Et si certaines personnes plongées dans le coma
étaient en réalité conscientes… sans que personne ne le sache ? Une
récente étude scientifique bouleverse notre compréhension des états
de conscience altérée grâce à une technologie d’intelligence
artificielle capable de détecter des signes de vie intérieure
jusque-là invisibles aux yeux des médecins.

Une conscience qui échappe aux
médecins

Depuis des décennies,
l’évaluation de l’état de conscience des patients victimes de
traumatismes crâniens repose sur des observations cliniques
directes : ouverture des yeux, réponse à des ordres simples,
réactions à des stimuli sonores. Pourtant, ces méthodes restent
limitées et peuvent laisser passer des signes subtils de
conscience, notamment dans les cas où le patient est éveillé mais
incapable de bouger suffisamment pour communiquer.

En 2006, une étude pionnière
avait déjà mis en lumière ce phénomène de « conscience cachée » en
utilisant l’imagerie cérébrale. Une patiente apparemment
inconsciente montrait, sous IRM, une activité cérébrale identique à
celle de volontaires sains lorsqu’on lui demandait d’imaginer
certaines actions. Mais ces techniques sont coûteuses, longues et
difficiles à appliquer en routine clinique.

L’IA comme nouvelle fenêtre
sur l’esprit

C’est là qu’intervient
l’intelligence artificielle. Dans une étude récente publiée dans
Communications Medicine, des chercheurs de
l’Université Stony Brook, aux États-Unis, ont utilisé un outil
appelé SeeMe,
conçu pour analyser des mouvements faciaux imperceptibles à l’œil
humain.

Concrètement, 37 patients
récemment victimes de lésions cérébrales et apparemment
inconscients ont été filmés pendant qu’on leur demandait d’ouvrir
les yeux ou de tirer la langue. SeeMe a ensuite scruté ces vidéos
avec une précision extrême, détectant des micro-mouvements
invisibles pour les médecins.

Les résultats sont frappants
:

  • 30 patients sur 36 ont montré des signes
    d’ouverture des yeux avant même que les cliniciens ne puissent le
    constater.

  • 16 patients sur 17 ont présenté des
    mouvements de la bouche détectés uniquement par SeeMe dans les
    premiers jours.

En moyenne, l’IA a identifié
ces signes 4 à 8 jours
avant
les médecins.

Une avancée aux implications
médicales majeures

Pourquoi est-ce si important ?
Parce que chaque jour compte. Savoir plus tôt qu’un patient est
conscient permettrait aux médecins et aux familles de prendre des
décisions cruciales : intensifier les traitements, démarrer plus
rapidement la rééducation, ou au contraire réorienter les soins
dans certains cas.

De plus, les chercheurs ont
observé que les patients présentant plus de micro-mouvements
avaient généralement un meilleur pronostic à long terme. L’IA pourrait donc
aussi devenir un outil de prédiction de l’évolution clinique, une
aide précieuse pour guider les interventions médicales.

Le neurologue Jan Claassen, de
l’Université Columbia, qui n’a pas participé à l’étude, souligne
que cette technologie pourrait transformer la prise en charge des
patients : « Chaque jour gagné peut faire la différence dans le
parcours de rééducation et la qualité de vie future. »

IA coma conscience
Crédits : Pexels / Oles kanebckuuVers une communication avec
les patients comateux ?

L’équipe de recherche ne
compte pas s’arrêter là. Prochaine étape : déterminer si des
patients peuvent apprendre à répondre par oui ou non à des questions simples en utilisant uniquement
des mouvements faciaux infimes, détectés par SeeMe.

Si cela s’avère possible, cela
ouvrirait des perspectives éthiques et médicales immenses : pour la
première fois, des personnes incapables de bouger ou de parler
pourraient participer activement à des décisions concernant leur
propre traitement.

Une révolution encore à ses
débuts

Bien que prometteuse, cette
approche doit encore être testée sur un plus grand nombre de
patients et dans différents contextes cliniques. Mais une chose est
sûre : l’IA offre désormais une fenêtre inédite sur un monde
intérieur que nous pensions inaccessible.

Ce qui n’était qu’un silence
inquiétant pourrait, demain, révéler une présence consciente,
changeant à jamais notre manière de soigner et de communiquer avec
les personnes en état de conscience altérée.