Quel a été votre premier sentiment en apprenant la mort du Pape François, ce lundi ?
Je l’avais vu sur la place Saint-Pierre, dimanche, pour le jour de Pâques. Il saluait avec beaucoup de faiblesse les pèlerins mais je me suis dit qu’il remontait la pente, que, petit à petit, il allait retrouver la santé. Sa mort a donc été une grande surprise, une tristesse. Sa voix pour la fraternité, pour le rejet de l’exclusion, s’est tue. Je ressens comme une nostalgie de cette voix que l’on a entendue pendant plus de douze ans.
Quel souvenir garderez-vous de lui ?
Je l’ai rencontré à l’occasion de la présentation des évêques au pape, mais aussi dans des cas plus particuliers, où je venais lui présenter des situations délicates. Il avait un visage très joyeux, mais quand je lui ai parlé d’une affaire douloureuse, concernant des migrants, son visage, en une seconde, est passé de la plus grande joie à la plus grande douleur. Il était très expressif. Pour moi, c’était le pape de la compassion. La douleur de quelqu’un était la sienne.
Le pape François a marqué l’Église d’un signe, si je peux dire, indélébile. On va voir surgir un pape qui sera pour la fraternité, qui sera proche des exclus, qui regardera vers les périphéries. Cette grande dynamique va se poursuivre.
Cette question des réfugiés a été centrale tout au long de son pontificat…
Sa première manifestation publique a été d’aller à Lampedusa. Cette question a marqué son pontificat mais je pense que, plus précisément, le pape François ne pouvait pas supporter le phénomène de l’exclusion, dans ce qu’il appelait les périphéries. Il avait un regard très profond. Et pour voir la réalité, il ne faut pas se placer au centre. C’est à partir des périphéries que l’on voit bien la réalité, que l’on voit bien le peuple.
Quel bilan faites-vous de son action contre les violences sexuelles dans l’Église ?
Pour moi, il a pris le problème à bras-le-corps, avec courage. Je peux vous raconter une histoire qui m’a touchée : j’ai rencontré une personne victime dans le diocèse de Rennes. Cette personne était tellement blessée qu’elle a voulu aller jusqu’au bout de la réparation faite par l’Église. Et, pour elle, c’était une rencontre avec le pape. J’ai écrit à François et il a tenu à recevoir personnellement cette victime. Avec simplicité, cette personne a dit au pape que le trajet Rennes-Rome avait coûté cher. Quinze jours plus tard, j’ai reçu un coup de téléphone d’un collaborateur du pape pour verser de l’argent à cette victime. Ce n’étaient pas simplement des grandes théories, des discours : il agissait. Il me semble qu’il a fait faire un pas considérable à l’Église dans la reconnaissance de ce fléau, dans la lutte et dans la prévention.
L’Église catholique entre dans une période de transition. Comment l’abordez-vous ?
Avec beaucoup de sérénité. Le pape François a marqué l’Église d’un signe, si je peux dire, indélébile. L’Église avance à un rythme qui a la marque du pape François. Elle va continuer à marcher sur cet axe de la fraternité, de la tendresse, de la bonté gratuite. Les cardinaux vont se réunir en conclave et vont réfléchir à l’avenir de l’Église. On va voir surgir un pape qui sera pour la fraternité, qui sera proche des exclus, qui regardera vers les périphéries. Il aura certainement ses accents particuliers mais cette grande dynamique va se poursuivre.
Ce nouveau pape peut-il être français ?
Vous savez, avec le bon Dieu, il y a beaucoup d’inattendu ! Je ne fais pas de calcul, je ne fais pas de lobbying, mais avec le bon Dieu, il faut s’attendre à des surprises. Ce serait une surprise que ce soit un pape français… Mais ce serait aussi une surprise que ce soit un pape africain ou un pape d’Asie !