Par

Glenn Gillet

Publié le

26 sept. 2025 à 15h24
; mis à jour le 26 sept. 2025 à 15h25

Lutte contre l’antisémitisme ou grandes manœuvres politiciennes au conseil du 20e arrondissement de Paris ? Quatre mois après les propos polémiques tenus par Lila Djellali, adjointe écologiste au maire d’arrondissement, en plein conseil d’arrondissement, l’édile Éric Pliez (Place Publique) avait prévu de proposer au vote des élus du 20e, jeudi 26 septembre, une délibération visant à retirer pour de bon son rôle d’adjointe et ses délégations à l’économie sociale et solidaire (ESS) et de l’alimentation durable à l’élue, qui s’était mise en retrait après le tollé suscité par sa citation inexacte attribuée à Charles de Gaulle, qui lui avaient valu d’être elle-même accusée d’antisémitisme. Plutôt que de voir son avenir décidé par un « tribunal populaire », selon ses propres termes, Lila Djellali annonce à actu Paris avoir remis jeudi, avant la tenue du conseil, sa démission de ses fonctions d’adjointe. Elle conserve toutefois son mandat de conseillère d’arrondissement.

Excuses immédiates et formation contre l’antisémitisme

Le 26 mai, au cours d’une prise de parole au sujet de la situation à Gaza lors d’un conseil d’arrondissement, l’élue avait convoqué la mémoire du premier président de la Cinquième République par ces mots : « Il y a une phrase d’un de nos présidents, qui disait : ‘le jour où on rassemblera au même endroit les juifs, nous avons peur aujourd’hui qu’ils puissent devenir des dominateurs, qu’ils puissent faire l’impensable’. C’était Charles de Gaulle le jour où il a pris la parole pour dire qu’on était peut-être en train de faire une bêtise de réunir tout le monde dans un même État et qu’il serait peut-être possible de créer deux États, c’était en 1967 ». Si les propos cités ne sont pas exactement ceux de De Gaulle, sa déclaration de l’époque est du même acabit.

Les propos de Lila Djellali, filmés, sont alors quasi instantanément relayés en masse sur les réseaux sociaux et prennent une très grande ampleur, notamment dans les sphères médiatiques liées à l’extrême droite. Alors que les oppositions réclament sa démission, y compris de son mandat au conseil d’arrondissement, et que les socialistes s’offusquent à l’image de Lamia El Aaraje qui évoque une possible « qualification pénale », le patron des Écologistes parisien David Belliard annonce que le parti « condamne avec la plus grande fermeté » des « propos inadmissibles, […] utilisant une citation relayant des préjugés antisémites ».

Lila Djellali présente dans un communiqué des excuses publiques et reconnaît qu’elle « n’aurai (t) pas dû reprendre cette citation qui revêt tous les poncifs de l’antisémitisme, essentialisant les juifs ». Elle annonce aussi son « engagement » à se « former pour ne plus commettre cette erreur ». Aujourd’hui encore, l’élue reconnaît pleinement avoir « merdé » au cours de cette « intervention qui n’avait pas été préparée », au cours d’une séance à laquelle elle participait à la dernière minute et au cours de laquelle son corps et son esprit restaient affectés par des problèmes de santé et un suivi médicamenteux, une situation dont elle avait fait au maire.

Des excuses et explications qui n’auront pas suffi à calmer le cyberharcèlement violent fait notamment de menaces de mort et de viol, dont certains à caractère raciste dont elle est depuis victime. Elle estime avoir été particulièrement visée non seulement en tant que soutien au peuple palestinien mais surtout en tant qu’Arabe, qui plus est perçue comme potentielle musulmane. Elle a d’ailleurs déposé plainte le 24 septembre pour injures à raison du sexe et de la race et pour menaces sur personne dépositaire de l’autorité publique.

Depuis ses propos de mai, le cas de l’élue n’avait plus réellement causé d’agitation politique et médiatique. Mais le temps est loin de s’être arrêté pour l’élue, qui a non seulement suivi une formation contre l’antisémitisme dispensée par le rabbin Emile Ackermann mais qui a également été auditionnée le 20 juin dans un commissariat parisien dans le cadre non seulement d’un signalement au procureur au titre de l’article 40 du code de procédure pénale réalisé par le maire du 20e arrondissement, mais aussi, lui apprennent les policiers, par un député du Rassemblement national. On lui assure alors qu’elle ne fait l’objet d’aucune plainte. « Les policiers me disent même, ‘si vous n’avez pas de nouvelles en septembre, vous pouvez considérer que c’est classé sans suite‘», assure Lila Djellali.

L’été passe et arrive donc le mois de septembre. Le 10, l’élue envoie un mail à Éric Pliez pour lui faire part du probable classement sans suite son signalement et évoquer son potentiel retour aux affaires en tant qu’adjointe. Son message restera sans réponse. Mais jeudi, elle apprend dans la presse, en l’occurrence dans Libération qu’Éric Pliez a déposé le 12 septembre ce projet de délibération pour lui retirer définitivement son rôle exécutif. Une information qu’actu Paris a pu confirmer. Il justifie son choix auprès du quotidien de gauche par le fait que « les élus ont un devoir d’exemplarité » et qu’« il ne (lui) semble pas possible de confier une délégation, et donc la possibilité de s’exprimer en (mon) nom, à une personne qui a manqué à des principes fondamentaux de la République ». Contacté, le cabinet du maire n’a pour le moment pas donné suite à nos sollicitations.

Votre région, votre actu !

Recevez chaque jour les infos qui comptent pour vous.

S’incrire

Une démarche insupportable pour Lila Djellali : « J’ai pris la décision de démissionner. Quand j’ai vu l’article, j’ai compris qu’il ne bougerait pas d’un iota et qu’il avait même durci sa position. Parce qu’à l’origine il fait simplement un signalement, ça veut dire qu’il n’est pas sûr et qu’il attend l’avis du procureur », estime l’écologiste, qui affirme qu’elle entretenait jusqu’à cette affaire d’excellentes relations avec le maire. Il s’était d’ailleurs dit « obligé » de demander à son adjointe sa démission sous pression de la droite, tout en soulignant qu’elle n’était « bien évidemment pas obligée d’accepter », et se disait alors « attristé » par la situation.

Elle dénonce aussi la volonté du maire de faire de sa mise en retrait un « show » en prenant la décision de le faire passer au vote du conseil d’arrondissement alors qu’il a la possibilité de solliciter seul le préfet pour la rendre effective. « En faire une arène politique de cette manière-là, ça n’aide pas à lutter contre les discriminations », assène-t-elle.

Pour l’élue, la décision du maire est motivée par l’arrivée des élections municipales, alors que Lila Djellali affirme qu’elle devait être désignée sous peu tête de liste dans le 20e arrondissement par les Écologistes. Selon elle, une frange du PS refusant de soutenir pleinement la Palestine et de condamner les agissements d’Israël à Gaza a fait pression pour monter en épingle ses propos : « C’est de l’électoralisme. Mais c’est mal connaître la communauté du 20e arrondissement que de faire ça ». Quant à savoir si elle-même se lancera dans la bataille des municipales au printemps prochain, l’écologiste se dit pour l’instant « dans l’incapacité de réfléchir à ça ».

Personnalisez votre actualité en ajoutant vos villes et médias en favori avec Mon Actu.