Par
Yann Rivallan
Publié le
26 sept. 2025 à 5h56
Les justifications de Charles Maarek n’auront pas convaincu. Jeudi 25 septembre 2025, l’ancien président du FC Rouen entre 2022 et 2024 était renvoyé devant le tribunal pour abus de biens sociaux, escroquerie, faux en écriture et présentation de comptes annuels inexacts. L’ex-dirigeant a été condamné à 10 mois de prison avec sursis. Une audience marquée par un chaos général et de vives tensions entre le prévenu et les autres parties. Récit.
Une enquête « bâclée », selon la défense
L’audience s’est ouverte de façon spectaculaire. Maître Pierre-Henri Bovis, l’avocat de Charles Maarek, a tenté une procédure en nullité pour l’ensemble des faits reprochés à son client. Selon lui, l’enquête du parquet de Rouen « est bâclée ». Pire, le ministère public aurait commis une « faute majeure » en ne renvoyant que l’ancien président du club de football devant le tribunal.
L’expert comptable [du FCR] et le commissaire aux comptes [qui avait alerté la justice sur des incohérences dans les comptes, NDLR] ont une immense responsabilité dans cette affaire.
Maître Pierre-Henri Bovis
Avocat de Charles Maarek
Il serait donc normal, d’après l’avocat, de les juger aux côtés de son client. Pour lui, il est nécessaire d’annuler la convocation de l’ancien dirigeant du FCR et de faire « un complément d’information » en confrontant les autres protagonistes.
Charles Maarek rejette la faute
Une demande rapidement balayée du revers par le procureur de la République. Le dossier est pour lui complet et surtout, l’expert-comptable et le commissaire aux comptes ne sont à ses yeux pas pénalement répréhensibles. D’ailleurs, ils expliqueront aux enquêteurs que c’est Charles Maarek qui tirait les ficelles. C’est donc bien de l’implication de l’ancien président qu’il est question aujourd’hui.
À la barre, après la lecture des faits par le président du tribunal, l’ancien dirigeant du club de football local s’étrangle et continue de s’en prendre à son expert-comptable et son commissaire aux comptes. Ils étaient « incompétents », et ont commis « beaucoup d’erreurs », selon lui. Au point de lui proposer de « falsifier » des comptes.
Pour autant, de fausses factures de sponsoring pour gonfler artificiellement le capital du FCR ou encore un mouvement bancaire suspect de 80 000 euros intriguent le tribunal.
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Écart de trésorerie, virement suspect, fausses factures…
Sur ces points, Charles Maarek a réponse à tout. Un trou de 400 000 euros découvert dans la trésorerie du club lors des contrôles des comptes par la DNCG, le gendarme financier du football français ? C’est la faute du commissaire aux comptes et de l’expert-comptable.
Un virement bancaire de 80 000 euros entre la société FC Rouen et une société immobilière de Charles Maarek ? « Une erreur » de sa secrétaire qu’il a fini par rembourser en 14 mensualités.
Mais le plus gros point dans ce dossier, ce sont de supposées « fausses factures de sponsoring », rappelle le président du tribunal. Pour gonfler artificiellement les recettes du club après la montée en National 1 en mai 2023, Charles Maarek aurait volontairement rédigé de fausses factures.
Il est accusé d’avoir surévalué le montant apporté par des sponsors, voire de les avoir complètement inventés. Des faits contestés avec véhémence par l’ex-patron du FCR. Au point de pousser le président à suspendre quelques minutes l’audience.
Pourtant, certaines entreprises interrogées par les enquêteurs ont assuré n’avoir jamais versé de telles sommes de sponsoring, ou même n’avoir jamais été mises au courant qu’elles étaient partenaires du club. « Ce sont des menteurs, justifie Charles Maarek. Il y a bien eu des prestations. »
L’ancien président du FCR « savait »
Selon maître Benjamin Peyrelevade, l’avocat de la Fédération Française de Football, Charles Maarek leur a promis monts et merveilles. « C’est de la manipulation pure », assure-t-il. Dès le départ, avant même que la saison en National 1 (2023-2024) débute, « il savait qu’il n’aurait pas le déclaratif [les fonds nécessaires pour tenir son budget annuel, NDLR] ».
C’est pour ça que le président du FCR aurait produit de fausses factures de sponsoring pour s’assurer une montée en capital artificielle et passer sereinement les instances de contrôle financier.
« Il travestit la réalité », résume encore l’avocat de la FFF. Pour le préjudice subit, c’est-à-dire d’avoir trompé la fédération, il demande un euro symbolique.
« L’image du club a été atteinte »
Pour les intérêts du FC Rouen, maître Amélie De Colnet, il est clair que cette affaire a engendré un sacré préjudice pour le club : « Le FCR a été une victime directe. » Elle en veut pour preuve la somme de 80 000 euros qui s’est volatilisée des comptes du FCR pour atterrir sur le compte bancaire d’une société civile immobilière de Charles Maarek.
Certes, cette somme a été remboursée. Mais le FCR n’en a pas bénéficié dans sa trésorerie pendant 8 mois.
Maître Amélie De Colnet
Avocate de la SAS FC Rouen
Pour ce préjudice, maître De Colnet réclame la somme de 2 500 euros, « en suivant le taux d’un crédit moyen. » De plus, « l’image du club a été atteinte dans cette affaire. Sa crédibilité aussi », appuie-t-elle. Elle sollicite ainsi une indemnisation de 10 000 euros au titre du préjudice moral.
Face à tous ces éléments, et en sachant que Charles Maarek a déjà été condamné pour des faits similaires en 2017, le procureur de la République requiert une peine de 12 mois de prison avec sursis. Il demande également l’interdiction de gérer une société pour une durée de 3 ans.
Charles Maarek finalement condamné
Maître Bovis, l’avocat de Charles Maarek, conclut cette audience en s’attaquant à nouveau à l’expert-comptable et au commissaire aux comptes du FCR. « La tentative de tromperie de la FFF », comme il la résume, ils en sont « à l’initiative ».
Concernant le virement litigieux, « tout a été rendu avant même les perquisitions », reprend l’avocat. Et il l’assure : « Il n’y a jamais eu de fausses factures. » C’est donc tout naturellement qu’il réclame la relaxe de son client pour l’ensemble des faits qui lui sont reprochés. « Et si vous deviez entrer en voie de condamnation, il faudrait prendre une distance [avec la peine requise par le procureur]. »
Au final, Charles Maarek est reconnu coupable de l’ensemble des faits qui lui sont reprochés. Le tribunal le condamne à 10 mois de prison avec sursis et une interdiction de gérer une entreprise pendant 5 ans**. Il devra aussi indemniser la FFF à hauteur d’un euro symbolique et devra verser 5 000 euros au FCR pour son préjudice moral.
**Cette peine est susceptible d’appel. Tout prévenu demeure présumé innocent tant que toutes les voies de recours ne sont pas épuisées.
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