnantes bourrasques qui secouent les branches des arbres. Des salles ferment pour se réinventer, d’autres s’apprêtent à naître ex nihilo, plusieurs enfin changent de mains ou de cap.

Fin 2024, le Krakatoa de Mérignac fermait pour une longue phase de rénovation. De restructuration, même : ce qui était jadis la salle des fêtes du quartier d’Arlac poussera sa jauge jusqu’à 1 500 places, se dotera d’une seconde salle de concerts au format club (250 spectateurs), de nouveaux espaces de création et d’expression. Pendant cette période, l’équipe continue son action en d’autres lieux (notamment Sortie 13 à Pessac et dans les autres Smac de l’agglo) et attend sa réouverture au printemps 2026. La Rock School Barbey devrait ensuite entreprendre, à son tour, sa longue mue.

En avril dernier, un concert à ciel ouvert était organisé au cœur du chantier du Krakatoa de Mérignac.

En avril dernier, un concert à ciel ouvert était organisé au cœur du chantier du Krakatoa de Mérignac.

GUILLAUME BONNAUD / SO

Michalik aux Salinières

Mais le chamboulement le plus spectaculaire se joue dans les théâtres privés. Après trente ans de gestion semi-publique via une société d’économie mixte, le Pin Galant de Mérignac a vu sa délégation de service public confiée, en février dernier, à un acteur privé : S-Pass, filiale du géant Fimalac Entertainment. Mais un autre mastodonte français, GL Events, est entré en négociations pour racheter à ce dernier l’ensemble de ses activités de gestion de salles !

Derrière ces affaires de gros sous, c’est l’équilibre des activités culturelles et le pluralisme des programmations qui vacillent. Et sous l’impulsion de Lagardère Live Entertainment, seul maître à bord de l’événement, le festival des Fous Rires de Bordeaux (en mars 2026) change drastiquement de format, plus concis et moins pléthorique.

À une autre échelle, trois célébrités viennent prendre leurs marques dans le paysage culturel bordelais : auréolé de cinq Molières et d’un curriculum admirable, le comédien, dramaturge et metteur en scène Alexis Michalik vient de reprendre les rênes du Théâtre des Salinières, rue Buhan, avec l’ambition d’y implanter un modèle de création théâtrale similaire à celui du théâtre privé parisien : des spectacles de troupes, écrits par des auteurs contemporains.

Ferrari au Fémina

Cet été, le théâtre Fémina, inauguré il y a plus de cent ans, a augmenté sa capacité d’accueil (désormais de 1 213 places) et remodelé sa régie. L’humoriste Jérémy Ferrari et son associé Mickaël Dion y ont pris leurs quartiers pour neuf ans, avec leur groupe Dark Smile. Ils se lancent également, via une nouvelle société à l’intitulé éloquent (La Conquête de l’Ouest), dans l’organisation et l’accueil de grands spectacles en tournée. Et comptent ouvrir, rue des Piliers de Tutelle à Bordeaux, un comedy-club avec resto, bar et scène, sur trois niveaux.

Kev Adams aussi devrait ouvrir, à deux rues de là, son établissement, sur le modèle du Fridge Comedy Club déjà implanté à Paris, Bruxelles, Montpellier et Rouen.

Décidemment, le rire a le vent en poupe, et pas qu’un peu : rarement la rentrée culturelle aura été secouée par pareilles bourrasques.