Des loyers multipliés par 2, par 3. En renégociant leur bail commercial, certains commerçants risquent la clé sous la porte. Dans une lettre au Premier ministre, les maires écologistes de Bordeaux et Lyon appellent à expérimenter une régulation.

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« On a un loyer de 2000 euros mensuel. Le propriétaire a proposé 4 400 euros. » Ludovic Roger dirige un établissement d’une chaîne de restauration rapide, à deux pas de la cathédrale Saint-André de Bordeaux, au cœur de la ville. Récemment, le propriétaire foncier a souhaité renégocier le loyer du bail commercial : 120% d’augmentation. Une bien mauvaise surprise.

« Je ne connais pas de business qui supporte une augmentation de loyer de 50 ou 100%, affirme celui qui est également coprésident de l’association de commerçants Bordeaux Mon Commerce. Ça appelle la mort du commerce. »

Dans les rues les plus commerçantes de nos centres, les loyers sont souvent totalement déconnectés de la réalité économique.

Pierre Hurmic et Grégory Doucet, maires EELV respectivement de Bordeaux et Lyon

Ce mercredi 24 septembre 2025, les maires écologistes de Bordeaux et Lyon, Pierre Hurmic et Gregory Doucet, ont envoyé une lettre commune au premier ministre Sébastien Lecornu, pour demander l’autorisation d’une expérimentation : l’encadrement des loyers pour les commerces.

Dans une démarche inédite, les deux maires Europe Ecologie Les Verts (EELV) cosignent la demande d’expérimentation d’encadrement des loyers commerciaux. « Cette initiative pourrait s’inscrire dans le prolongement de l’expérimentation de l’encadrement des loyers d’habitation en cours dans nos deux villes et dont les résultats sont aujourd’hui jugés très encourageants », justifient les deux élus écologistes dans leur lettre envoyée à Matignon.

En droit français, le propriétaire est libre de décider comme bon lui semble du prix du loyer d’un bail commercial, sans limite légale. Le droit dispose seulement de sa durée : entre 9 et 12 ans. Pour les habitations, l’encadrement est récent. Il date de 2014, avec la loi ALUR.

A Bordeaux, 70 % des commerces sont indépendants, généralement davantage fragilisés par une augmentation brutale de charges.

A Bordeaux, 70 % des commerces sont indépendants, généralement davantage fragilisés par une augmentation brutale de charges.

© Nicolas Pressigout- Ici Aquitaine

Pour résoudre son différend avec son propriétaire, le dirigeant bordelais de restaurant Ludovic Roger a donc dû avoir recours à une conciliation judiciaire. Grâce à cela, son loyer a augmenté de 1200 euros « seulement ». Il est désormais fixé à 3200 euros par mois. « L’idée générale c’est de doubler le loyer, dénonce-t-il. La demande initiale est très élevée, pour ensuite obtenir une hausse importante. »

Le prix du loyer est prohibitif.

Gérant de restaurant anonyme

Un procédé courant, selon les commerçants interrogés. « On a vraiment besoin d’une réglementation, martèle le coprésident de l’association de commerçants Bordeaux Mon Commerce. Je suis très content que Pierre Hurmic se saisisse de la question. »

« Nos commerçants se plaignent d’une augmentation considérable des baux au moment de leur renouvellement, explique le maire de Bordeaux Pierre Hurmic. Nous, maires, nous avons quelques outils en notre possession, mais nous sommes dans une impasse. L’Etat peut nous autoriser à utiliser un outil innovant. »

Contactés, de nombreux établissements confirment des conflits avec leurs propriétaires, relatifs à une augmentation récente du loyer. De crainte de se mettre en porte à faux, ils ne souhaitent pas être cités. Seul ce gérant a accepté que l’on publie ses propos anonymement.

« J’arrive à échéance en 2027. C’est la source la plus importante de stress, déplore-t-il. C’est la plus grosse charge que j’ai. » Pour son restaurant et sa centaine de couverts journaliers, il dépense plus de 50 000 euros chaque année. Récemment, 8 000 euros ont été ajouté à la facture à cause d’un rattrapage. « On est très anxieux pour la suite, souffle-t-il. Les loyers sont trop cher, et les augmentations trop fréquentes. C’est mon outil, et c’est rageant de voir que ces milliers d’euros, c’est le fruit de mon travail. »

Cette demande de régulation des baux commerciaux a déjà été effectuée par d’autres collectivités dans le passé. Jamais un gouvernement n’a permis cette expérimentation. « Sébastien Lecornu (Premier ministre NDLR) a trouvé le temps de nous envoyer une lettre, demandant de rétablir la confiance avec les maires », relate Pierre Hurmic. On dit banco, mais aidez-nous à être innovants. »

Certains commerçants me disent qu’on leur réclame un loyer trois fois plus important qu’auparavant. Ce secteur là a besoin de régulation.

Pierre Hurmic, maire EELV de Bordeaux

Le nombre de commerce vacant ne cesse d’augmenter à l’échelle nationale. Selon les chiffres de la ministre démissionnaire du Commerce, 14 % des baux commerciaux sont vacants dans les rues marchandes en France, contre 6 % en 2010.