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Rédaction Rennes

Publié le

26 sept. 2025 à 8h37

Trois hommes de 24 et 26 ans comparaîtront, à compter du 8 décembre 2025, devant la cour d’assises d’Ille-et-Vilaine pour le « meurtre » de Khamzat Labazanov, un jeune Tchétchène tombé sous les balles en pleine journée, le 17 mars 2021, devant le magasin Carrefour City du quartier Cleunay à Rennes (Ille-et-Vilaine).

« Nous, c’est Villejean, on tire tous les jours »

Pour rappel, à l’époque, une guerre de territoires faisait rage dans le quartier. Le 17 mars 2021, vers 13h40, une altercation éclate entre deux individus venus à la rencontre d’un groupe de cinq Tchétchènes, à l’intersection des rues Ferdinand de Lesseps et Paul Lerebours-Pigeonnière, un endroit « connu » pour être un point de deal historiquement tenu par « La Chèvre ».

L’un des deux assaillants – très vite identifié comme étant Saraba – avait alors sorti « une arme de poing » de la poche de sa doudoune pour faire feu sur le groupe alors qu’il était poursuivi. « Nous, c’est Villejean, on tire tous les jours », leur aurait-il au préalable lancé.

Décrit comme ayant « l’air calme », cet homme dont le casier judiciaire portait déjà trace de « 11 mentions », avait alors tiré « avec sang-froid » à plusieurs reprises sur le groupe, selon un témoin. Khamzat Labazanov s’était alors « écroulé au sol », atteint à la tête, et décèdera le lendemain à l’hôpital.

Un point de deal très convoité

Une « course-poursuite » s’était engagée et de nouveaux coups de feu avaient été tirés : le frère de la première victime, un homme aujourd’hui âgé de 29 ans, sera ainsi touché à la hanche. Il s’en sortira, après une intervention chirurgicale, avec une interruption totale de travail (ITT) d’un mois.

Rapidement, la piste du règlement de comptes sur fond de trafic de stupéfiants a été privilégiée par la juge d’instruction de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Rennes : à cette époque, le « terrain » situé devant le Carrefour City de Cleunay attirait toutes les convoitises.

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Au cours de l’enquête, une commerçante s’est d’ailleurs étonnée de la présence d’un « groupe d’Europe de l’Est » depuis le début de la semaine, ce qui était contraire aux habitudes, puisqu’un groupe de « jeunes blacks » s’y trouvait jusqu’alors. D’après l’enquête, les Tchétchènes étaient là pour « sécuriser le point de deal ».

Un mystérieux courrier anonyme

À sa sortie de prison, le tenancier historique du point de deal – surnommé donc « la Chèvre » – avait tenté d’en « reprendre le contrôle » ce qui avait d’ailleurs donné lieu à plusieurs tirs, pour lesquels il a d’ailleurs été réincarcéré en février 2023.

L’enquête n’a toutefois pas permis d’établir qu’il était le « commanditaire » des tirs du 17 mars 2021, en dépit de ce qu’indiquait un mystérieux courrier anonyme déposé au greffe de la prison de Rennes-Vezin.

Deux premiers hommes identifiés : Saraba et Banffa

Un premier suspect avait été « très rapidement interpellé » : à la vue des policiers, Saraba s’était « débarrassé » d’un pistolet Zoraki après l’avoir « pointé » en leur direction. Il avait été formellement identifié par les témoins et a reconnu les faits devant le juge d’instruction, indiquant avoir « tiré » car il s’était senti « agressé » par ces hommes « plus corpulents et amateurs de boxe ». Il n’avait « en aucun cas » voulu « viser la tête »…

Un second homme avait été identifié par « des renseignements concordants » parvenus aux oreilles des enquêteurs de la police judiciaire de Rennes et étayés par les exploitations des lignes téléphoniques : il s’agissait de Banffa. Mais il a bénéficié d’un non-lieu pour les faits du 17 mars 2021 après avoir été placé sous le statut de témoin assisté.

Une agression à Saint-Jacques-de-la-Lande…

Mais un lien entre cette fusillade sanglante, cet homme et une précédente « jambisation » (tir dans les jambes) d’un jeune de 19 ans survenue quatre jours plus tôt à Saint-Jacques-de-la-Lande avait pu être établi : un jeune trafiquant avait été agressé par « deux individus » le 13 mars 2021.

Ce dernier reconnaîtra les « yeux » de Saraba sur la planche photographique qui lui avait été soumise, refusant toutefois de déposer plainte par « peur des représailles ». L’arme utilisée lors de ce premier épisode le sera aussi lors du « meurtre » du 17 mars 2021.

… Puis une seconde

Par ailleurs, une « touriste » avait appelé la police pour « une rixe » à l’arme de poing survenue square Marguerite-Yourcenar, à Saint-Jacques-de-la-Lande : un homme avait cette fois reçu « des coups de pied » et « de crosse d’une arme à feu » sur le crâne.

Les photos transmises par la « touriste » ont permis de faire un autre lien avec les « vêtements » portés par Saraba et Banffa, reconnus par cette seconde victime. Banffa a reconnu sa présence sur ces faits, il sera donc jugé pour « tentative de meurtre » pour les seuls faits de Saint-Jacques-de-la-Lande.

Mais la qualification criminelle sera contestée par son avocate Me Gwendoline Tenier : il n’a jamais « cessé de clamer son innocence » alors que sa cellule avait été sonorisée à compter du 8 avril 2021. Dans des conversations, il s’était mis à expliquer qu’un « poto » – qui était le véritable coupable, selon lui – était venu en bas de chez lui, lui demandant de garder sa doudoune juste après les faits. Par « honneur », il expliquait alors à son interlocuteur qu’il ne révèlerait jamais le nom de cet « ami très proche ».

Un troisième accusé

Or l’ADN d’un certain Lansana a effectivement été découvert « sur le poignet droit et l’intérieur du col » de la doudoune saisie chez Banffa, ami de ce dernier et de Saraba, laissant à penser à la juge d’instruction qu’il était « sans doute possible » le véritable « accompagnateur » – et donc « complice » – de Saraba.

Saraba et Lansana comparaîtront détenus : les avocats de Lansana, Me Camille Ernstberger et Me William Pineau, plaideront l’acquittement, puisque leur client a « toujours indiqué qu’il n’avait rien à voir, de près ou de loin, avec les circonstances de la mort de Khamzat Labazanov ».

Quant à Banffa, nul ne sait s’il assistera à son propre procès : il est « en fuite » et sous le coup d’un mandat d’arrêt depuis un an. Tous encourent théoriquement entre 30 ans de prison et la réclusion criminelle à la perpétuité.

CB (PressPepper)

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