«Notre métier a clairement changé. Quand tu pars le matin et que tu dis au revoir à ta femme, tu te demandes parfois si tu vas rentrer le soir ». Cela fait vingt-quatre ans que Frédéric travaille à la Direction interdépartementale des routes de l’Ouest (Diro). Vingt-quatre ans qu’il sort chaque jour pour porter assistance aux usagers en difficulté, parfois dans des conditions difficiles. De plus en plus souvent mis en danger, les agents en orange disposent pourtant d’importants équipements censés les protéger. Des camions, des flèches clignotantes, des cônes réfléchissants. Depuis 2018, ils bénéficient aussi d’une nouvelle règle inscrite au Code de la route qui devait les mettre à l’abri : le corridor de sécurité. Sauf que cette règle « est très mal connue », reconnaît Véronique Malard, cheffe adjointe à la Diro.
Dans son baromètre européen de la conduite responsable, la fondation Vinci Autoroutes révélait que 64 % des conducteurs ne l’appliquaient pas. « Je ne savais pas que c’était une infraction », reconnaît un homme d’une soixantaine d’années arrêté sur le stand de prévention de la Diro installé sur la place de la Mairie, à Rennes. En cas de non-respect, la sanction est pourtant sévère : 135 euros d’amende et une éventuelle perte de points. « A la louche, je dirais que les trois quarts des gens ne le respectent pas », témoigne Frédéric, l’agent Diro.
En cas de panne ou d’intervention d’agents de la route, il est obligatoire de se déporter pour laisser libre le corridor de sécurité. - Dir Ouest
L’apparition de nouveaux panneaux validés au Journal officiel en avril 2025 devrait progressivement permettre de faire connaître cette fameuse règle, visiblement méconnue. Depuis le printemps, trois panneaux successifs posés sur le bord des routes viennent aiguiller les usagers sur la marche à suivre. Concrètement, cette règle consiste à dégager un corridor virtuel lorsqu’un véhicule est stationné sur le côté, en se déportant sur une autre voie. « Si ce n’est pas possible, il faut fortement ralentir pour laisser les agents et les personnes en sécurité », poursuit Véronique Malard, dont les équipes interviennent régulièrement sur la rocade de Rennes.
« Ici, le trafic est énorme. Sur certains tronçons, c’est 120.000 véhicules par jour. Alors forcément, on a toujours du stress à intervenir. On sent parfois que le camion est soufflé par les poids lourds. On a peur d’être happés », poursuit la cheffe adjointe.
S’ils peuvent faire peur avec leurs longs camions de plusieurs dizaines de tonnes, les chauffeurs de poids lourd seraient pourtant les plus enclins à respecter ce fameux corridor de sécurité. « Parce qu’ils passent régulièrement des formations et qu’ils connaissent les nouvelles règles », explique Patrick, vingt-trois ans d’expérience à la Diro.
Pour sensibiliser la population aux dangers de leur métier, les agents de la Direction des routes de l’Ouest montrent l’un de leurs camions acccidentés. - C. Allain/20 Minutes
Le 24 juin, un agent âgé de 24 ans est décédé pendant une intervention en Normandie. D’autres agents ont été blessés, des camions bousillés par des chocs violents. L’illustration concrète du danger permanent qui guette les agents des routes. Mais aussi toutes les personnes en panne ou accidentées. « Ce sont les gens que nous venons aider qui nous le disent. A chaque fois, ils sont effrayés par la vitesse à laquelle passent les voitures et les camions. Ils nous disent tous qu’ils ne se rendaient pas compte que c’est si dangereux », assure Frédéric.
La police vient sécuriser la zone
A Rennes, un partenariat a été noué cet été avec la police nationale dans le but de sécuriser les opérations de sécurisation. « Nous essayons d’être là quand ils mènent des travaux par exemple. Cela permet de sécuriser la zone de travail », assure le lieutenant de police Maud Le Jossec. Fin août, les motards avaient procédé à la verbalisation de 84 personnes en seulement quelques heures. Preuve que le corridor de sécurité n’est pas connu. Ou du moins pas respecté. Maintenant, vous savez.