À Bordeaux, une distribution renouvelée et en partie locale porte cette fresque épique, à plus d’un titre. Une pièce chorale et prolixe, à tiroirs et à énigmes, cousue de mythes et d’époques entremêlés, enquête ésotérique farcie de références littéraires et figures historiques (au premier chef Alexandre Dumas, roi du feuilleton), un grand bazar philosophique (mais toujours humaniste, de ce qu’on a compris), ordonné dans la célébration de la puissance du récit, celui qui façonne l’Histoire.
Le verbe d’abord. Le propos s’illustre clairement dans la mise en scène, frontale et sans trop d’artifices : un tableau noir bientôt griffonné par des mains pressées, quelques tabourets, une penderie pour annoncer les changements à vue et cinq acteurs pieds nus, qui vont incarner (ou plutôt camper, façon bivouac) une foule de personnages, à un rythme plus que soutenu.
Rocambolesque
L’exercice est physique et la performance des comédiens lancés dans ce marathon du récit, entre jeu exigeant et texte foisonnant, suscite le respect. Virtuosité narrative, mise en abyme façon poupées russes, bons mots, ventilations comiques : à l’image de cette mère et sa fille emmenées par Martin Martin de l’Algérie aux Ardennes, on est prêt à se laisser embarquer dans cette chasse au trésor rocambolesque, ce conte moderne qui ne se soucie guère de vraisemblance.
Mais cette forte densité du rythme et du débit, soulignés par une musique omniprésente, finissent par créer l’effet inverse à celui recherché : l’ensemble se révèle trop souvent touffu, démonstratif et malgré l’ambition de l’attelage, on a peine au final à raccrocher les wagons, à s’intéresser à ces destins, ces énigmes. On se dit que ce « Porteur d’histoire » ne manque pas de souffle, mais qu’il faudrait penser à respirer un peu.