L’Institut d’études politiques (IEP) de Rennes a mis en place en 2024 un nouveau mode de calcul des droits d’inscription. En quoi cela consiste ?

Pablo Diaz, directeur : Auparavant, nous avions onze tranches qui dépendaient du niveau de revenus des parents. Les étudiants boursiers étaient exonérés. Puis, en fonction de ces tranches, on partait de 300 € jusqu’à 4 100 €, au titre des droits d’inscription. Mais nous avions des effets de seuil importants. Un euro supplémentaire gagné pouvait vous faire passer dans la tranche supérieure. Nous avons donc mis en place cette réforme qui instaure un système de progressivité totale.

C’est-à-dire ?

Le calcul est réalisé en fonction du quotient familial défini par l’administration fiscale. Pour simplifier, disons que nous avons 1 400 droits d’inscription différents : un pour chaque élève. 400 étudiants, dont les 350 boursiers et les 50 en bas de l’échelle, sont exonérés. Ensuite, on peut payer entre 150 € et 8 000 €. Ce seuil maximal, que nous avons fixé, est atteint par quarante familles. Elles ont un revenu moyen de plus de 400 000 € par an. Après cette réforme, 65 % des étudiants paient autant ou moins.

La réforme a-t-elle été bien accueillie ?

Elle a été votée à l’unanimité au conseil d’administration. La question des droits d’inscription est très politique. Mais, à l’IEP, quand j’ai expliqué aux étudiants élus que les deux tiers de leurs camarades paieraient moins et que les plus fortunés contribueraient davantage de manière progressive, cela a été très bien accepté.

Et du côté des familles les plus fortunées ?

J’ai reçu une quinzaine de lettres de la part de parents qui ont vu les droits d’inscription augmenter. Je peux les comprendre, quand on passe de 4 000 à 8 000 €. Mais quand je leur ai expliqué la démarche, cela a été compris. Ce qui est intéressant, c’est que nos droits d’inscription, finalement, dépendent de la hausse ou de la baisse des salaires. Et sur ces quinze dernières années, les revenus de la classe moyenne n’ont pas augmenté. Ceux qui ont le plus augmenté se situent en haut de l’échelle.

Pourquoi le prof d’économie que vous êtes a fait ce choix ?

Il existe plusieurs modèles. Il y a le forfait, où chacun paie la même chose, quel que soit le revenu. C’est le plus injuste. Il y a le système par tranche mais il produit ces effets de seuil. Aux étudiants, j’ai toujours dit qu’un système progressif était le plus juste possible. On parle beaucoup, dans le débat public, de justice sociale et de progressivité des impôts. Ici, nous avions la possibilité de faire quelque chose.

Vous avez gagné des recettes supplémentaires au passage ?

Oui. Cela nous a permis d’investir, par exemple, dans un fonds de solidarité. Ou encore de payer aux étudiants boursiers le TOEFL, une certification payante qu’il faut avoir pour aller étudier dans les universités anglo-saxonnes. Tout a été réinvesti dans la vie étudiante et dans l’établissement.

Ce système devrait-il inspirer les universités françaises, où les frais d’inscription sont forfaitaires ?

J’ai été auditionné. Je suis très heureux de le présenter parce que je trouve qu’il est juste. L’État réfléchit à la question difficile des droits d’inscription. Mais l’université a d’autres problématiques. Ils ont énormément d’étudiants et, contrairement à nous, ils ne disposent pas déjà des feuilles d’impôts des parents pour faire les études d’impact. La faisabilité n’est pas aussi simple. Nous, nous sommes une école de taille modeste, nous pouvons nous permettre d’expérimenter des choses. Mais je suis convaincu que c’est une bonne réforme.