Imaginez un pinceau effleurant la surface d’une eau gélifiée. À son passage, des cercles de couleur s’élargissent, fusionnent, se repoussent. L’artiste, comme un chef d’orchestre, donne vie à cette danse en manipulant pigments naturels, ox-gall (bile de bœuf) et eaux savamment dosées. Bienvenue dans l’univers hypnotique de l’ebru, un art aussi technique qu’élégant, où la moindre erreur condamne le dessin… à disparaître dans les flots.
Loin d’être une simple activité décorative, cette tradition picturale trouve ses racines dans l’Empire ottoman, où elle servait à orner les pages des manuscrits. Aujourd’hui encore, ce savoir-faire fait partie intégrante de l’identité culturelle turque. Depuis 2014, l’ebru est même reconnu comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Un sacre pour une discipline qui exige des années d’apprentissage. Car oui, avant de marbrer la surface d’un liquide, encore faut-il savoir le préparer !
Peinture sur eau : les secrets de fabrication de l’ebru étape par étape
Un savant mélange d’eau et de gomme végétale (généralement de la gomme adragante), qui forme une surface visqueuse propice à la flottaison des couleurs. Ensuite, chaque teinte est mélangée à de la bile de bœuf pour lui permettre de se répartir sans se dissoudre. Après avoir créé le motif, une feuille de papier est délicatement posée à la surface du liquide pour en capturer l’empreinte. Elle est ensuite mise à sécher.
Les pigments naturels sont déposés au pinceau sur un liquide gélifié coulé dans un bac.
© ©broadcastertr/Getty Images
De l’artisanat au chef-d’œuvre : quand l’ebru rencontre Van Gogh
La force de l’ebru, c’est sa capacité à transcender le geste : chaque trait, chaque goutte, chaque vibration sur l’eau est une prise de risque. Impossible d’effacer, de corriger, de recommencer. L’artiste travaille en une seule prise. C’est ce qui rend l’exercice si spectaculaire. Et certains en ont fait un véritable terrain d’innovation.
En 2016, l’artiste turc Garip Ay s’est illustré en recréant La Nuit étoilée de Van Gogh en ebru, sous les yeux médusés de millions d’internautes. Une prouesse technique et esthétique qui a hissé l’ebru sur la scène mondiale. Sur YouTube, sa vidéo a été vue plusieurs millions de fois, prouvant que cet art ancestral pouvait dialoguer avec les références les plus populaires de la culture occidentale.
Mais l’ebru n’est pas réservé aux virtuoses. Dans de nombreux ateliers turcs, cette technique est enseignée aux enfants et amateurs. Elle est aussi utilisée dans les domaines de la reliure, de la décoration ou même du design textile. Le papier marbré, produit final le plus courant, continue d’orner les pages de livres rares et d’objets d’art. Chaque pièce est unique, car chaque mouvement de l’eau est imprévisible. C’est là toute la beauté de l’ebru : entre maîtrise totale et abandon à la matière, un équilibre subtil se joue… à la surface d’un liquide.
Sources :
- Où se réinvente la peinture à l’eau ? Nolwenn Le Jannic, Ça m’intéresse, n°51, juillet-septembre 2025.
- Van Gogh on Dark Water,Garip Ay, YouTube, 11 juin 2016.
- L’ebru, cet art ancestral turc entre beauté, hasard et méditation, Gabrielle Mahias, Aujourd’hui la Turquie, octobre 2024.
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Cet article a été rédigé avec l’aide d’une intelligence artificielle, relu, corrigé et complété par les journalistes de la rédaction.