COMPTE RENDU D’AUDIENCE – Le tribunal correctionnel de Nice a déclaré ce Français de 36 ans, qui se faisait passer pour un Lord irlandais, coupable d’escroquerie, de faux et usage de faux et de blanchiment. Il devra rembourser près de 5 millions d’euros à l’acteur.
Un faux Lord irlandais, un des acteurs français les plus populaires, une cinquantaine de comptes off-shore et neuf millions d’euros envolés – loin d’un scénario de fiction, c’est la teneur des débats qui occupait le tribunal correctionnel de Nice (Alpes-Maritimes) ce vendredi 26 septembre.
Au terme de plus de six heures de débats et deux heures de délibéré, l’escroc a été reconnu coupable d’escroquerie, faux et usage de faux et blanchiment – faits qu’il a toujours reconnus et assumés – et condamné à 5 ans de prison avec un maintien en détention, ainsi que 300 jours-amendes à 1000 euros. Il devra également rembourser ses deux victimes, dont l’acteur Dany Boon, à hauteur de presque 5 millions d’euros en l’occurrence. Le parquet avait requis six ans de détention.
L’affaire, sur le papier, ne promettait pourtant pas autant de rocambolesque : un acteur délesté de plus de 5 millions d’euros à grands coups d’assurances bateau et de placements frauduleux – une arnaque financière, somme toute classique. C’était omettre le curieux personnage qui s’est présenté à la barre sur les coups de 8 heures 30. À mi-chemin entre la fausse héritière Anna Delvey et le roi de l’arnaque Marco Mouly, il y a Terry Birles. Ou Thierry Fialek, ou encore Sir Thierry Waterford Mandeville si l’on s’attarde sur ses différents faux noms.
Faux Lord irlandais
36 ans, «37» corrige-t-il en réajustant ses lunettes, il arrive en chemise blanche impeccable sur pantalon bleu ciel ; des lunettes, le dos droit, et une pointe d’accent british qui se fane après une heure de débats. Car en réalité, sous ses airs d’aristocrate so british, ce Français né à Paris, est parvenu à soutirer plusieurs millions à l’acteur Dany Boon presque «pour s’amuser. C’est l’occasion qui a fait le larron», selon ses propres termes.
Dany Boon ? Il l’a rencontré au cours de l’été 2021. L’acteur vient alors d’acquérir un voilier. Seul hic, il cherche quelqu’un pour assurer «la gestion, l’entretien, trouver un skipper, un anneau». Par l’intermédiaire de Marc Pajot, il rencontre donc Thierry Birles, au Bristol, qui arrive en «costume irlandais trois pièces, rosace épinglée sur le devant de la veste pour symboliser l’ordre des avocats irlandais, chapeau mou, ne lui parlant qu’en anglais, avec un côté excentrique», relate la présidente du tribunal.
Une cinquantaine de comptes off-shore
Il se présente comme un orphelin – «Mes parents sont en fait toujours en vie» – ayant perdu jeune ses parents dans un accident d’aéronef – «l’accident est véridique» – face à un Dany Boon cherchant une solution d’urgence «pour faire immatriculer son yacht, s’occuper de la gestion du bateau». L’acteur vient en effet d’acquérir L’Umaren ; il a besoin d’un expert en droit maritime et en gestion. Et voici donc Thierry Birles, en réalité né à Paris, parfaitement bilingue, et ne possédant aucune licence de droit français ; à son crédit en revanche, une maîtrise «d’une sophistication exceptionnelle», selon la procureur, des rouages de l’arnaque – surtout ceux liés aux comptes off-shore.
Quelques mois plus tard, l’escroc invite l’acteur à placer 4,5 millions d’euros dans une banque irlandaise, réputée avantageuse. Thierry Birles maintient que ce placement financier était avant tout motivé par des intérêts fiscaux, et dit qu’il en sait quelque chose. «Il n’y a aucune fraude fiscale», martèle en retour l’avocat de l’acteur, absent au procès.
Fin 2021, Dany Boon cherchera finalement à récupérer son argent. Mais impossible de mettre la main sur le moindre centime. «Il n’y a aucune saisie d’argent dans ce dossier», s’étonne la procureur. Un préjudice estimé à six millions pour l’acteur, neuf millions au total, qui dormiraient sur un compte au Panama, après avoir transité sur une cinquantaine de comptes off-shore. Le suspect, en récidive, s’est dit tout au long de l’audience prêt à indemniser ses victimes. «Je suis certaine que tout a été dilapidé et que cet argent n’existe plus», a balayé la procureur.
«Il ne s’agit pas du Crédit Lyonnais !»
Seulement déconcerté par la question itérative de la présidente, Thierry Birles ne se démonte pas et donne presque une leçon d’escroquerie. «Pourquoi n’avez-vous pas récupéré l’argent de votre compte au Panama, si vous voulez tant que ça indemniser les victimes ?», l’interroge-t-elle. «Déjà, j’espère que depuis 2023, il y a bien plus que neuf millions», répond-il. «Oui mais pourquoi ne pouvez-vous pas demander le virement, les récupérer ?» Yeux écarquillés du suspect. «Mais enfin Madame la présidente», s’offusque-t-il, presque outré de la question, «ce n’est pas la BNP Paribas ou le Crédit Lyonnais que vous trouveriez en bas de l’avenue ! Le principe même de ces banques est la dissimulation des actifs !»
L’avocat de Thierry Birles met en avant la «connivence», plutôt que «la confiance» entre l’acteur et l’escroc, un «petit côté arroseur arrosé», la bonne volonté de son client «qui a déjà passé sept mois en détention au Panama et perdu 40 kilos». Malgré un jeu impressionnant – et reconnu par la procureur, les avocats des parties civiles et la présidente – ce n’était finalement pas le meilleur rôle de Thierry Birles, qui repasse donc par la case prison.