L’annonce officielle de la candidature de Jean-Michel Aulas aux prochaines municipales occupait tous les esprits jeudi au conseil municipal, où un sénateur écologiste a pointé du doigt deux sondages commandés par le clan de l’homme d’affaires.

Il n’aura donc fallu que quelques heures pour que la joute s’envenime. À six mois du scrutin municipal, l’annonce d’entrée en campagne de Jean-Michel Aulas, jeudi matin, a cristallisé les tensions de la classe politique lyonnaise, réunie en conseil municipal. Moins de 24 heures plus tard, un premier courrier d’avocat a été envoyé par l’homme d’affaires de 76 ans au président de la métropole, Bruno Bernard, et au sénateur Thomas Dossus qui l’accuse d’avoir payé des sondages avec sa holding familiale, ce qui est interdit par le code électoral. Des accusations diffamatoires selon «JMA», qui assure avoir payé les études sur ses fonds personnels.

La première banderille avait été plantée dès le début du conseil municipal du jeudi 25 septembre. Chef de file de l’opposition de droite, Pierre Oliver (LR) avait tenu à lancer la campagne de Jean-Michel Aulas lors de la traditionnelle intervention préalable aux débats accordée aux différents groupes politiques. «Autour de moi, vous voyez des personnalités issues d’horizons divers qui ont choisi de dépasser leurs appartenances pour se fédérer autour d’un projet commun, a-t-il lancé tout sourire en référence à la réorganisation des groupes de droite et du centre sous la bannière commune «Cœur lyonnais», du nom du mouvement de leur champion. En mars 2026, les Lyonnais devront choisir entre deux visions. Celle d’une politique dogmatique ou celle d’un projet rassembleur, conscient des enjeux et attentif à ne laisser personne de côté ».


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Il s’est heurté à un rappel à l’ordre formel cinglant du maire de Lyon, Grégory Doucet (EELV), par ailleurs candidat à sa réélection. «Ces interventions préalables ne sont pas destinées à faire campagne, l’a repris l’édile. Nous sommes en période de réserve électorale. Chaque acte de campagne doit se faire dans un cadre bien déterminé et ce conseil municipal n’en est pas un». «Ce que vous venez de faire ce matin n’est rien de moins que l’utilisation des moyens municipaux pour mener campagne, c’est absolument interdit, cela peut même être un motif d’invalidation des comptes de campagne», a encore grondé Nathalie Perrin-Gilbert, ex-adjointe à la culture dissidente et elle aussi candidate pour 2026.

«Sur quoi allez-vous vous mettre d’accord ?»

Le maire de Lyon n’a en revanche pas repris son alliée, Sandrine Runel (PS), quand elle a attaqué l’alliance de la droite et du centre derrière Jean-Michel Aulas. «Hier encore, ces groupes s’écharpaient sur les budgets (…) Aujourd’hui, sans explication, vous prétendez marcher main dans la main pour gouverner Lyon. Mais sur quoi allez-vous vous mettre d’accord, sur quelle ligne politique ?, a-t-elle interrogé. Il y a, ici, une seule addition d’intérêts et d’ambitions personnelles». Les écologistes avaient déjà tancé plus tôt dans la semaine cet attelage, exhumant les critiques formulées il y a cinq ans par le chef de file actuel de Renaissance, Thomas Rudigoz, contre l’alliance de second tour de Gérard Collomb avec la droite.

Dans la «Lettre aux Lyonnais» qu’il a publiée jeudi matin, Jean-Michel Aulas annonçait son intention d’aller à la rencontre des habitants pour établir un programme issu de la «société civile». «Je ne suis pas le candidat des partis» n’a de cesse de répéter celui qui a reçu l’onction de Laurent Wauquiez et Gabriel Attal ces derniers jours. Il a répété son intention de présenter une liste faite pour moitié de candidats étrangers à la politique.

Celui qui n’a de cesse de pester contre les embouteillages, attribués aux nombreux travaux d’aménagements cyclables et à la réduction de l’espace accordé aux voitures par la majorité écologiste, a trouvé un certain écho chez les électeurs de droite et du centre ces derniers mois. La notoriété de l’homme aux sept titres de champions de France avec le club de football de l’Olympique Lyonnais a achevé d’en faire l’homme providentiel aux yeux de LR et de Renaissance, en mal de champion légitime, pour «déloger les écolos de la mairie», selon la formule de Pierre Oliver.

Sondages et courriers d’avocats

Progressant pas à pas avec l’aide de son cabinet de conseil parisien, Jean-Michel Aulas a avancé méthodiquement ses pions ces derniers mois, distillant les sondages commandés par ses soins. Ces études d’opinion commandées aux instituts Cluster 17 en mars et Toluna Harris Interactive en juin sont aujourd’hui ciblées par le sénateur écologiste local Thomas Dossus (EELV). L’élu souligne qu’elles n’ont pas été commandées par Jean-Michel Aulas mais sa holding familiale Holnest, comme le mentionnent effectivement les notices de ces deux sondages, consultées par Le Figaro.


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«Alors que le droit électoral prohibe toute contribution, en numéraire ou en nature, de personnes morales autres que les partis et groupements politiques au profit d’un candidat, ce financement interroge», poursuit Thomas Dossus dans un communiqué de presse relayé jeudi après-midi. L’élu y feint de s’interroger sur «la nature réelle de cette dépense de précampagne». «Pourrait-elle être qualifiée de cadeau en nature, de la part d’une société, interdite par le code électoral ?, poursuit-il. La question reste posée : un multimillionnaire est-il au-dessus des lois pour s’acheter une campagne électorale ?»

Des allégations «diffamatoires» pour l’entourage du nouveau candidat à la mairie. «Les sondages ont été payés par Jean-Michel Aulas sur ses fonds propres», assure un proche. «Les relevés bancaires personnels de notre client en attestent», écrivent ses avocats. Car la réplique de clan «JMA» s’est accompagnée d’un courrier de mise en demeure adressé ce vendredi matin à Thomas Dossus mais aussi à Bruno Bernard, le président de la métropole de Lyon.

«Nous vous mettons formellement et définitivement en demeure de cesser immédiatement toute diffusion ou réitération de propos mensongers concernant Monsieur Jean-Michel Aulas, indique le courrier, évoquant des «poursuites judiciaires» «sans délai» dans le cas inverse. Nous vous invitons à la plus grande prudence dans vos futures prises de parole». De quoi tendre une campagne qui démarre à peine, avant même le premier meeting du candidat Aulas, ce vendredi soir dans le quartier de la confluence.