Un enfant du Thabor est devenu en février dernier le nouveau patron de l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN). À la tête de « la police des polices », Stéphane Hardouin, 54 ans, est désormais chargé de surveiller les 150 000 policiers français. Il est donc en contact régulier avec le ministre de l’Intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau, sur des sujets sensibles comme les violences policières, la corruption ou l’usage de la force.
Déjà en 2022, le ministre Gérald Darmanin avait nommé une magistrate issue de la justice judiciaire pour diriger l’IGPN. Cette nomination avait suscité de vives réactions. Elle avait été perçue comme un signe de défiance de la part du pouvoir politique à l’encontre de l’institution, régulièrement accusée de passivité dans le traitement de cas de violences policières alléguées. La nomination de Stéphane Hardouin a suscité moins d’opposition mais les critiques restent latentes : « La police est donc une des rares corporations contrôlées par une personne d’un autre statut, en l’occurrence un magistrat », a dénoncé Un1té, un syndicat de policiers
« Savoir poser les bonnes questions »
Des critiques que Stéphane Hardouin évite adroitement « L’IGPN reste sous la direction générale de la police. Cette administration a toujours été indépendante. Même un policier ne connaît pas tous les métiers de la police. Il y a sécurité publique, l’investigation, le maintien de l’ordre, la police aux frontières, les attachés de sécurité dans les ambassades à l’étranger, le Raid… Une foultitude de métiers qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. Personne ne les connaîtra tous. L’essentiel, c’est de s’appuyer sur les spécialistes et de savoir poser les bonnes questions. J’agis toujours en magistrat. Que dit le droit, que dit l’enquête. »
Un regard qu’il a commencé à se forger dès son plus jeune âge. Fils cadet d’une mère professeure d’histoire géographie au lycée de l’Assomption et d’un père professeur de droit à l’université de Rennes, devenu avocat quelques années plus tard, Stéphane Hardouin s’est vite intéressé à la chose publique. « Avec mon frère, nous allions écouter mon père aux assises au Parlement de Bretagne. Il affectionnait particulièrement la matière pénale et avait une approche très humaniste. À la maison, il n’était pas rare de dîner ou de déjeuner avec un détenu en permission. »
Proche de Jean Castex
Bercé par cette enfance proche des prétoires et des gardes à vue, Stéphane Hardouin a obtenu un DEA de droit privé à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas avant d’intégrer l’école de la magistrature et de devenir procureur. Son premier poste l’a amené à Pontoise, dans le Val d’Oise, comme substitut chargé des affaires des mineurs. Virement à 180 degrés pour le poste suivant : il intègre le pôle financier où il requiert dans l’affaire des HLM de Paris et dans celle des emplois fictifs d’Elf. Touche à tout, le Rennais devient directeur de l’école nationale des greffes, puis secrétaire général adjoint de la transformation numérique, puis directeur adjoint de cabinet du garde des sceaux.
Mais, assurément, c’est son rôle de conseiller justice auprès de Jean Castex, alors Premier ministre, qui l’a marqué. « Ce poste m’a renforcé et appris, encore un peu plus, l’indépendance. En tant que conseiller, il n’y a pas de sécurité de l’emploi. Quand tu donnes ton avis, certes le plus documenté possible, et qu’il va à l’encontre de ce que dit un conseiller d’un autre ministère, il faut le porter. Ce poste m’a appris beaucoup en termes de négociation. On doit mettre les différents ministères d’accord. Trouver un compromis. Un Premier ministre a une pression énorme. Celle des évènements, du parlement, de l’opinion publique… Cette pression renforce le caractère. »
Un caractère que l’on imagine joyeux aussi. En évoquant sa jeunesse dans la capitale bretonne, son visage s’anime. « Quand je reviens à Rennes, mes souvenirs remontent. On quittait le domicile familial le vendredi en fin d’après-midi sans savoir à quelle heure nous allions rentrer. Aujourd’hui, l’image de Rennes me fait de la peine. Ce qui faisait Rennes, c’était cette convivialité, cette quiétude. Nos parents n’avaient pas la préoccupation de la sécurité. On allait au bout de la nuit ! Cela se passait toujours bien. »